Chapitre 18

9 3 0
                                    

- Viens, suis-moi.


L'homme n'avait rien dit de plus lorsqu'il avait libéré le garçon exposé au pilori et pourtant Sylvain lui avait aussitôt fait confiance. Pas un mot pour exprimer de la compassion, ni ébaucher le moindre jugement. Il y avait dans le ton de sa voix une autorité naturelle qui donnait envie d'obéir. Et puis le jeune homme épuisé n'avait pas vraiment le choix, le supplice de la nuit, associé à la faim et à la soif qui le tenaillaient, lui avait dérobé toute son énergie.

L'homme portait un manteau sombre, long, en drap de bonne qualité et un chapeau qui dissimulait son visage. Chaussé de bottes en cuir, il avançait vite, pressé de regagner le confort de son carrosse et Sylvain peinait à le suivre dans la ruelle mal éclairée. La voiture attendait devant l'église et le cocher eut un mouvement de révolte en sentant l'odeur de bouse de vache et d'urine que répandait le prisonnier libéré.

- Ah non, monsieur! Pas sur la banquette, madame ne me le pardonnerait pas!

-Tu as raison, mon brave Justin, il pue le drôle! Monte à côté du cocher!


Sylvain comprit au geste impérieux de son sauveur que les coussins du carrosse ne serait pas pour lui. Il se hissa sur le siège exposé à tous les vents tandis que le cocher lui lançait d'un ton piquant:

- Monsieur est trop bon avec toi, tu devrais courir derrière! Tu sens trop mauvais.

Le garçon s'interrogeant sur l'identité de son mystérieux sauveur, insista:

- Qui est cet homme?

- Monsieur le Baron de l'Entragues, tout le pays lui appartient, répondit le cocher sans cacher son dévouement pour son employeur. C'est un bon maitre, un homme ouvert aux idées nouvelle, un esprit libéral, il veut que chacun ait sa chance. Tu viens de t'en rendre compte!

- Pourquoi m'a-t-il libéré?

- Il n'aime pas que ses paysans vivent encore comme au Moyen-âge! Il se bat pour l'abolition de la torture et les voilà qui utilisent ce vieux pilori pour humilier des étrangers de passage. C'est une belle âme, notre maitre, il croit en un monde meilleur.

Le bonhomme glissa sa pipe entre ses lèvres et s'enferma dans un silence épais qu'il ponctua de rares invectives destinées à donner de l'élan à ses chevaux. Sylvain ne chercha pas à en savoir plus, il se laissait mener à l'aventure et admirait avec quelle dextérité le cocher maniait son attelage. Deux magnifiques chevaux bais s'élancèrent au trot dans la rue principale et l'emportèrent loin du village endormi. Bien qu'il fut secoué par les chaos de la route, le garçon était fasciné par la musculature des animaux et la puissance qui s'en dégageait. Il prenait autant de plaisir à les voir trotter et galoper sur le chemin qu'il en prenait à admirer une voiture de course s'élançant sur un circuit. Il aimait conduire, c'était même une des rares choses qui le poussait à quitter sa chambre et ses ordinateurs. Le ronflement des moteurs le ravissait.

Les seuls chevaux qu'il avait vu en vrai dans sa courte vie, étaient deux braves poneys paisibles destinées à promener les enfants au parc de la ville et qui suivaient leur maitre en laisse comme des petits chiens. Rien à voir avec les superbes animaux qui le conduisirent en peu de temps jusqu'aux majestueuses portes du château d'Entragues.

Le passé est-il parfait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant