Un Ange De Voeux

5ème partie réécriture

« Laisse-toi aller » semble lui répéter le cerf sans cesse dans un murmure incessant et bientôt il lui semble que c'est le vent dans les arbres qui lui répète ces mots, dans ses feuilles, puis le cours de l'eau non loin qui ruisselle et l'herbe qui se courbe sous la caresse du vent.

Assise en tailleur au milieu de la clairière depuis de longues minutes, elle souffle et fait le vide dans sa tête. Elle s'est déjà confronté à la magie il y a moins de 10 marques de ça, ce n'est pas si compliqué, au fond. Mais, même les yeux fermés et une ride de concentration sur le front, elle ne parvient à distinguer que les bruits habituels de la foret, le vent dans les branches, le frôlement des ailes des oiseaux, le murmure du ruisseau... C'est alors qu'une onde de choc l'ébranle et elle entend un battement de tambour antique immémorial qui résonne sous elle. La terre l'engouffre, la transperce, l'étouffe, elle vit et la ressent, son cœur bat au même rythme que le sien mais il lui semble bientôt qu'elle se courbe et lui fait une révérence spirituelle qui lui donne des frissons. Le vent la prend alors de court et se déverse dans ses poumons, et l'oxygène lui monte à la tête, l'étouffant, l'emprisonnant à l'intérieur d'elle-même et elle se cambre en arrière quand cet air repart au ciel dans une danse voluptueuse qui se transforme en une masse blanchâtre. De nouveaux frissons la prennent au corps et elle se secoue pour les faires partir.

Lorsque Talia ouvre les yeux, elle ne distingue plus les couleurs et son champ de vision est flou. Elle se frotte les yeux et distingue l'immense cerf Dokoù, haut et fier, qui s'abaisse soudain pour plier l'une de ses jambes avant jusqu'au sol, la tête courbée, dans une suprême révérence de soumission. Sans voix, elle se redresse pour s'apercevoir que la clairière est comblée d'animaux baissant la tête devant elle. Ils sont illuminés d'auras brillant d'une même couleur, d'un rouge or ardent, celui de la loyauté et de la soumission totale. Talia se lève, tangue sur ses jambes car la tête lui tourne encore et voit au loin Zaku à moitié caché derrière un arbre, les yeux écarquillés de stupéfaction. Elle fait un pas vers lui mais le cerf aux immenses bois lui barre la route.

- Dokoù ! s'exclame-t-elle.

Il ne dit rien mais elle ressent une pulsion qui la fait se sentir importante et elle se voit soudain sur le balcon d'or d'un château de verre, surplombant une ville entière et une foule immense qui s'étend au loin. Tous l'acclament tandis qu'elle est vêtue d'une somptueuse robe verte émeraude pailleté d'or et d'une traine si longue que des servantes derrière elle, la portent. Le dos droit, elle tient dans ses mains l'Orbe et le Sceptre des rois et reines couronnés et le soleil s'y reflète avec tant d'ardeur qu'elle aurait pu appeler la ville qui se trouve sous ses yeux la Cité d'Or.

Elle revient à elle dans un clignement de paupière et voit le visage de Zaku près d'elle. Il soupire de soulagement et se redresse pour qu'elle puisse s'assoir elle aussi. Talia se masse le front en grognant.

- Que... que m'est-t-il arrivé ? demande-t-elle en regardant autour d'elle et constatant que la clairière est déserte mis à part Dokoù qui se trouve à l'écart, broutant innocemment.

- Tu n'as rien imaginé, avance Zaku en allant droit au but.

- Oh la la, ô mon Dieu, sauvez moi, qu'est ce qui m'arrive ?

Elle se lève en même temps que Zaku en fermant les yeux pour se remémorer ce qui s'était passé.

Il reste à l'écart tandis qu'elle s'approche de Dokoù.

- Je crois que j'ai compris, dit-elle. Je la vois.

En effet, elle la voit. La magie est dans ces veines qui parcourent le sol, le tronc des arbres jusqu'aux fines membranes de la feuille. Elle est l'oiseau qui vole, le serpent qui rampe ou le sanglier qui galope et elle est ce flux discontinu qui ruisselle dans la forêt. Talia la voit partout. Et elle la contrôle. Elle la ressent dans chaque pore de sa peau, dans tout son corps, pulsée par le cœur, elle la commande, la dirige là où elle veut. Elle ferme les yeux et concentre sa magie sous ses paupières. Lorsqu'elle les ouvre, elle voit l'aura de la forêt, celle de Zaku, Dokoù et la sienne. Elle ne sait pas encore ce que signifient toutes ces couleurs différentes mais elle suppose qu'elle le saura le moment venu.