CHAPITRE 14: FUNERAILLES

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J'ouvre lentement les yeux, mon cauchemar encore présent en tête. Qu'ils viennent ! Je n'ai pas peur d'eux. Je ne vois pas de raison de me cacher, ils finiront bien par me trouver. Je me lève encore endoloris de toute mes chutes et baffe et coup de poing... je renifle comme si ça ne m'atteignait pas et sors de mon lit. Je me concentre sur ce que je dois faire, sans penser pourquoi je le fais.

Je pars sous la douche et me savonne méticuleusement, me rase les jambes et me masse délicatement le cuir chevelu afin de rester concentrée. Je sors pour me sécher et me coiffer. J'allume le sèche-cheveux et prends grand soin de bien les démêler. J'apporte une importance extrême à la moindre tâche, car elles me permettent de tenir à l'écart le chagrin. Je m'applique tellement que je ressors de la salle de bain avec une coiffure des plus réussies : les cheveux bouclés avec plusieurs tresses au-dessus de mon crane. Jolie. Je réalise que je n'ai aucune idée de ce que je vais porter. Peu importe, j'attrape la première robe noire que je trouve dans mon armoire et l'enfile. Je décroche également mon trench noir de son cintre.

Sans m'en rendre compte je me dirige vers sa chambre, j'ouvre la porte pour la première fois depuis sa disparition, enfin, depuis qu'on me la enlevée. Une bouffée de son odeur m'envahit et je suis submergée par les souvenirs. Je m'assois en douceur sur son lit et caresse la couverture douce qui le recouvre. Toutes nos discussions, depuis que nous sommes amies me reviennent en mémoire. Nous n'avions aucun secret l'une pour l'autre. C'est pour ça que je lui aurais certainement dit ce qu'il se passe dans ma vie en ce moment, mon don spécial, mon envie d'être dans les bras de William, sans que je ne comprenne pourquoi et mes sentiments pour Tyler, qui n'ont pas disparus. Elle m'aurait dit quoi faire, j'en suis sûre, elle savait toujours quoi faire. Elle m'aurait assuré que je suis forte et courageuse. Elle m'aurait prise dans ses bras pour me réconforter, comme elle le fait tout le temps. Mais c'est fini, ça ne pourra plus jamais arriver. Je me permets de verser les larmes qui ont affluées aux bords de mes yeux. C'est en pleurant que j'ouvre son dressing, entièrement réservé à sa collection de chaussure et lui prends sa paire préféré, celle qui, d'après elle, lui portait bonheur. Des escarpins noirs Louboutin. Je l'imagine en train de sourire en me voyant les mettre et les larmes s'estompent peu à peu.

Je ressors de sa chambre la tête haute en essuyant mes larmes, j'ai l'intention de consacrer cette journée à lui rendre hommage.

Mon téléphone me fait sursauter quand je l'entends sonner dans le salon. Je suis soulagée en voyant que c'est mon père qui m'appelle. Il sera également présent et m'y accompagne. Il adorait Hannah, comme tout le monde d'ailleurs.

Je sors de l'appartement dès que je repère sa voiture dans la rue. Il pleut des cordes, je souris en pensant au fait qu'Elle aurait adoré ça. Elle n'arrêtait pas de me dire «pourquoi ils foutent de la flotte à chaque enterrement dans les films » puis enfournait une grosse poignée de pop-corn salé. On s'était mise d'accord pour dire que ça apporte une sorte de dramatisme à la chose : effectivement. J'attrape un des parapluies pour rejoindre la voiture de mon père.

***

Pierre tient la mère d'Hannah par le bras, il a le visage fermé, les yeux quasi clos pour éviter de laisser couler ses larmes. Mme Milers quant à elle n'arrive presque pas à marcher, elle sanglote à chaudes larmes contre l'épaule de Pierre. La tristesse lui donne un air si juvénile, qu'elle me fait penser à Hannah, ça me transperce le cœur.

Moi ? Binh je reste figée devant la foule d'inconnu, ne comprenant pas vraiment ma présence ici. Je ne suis pas assez forte pour supporter ça. Mon corps est secoué par des soubresauts, je regarde autour de moi pour trouver d'où ça peut bien provenir, afin de le faire cesser, mais je me rends compte que ça vient de l'intérieur de mon corps. Je suis brisée, j'essaie de me convaincre que non depuis des jours, mais dès que j'y repense la sensation est la même. Un gémissement d'horreur m'échappe et je récolte quelques regard peu amen. Mon père me serre plus fort contre lui pour que je me ressaisisse. J'essaie de contenir la terreur qui m'envahie mais j'échoue lamentablement et un bruit étrange franchit mes lèvres.

FORCE D'ESPRITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant