Le prix du puits

Chapitre 12: Un jeu endiablé

Lydia:

La calèche ralentit après seulement quelques minutes, nous aurions largement pu nous rendre au lieu de rendez-vous à pied, mais je présume que « ma cousine »ne voulait pas prendre le risque de salir sa belle robe. 

Avant de se diriger vers la sortie, Constance m'adresse joyeusement :

-Je vais vous présenter au reste de mes nombreuses connaissances afin que vous ne vous sentiez pas perdue quant à l'identité de chacun.

-Oh non s'il-vous-plait,la supplié-je presque

Je ne voulais surtout pas revivre cette exposition infernale.

-J'avais pensé me promener seule aujourd'hui,afin que le monde voit que je peux me débrouiller sans vous...vous savez faire des connaissances par moi-même, mentis-je avec conviction.

-En êtes-vous sûre ?dit-elle en plissant les sourcils

-Parfaitement !

-Très bien!sourit-elle 

Je suis sûre que vous vous ferez de nombreux amis et récolterez au passage de nombreux prétendants.Ne brisez pas trop de cœurs ma chérie!me dit-elle sournoisement, puis elle quitte la calèche.

J'inspire un grand coup, au moins je suis désormais libre de mes mouvements. Si ça ne tenait qu'à moi,je resterai cloîtrée dans la calèche pour ne voir personne, mais un regard de l'un des cochers,qui semble inquiet de ne pas me voir sortir, m'oblige à quitter mon abri.

J'ai beau être à l'air libre, la présence des multiples invités m'étouffe. J'évite leurs regards et file comme une flèche jusqu'à voir de moins en moins de monde.

Une fois un peu moins entourée, je profite de la vue du paysage qu'offrent les Vignes. Les rayons du soleil se reflètent sur les branchages et le doux parfum de la campagne m'emplit les narines. Je longe la verdure et entends soudain de plus en plus de cris et des ricanements féminins.

J'ai malheureusement pris un chemin menant à une autre foule, et avant même que j'ai le temps de faire demi-tour, deux jeunes filles d'à peu près mon âge accourent vers moi. Elles sont vêtues de longues robes de soie agrémentés de dentelle. L'une d'elle, blonde aux yeux bleus s'adresse à moi amicalement :

-Que faites vous loin des festivités ?Venez vous joindre à nous, nous faisons une partie de Colin Maillard, c'est tellement amusant !

-C'est gentil, mais je pensais retourner voir ma cousine, dis-je aussitôt pour refuser.

-Voyons, vous n'allez pas repartir toute seule, vous verrez vous allez passer un très bon moment,ajoute-t-elle pour me convaincre.

Et d'un coup, son amie qui se faisait plus discrète me pousse devant, et je me retrouve non loin d'une troupe entière de jeunes gens qui courent dans tous les sens pour échapper à un homme aux yeux bandés.

Ma pousseuse sourit avec malice et me prend le bras :

-Vous me remercierez quand vous saurez qui se tient les yeux bandés devant nous ! me dit-elle en pointant du doigt l'individu en question.

Je la regarde avec perplexité, mais elle n'a pas le temps de poursuivre car l'homme aveugle se rapproche de nous et elle file en vitesse après lui avoir touché le cou.

Comment fais-je pour toujours être là où je ne veux absolument pas être !

Je m'écarte rapidement, il n'est pas question que je me fasse attraper par je ne sais qui, qui va ensuite m'obliger à répéter ce même numéro aux yeux de tous.

Je m'éloigne derrière les arbres et j'ai l'idée de monter m'asseoir sur une branche pas très haute pour rester hors de portée sans avoir à m'essouffler pour échapper à ce jeu. Ce n'est pas sans difficultés que je parviens à grimper avec ma robe. Et heureusement pour moi, personne ne rejoint l'arbre où je me trouve, l'endroit que j'ai choisi est assez éloigné de la foule.

Je repose ma tête sur l'arbre et me laisse guider par mes pensées. Qui aurait cru que je me retrouverai ici, dans cette situation, ou plutôt devrais-je dire à cette époque. Tout ça à cause de Gabriel !!! Ça m'apprendra à entrer chez des inconnus et à m'intéresser à leur puits !

Emportée par mes réflexions, je sursaute soudain en entendant devant moi un « j'arrive ! »et ce sursaut me déséquilibre et me fait tomber droit sur quelqu'un !!!