Chapitre 25 : Les frères

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J'essaie d'ouvrir les yeux, mais je ne vois que du noir clairsemé de nuances de gris. Je n'entends ni ne perçois ma propre respiration, que je devine saccadée de par le stresse qui m'étreint. Je ressens, en revanche, une désagréable brûlure sur mes poignets, probablement due aux entraves de cuir bloquant tout mouvement.

Un étrange bourdonnement rompt cet inquiétant silence. Les voies auditives depuis l'organe de Corti jusqu'à l'écorce cérébrale se mettent au travail et fonctionnent de nouveau, me permettant d'entendre clairement une conversation entre deux hommes se trouvant dans la même pièce que moi.

"...sponsable et inconscient ! Te rends-tu seulement compte que tu aurais pu me tuer ?! Pourquoi ?! entonne la première voix dont je reconnais le timbre.

- Pour le fun, lui répond la seconde.

- Le... fun ?! il semble s'étouffer suite à cette révélation émise d'un ton monocorde. Je le dirai à Mère." lui répond-il, tel un enfant capricieux.

Il s'agit d'Antoine et de Bertrand, les deux frères, je reconnais leur organe. Je commence à discerner certaines couleurs, le noir laissant place à ce qui semble être une pièce éclairée par la lumière d'un vieux néon grésillant. Très vite, je récupère la totalité de mes sens et je constate que je me trouve attachée à un lit, dans une pièce de béton gris et dénuée de fenêtre. Une caméra pointe en direction de mon emplacement et semble me narguer avec son point rouge clignotant.

La porte métallique s'ouvre sur un visage qui m'est inconnu. Ses joues creuses et son regard onyx lui donnent un air acariâtre et n'inspire nullement la sympathie, et la confiance encore moins. Son regard se porte dans un premier temps sur les deux hommes se disputant, avant de se poser sur ma personne. Elle m'observe longuement et je soutiens son regard avec colère. À sa tenue, un uniforme de l'armée, et à la façon dont mes compères tournent vers elle, je devine qu'il s'agit de quelqu'un d'important. Leur dos sont droit et leur posture raide. Leurs mains sont liées derrière eux et ils semblent quelque peu anxieux.

"Messieurs de Lajade, pardonnez mon intrusion durant votre querelle familiale, mais il semblerait qu'elle s'est réveillée."

Elle prononce le sujet me désignant avec dégoût, c'est du moins ce que je perçois à l'intonation de sa voix rocailleuse et stridulante. Un rire moqueur m'échappe, résultant sur un regard foudroyant de sa part.

"Vous l'euthanasiez quand ?"

Mes yeux s'écarquillent, tels deux billes bien rondes, et je commence à tirer sur mes poignets dans l'espoir de me détacher. La peur s'empare de moi et me donne comme une force nouvelle, me permettant d'arracher l'une des sangles détenant mon avant-bras. Je pousse un cri à en fendre l'âme, un cri de rage, un braillement provenant du cœur, de mes poumons, dans un souffle puissant.

Un rictus mauvais déforme mes traits, et mon regard est promesse de mille et une souffrances envers cette femme si semblable à... eux.

Antoine s'approche du lit afin d'appuyer sur un petit bouton rouge. Cela actionne un appareil envoyant un étrange liquide vert le long d'un tuyau dont le bout se trouve être une seringue plantée dans ma peau. Ma vision devient floue et la tête me tourne. J'entends la voix de Bertrand, elle résonne en boucle dans ma tête, avant que je ne m'évanouisse : "La tuer serait une erreur stratégique. Je peux hacker la puce, nous pourrons la contrôler."

Je me réveille, pour la seconde fois, dans la même pièce. Un second lit a fait son apparition et se trouve à côté du mien. Sur ce dernier se trouve un corps féminin semblant profondément endormi. Aux cheveux d'une vive couleur pourpre, je devine qu'il s'agit de Violette. La raison de sa présence m'échappe et je me rappelle avec horreur les paroles prononcées par ceux que je pensais être mes alliés. Mordillant nerveusement ma lèvre inférieure, je suis prise d'un incontrôlable sanglot.

Qu'est-ce qu'il m'a prit de m'engager là-dedans ?!

Je suis bouleversée et complètement perdue. Je suis prise au piège, sans aucun moyen de m'échapper. Ils me veulent, eux aussi, pour mes incroyables capacités. Et la femme dormant paisiblement doit être présente pour la même foutue raison. Je n'ai jamais demandé à être ce que je suis, je voulais seulement... seulement...

"J'VOULAIS PAS ÊTRE UN MONSTRE, PUTAIN !!!!"

Je ne peux m'empêcher de crier rageusement, tout en me débattant. En vain, cette fois-ci, ils semblent avoir compris qu'il me fallait plus que du cuir. Il s'agit maintenant de menottes en métal, froid et dur, presque douloureux.

"JE VOULAIS.... Je voulais... je voulais seulement de la thune..."

Ma voix se brise au dernier mot prononcé, les larmes dévalent mes joues en un flux continu. Je fixe résolument la caméra, dans l'espoir que, pris de pitié, on me libère de cette effrayante prison.

La dernière fois était un coup de chance.

Mais maintenant, avec les moyens technologiques dont disposent ces personnes, en plus du savoir-faire de l'ingénieur et de son frère, je crains ne pouvoir y échapper. J'aimerais garder le contrôle de mon corps et de mon esprit. Mais je sais que cela me sera à jamais interdit.

Tout comme eux, ils vont me retirer tout ce qui fait de moi un être humain à part entière, avec des émotions et des sentiments. Ils oublient que je suis avant tout une femme ! Je suis... comme eux.

Et Alexeï... ? Qu'a-t-il dit ? Qu'en pense-t-il ?

Notre relation s'est améliorée et il a fini par m'accepter, en dépit de ma véritable nature, en faisant fi du dégoût qu'il ressentait à mon égard. Je me rappelle avec joie ces quelques moments où nous nous confions l'un à l'autre. Cet homme respirant l'assurance et la puissance est parvenu à me faire sentir meilleure. J'ai, grâce à lui, cessé de culpabiliser pour tous les meurtres que j'ai commis lorsqu'ils avaient le contrôle.

Où est-il ? Que fait-il ?! Comment peut-il accepter ce que l'on va réaliser dans mon cerveau ?

FugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant