19 : Personne n'est autorisé à les voir pleurer.

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– « C'était un jeudi après-midi, après l'école. J'avais huit ans, je... » débutais-je, sereinement. C'est le moment de t'ouvrir, Jaejoon.

– « Tu n'es pas obligé, Jaejoon. » vient-il rapidement dire pour m'interrompre. Je lui souris tristement avant de caresser son visage crispé. Je sais qu'il n'a sûrement pas envie de m'entendre raconter le moment le plus douloureux de ma vie maintenant, à presque une heure du matin mais je veux lui dire, je veux lui communiquer ma douleur. Je veux qu'il sache que j'ai confiance en lui, que rien ne m'empêchera plus d'être avec lui. Je l'aime et je veux qu'il connaisse ce moment de ma vie.

– « J'en ai envie... » partageais-je sincèrement. Takuya me gratifie d'un petit sourire réconfortant pour m'inciter à reprendre. « C'était en août 2002. Je rentrais d'un cours particulier lorsqu'un homme m'a attrapé par derrière et mené jusqu'à une camionnette. Ils étaient trois. Ils m'ont mis un sac en papier sur la tête et attaché les mains avant de me frapper violemment pour m'assommer. Lorsque j'me suis réveillé, j'étais dans le noir complet, il n'y avait qu'un trait de lumière qui s'immisçait entre les volets de la fenêtre... Ma cheville était accrochée par une longue chaîne et j'avais beau crier, personne ne venait jusqu'à moi. J'pourrais pas te dire combien de temps je suis resté enfermé dans cette pièce mais le temps m'a paru durer une éternité. J'ai fais la rencontre de mes ravisseurs un peu plus tard. Je me souviens de leurs visages et de leurs voix à la perfection, comme s'ils ne m'avaient jamais quitté... » Je fais une pause pour reprendre mon souffle et effacer mes nouvelles larmes. Takuya regarde dans le vide, les yeux emplit de tristesse. Sa main gauche me caresse inconsciemment les cheveux tandis que l'autre se croise avec l'un des miennes pour la serrer. Je sais qu'il a mal de m'entendre parler de mon passé mais je n'ai plus envie de me cacher de lui. Je veux qu'il comprenne, qu'il sache ce que je suis, ce que j'étais et pourquoi est-ce que je suis devenu ainsi. Je veux qu'il m'écoute... « Je vais te passer les détails en ce qui concerne mon long séjour chez eux. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'ils se foutaient bien de l'âge que j'avais et des répercussions de leurs gestes. Ils me battaient parfois jusqu'à ce que je perde connaissance. Ils ne me nourrissaient presque pas. Ils me torturaient avec une lampe torche alors que mes yeux n'avaient plus vu la lumière du jour depuis des jours et des jours. L'un d'entre eux me rendait souvent visite pour me...il... J'étais complètement seul, désespéré et ce calvaire a duré deux semaines... » Je me relève pour m'asseoir dos à Takuya et recommencer à pleurer. Je ne peux plus m'empêcher de me retenir. Je laisse ma peine évacuer. Mon colocataire vient tendrement me serrer dans ses bras pour m'apaiser.

– « Arrêtes-toi. S'il te plaît... » quémande-t-il la voix faible en posant sa joue contre mes omoplates. Tu es bien trop bon pour entendre ce genre d'histoire. J'espère seulement que cela ne t'éloignera pas de moi, Takuya. Parce que tu es le seul à qui je raconte ce traumatisme de ma propre volonté.

– « Depuis ce jour, ma famille me rejette comme si c'était d'ma faute. L'affaire a tellement fait parler d'elle à l'époque que l'entreprise a perdu beaucoup en réputation. Mon père n'a pas voulu payer la rançon demandée alors la police a eut plus de mal à me retrouver. Ce souvenir me torture depuis que j'ai huit ans... Voilà, tu sais à peu près tout de ma vie... Il n'y a malheureusement pas grand-chose d'autre à dire. » terminais-je finalement. Je me retourne vers lui et viens délicatement effacer les traces de son chagrin. J'ai mal de le voir comme ça. Mais j'avais besoin de lui dire. Je me raccroche à la vie alors qu'elle m'avait laissé tomber. Tu es celui qui a compris ma détresse et qui m'a tendu la main pour m'aider à me relever, Takuya. J'avais tellement peur d'affronter mes souvenirs avant. Maintenant, je les affronte, fier et convaincu de les mettre à terre et de les piétiner comme jamais. Je viens lui voler plusieurs petits baisers pour tenter de l'arrêter. Il répond à mes caresses et pénètre sa langue dans ma bouche alors que ses larmes continuent de rouler sur son visage. Ne pleurs plus, bébé...c'est beaucoup trop douloureux pour moi de te voir dans cet état... Notre baiser s'intensifie nous donnant rapidement envie, l'un à l'autre.

Évidence |takujae|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant