Chapitre 15 : Les verres d'eau

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Pour la première fois depuis bien longtemps, mes lèvres s'étirent en un joyeux sourire et mes yeux pétillent d'espoir.

"Je me demandais, qui étais-tu avant d'être une Humaine Génétiquement Modifiée ?" m'interroge-t-il en retrouvant son sérieux.

Ce même sourire se tarit suite à sa question. Je ne me sens pas encore prête à me confier auprès de lui au sujet de ce houleux passé. En fait, j'aurais préféré tout oublier, devenir amnésique, comme on le voit si souvent dans les films. Ce vieux cliché...

Je sens sa main bouger jusqu'à se poser sur mon épaule, son pouce caresse ma clavicule.

"Je ne souhaite pas en parler." finis-je par lui dire clairement, catégorique. Mon ton est froid, mais il ne s'en offusque pas. Au contraire, il ne me comprend que trop bien. Je l'interroge quant à notre future mission :

"Que penses-tu qu'il va se passer, dans les jours à venir ?

- Je n'en ai aucune stricte idée... Nous avons un plan, du matériel, les informations nécessaires pour mener à bien cette mission, grâce à toi. Mais rien ne se passe jamais comme prévu.

- Je suppose que c'est l'expérience qui parle.

- En effet. Mais... n'aie crainte. Je m'assurerai qu'il ne t'arrive rien."

Je souris stupidement, quel homme naïf il fait. S'il m'arrive quoi que ce soit, qu'il sauve sa vie à lui et ne se préoccupe pas de la mienne. Je lui adresse un regard réprobateur auquel il me répond par un froncement de sourcil. Et, finalement, passées quelques secondes à arborer ces mimiques des plus ridicules, nous nous mettons à rire jovialement. Quelle situation grotesque.

Nous rentrons assez tardivement et, d'un commun accord, nous allons nous coucher.
Il ne se passera rien de plus et je m'en retrouve quelque peu déçu, au fond de moi.
Nous commençons à nous rapprocher, à devenir plus intime.
C'est presque... Agréable.
C'est dangereux.

Antoine me réveille le lendemain matin, tôt, aux aurores à vrai dire...

Et comment me réveille ce perfide excentrique ?!

Comment ?!

Mais avec, dans un premier temps, un verre d'eau bouillante, suivi, tout de suite après, d'un verre d'eau froide !! Et accompagné de quelques glaçons, s'il vous plaît !

Cela a au moins le mérite de me faire ouvrir les yeux en grand. Impossible d'être plus réveillé que moi à cet instant. Je vois rouge, je vais l'abattre, je lui adresse un regard assassin mais il est le premier à avoir le réflexe de quitter la chambre.

Je m'empresse de le poursuivre mais ce dernier se cache derrière le russe. Tricheur !

"Je vais te tuer ! crié-je dans un excès de rage parfaitement justifié.

- Ça t'apprendra à fouiller dans le bureau des généreuses personnes qui t'accueillent sous leur toit ! Me répond-il avec un sourire de sale gosse.

- Espèce de sale... asséné-je à mon tour, mais coupé par Alex'.

- Langage, Fleure ! Et arrêtez tous les deux, vous êtes ridicule !" tonne sa forte voix, nullement enchanté de nous voir ainsi débouler dans le salon dans lequel il semble encore dormir. Cela a le mérite d'instantanément nous calmer. Je croise les bras, sur la défensive, et je constate amèrement qu'Antoine en fait de même. Nous nous toisons longuement du regard, tels deux lions sur le point de s'attaquer.

Mais, soudainement, il s'illumine et semble contenir une certaine malice, tandis qu'un fielleux sourire transforme ses lèvres en une moue moqueuse. Son insupportable voix retentit :

"Fleuuuuure ? ~

- La ferme...

- Fleuuuuureuuuuuh ! ~"

Je détourne le regard, gênée et presque honteuse. Je me souviens encore de ces brimades enfantines dans la cour de l'école primaire, lorsque ces satanés bambins se moquaient de mon prénom, en plus de la couleur rousse de mes cheveux.

Alex lève les yeux au ciel, agacé par le comportement puéril de son ami. Il reprend d'une voix plus importante, l'air grave :

"Préparez-vous, ce soir, nous passons à l'action !"

Ma mâchoire se crispe, cela a assurément détourné mon attention de mes maussades pensées. Est-ce que psychologiquement je suis parée ? Je n'en ai pas la moindre idée.

Mais ce soir, nous passons à l'action. 

"Et Fleure, tu devrais faire attention à ton langage. Ce n'est pas très élégant. "

Putain de russe à cheval sur les règles de bienséance.

FugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant