- Réveille-toi Sylvain! Réveille-toi!
D'une secousse énergique, Candice s'acharnait sur l'épaule de son ami profondément endormi dans le lit à côté d'elle.
- Sylvain!
- Que se passe-t-il?
Le garçon émergeait difficilement du sommeil en baillant.
- Je crois qu'il y a le feu, Sylvain!
La voix de Candice, tremblante et suraiguë, trahissait sa panique. La jeune fille ne portait qu'une fine chemise de nuit blanche qui dissimulait mal son corps musclé. Sylvain n'eut pas le temps de s'attacher à ce détail, il bondit hors du lit et enfila ses vêtements à la va-vite.
- Le château est en flamme! Quelle horreur!
Penchée à la lucarne du bâtiment des domestiques, Candice apercevait la toiture dévorée par de longues flammèches rouges qui resplendissaient dans la nuit sombre.
- Viens, ne restons pas là!
Sylvain attrapa la main de son amie, l'arracha à cette morbide fascination et la tira sans ménagement en direction de l'escalier de bois. Le garçon le devinait d'instinct, il ne fallait pas se retrouver piégé dans la pièce si par malheur l'incendie se propageait sous l'effet du vent. La jeune fille s'arracha à regret à la contemplation du brasier, elle était comme hypnotisée par les flammes. Elle enfila un jupon à la hâte, glissa ses pieds dans ses galoches et s'élança derrière Sylvain.
Un vent de panique régnait dans la cour, les gens criaient et couraient dans tous les sens dans un ballet désordonné en tentant de sauver ce qui pouvait encore l'être. D'autres organisaient une chaine humaine destinée à transporter des seaux d'eau du puits jusqu'au château, dans l'espoir insensé de neutraliser l'incendie. Malmenée par les flammes, la charpente du château craquait, les énormes poutre de chêne crépitaient sous la chaleur du brasier. Un
ronflement sinistre étouffait les cris de panique.- Le toit va s'effondrer, éloignez-vous! hurlait un vieux valet.
- Avez-vous vu notre maitre?
-Non, je ne l'ai pas aperçu.
-Où est Madame la Baronne?
-Et les enfants?
-Personne ne sait où ils sont!
-La nourrice et la gouvernante ne sont pas dans la cour.Les femmes de chambre désespérées imaginaient déjà le pire. - - La famille du comte avait dû être asphyxiée dans son sommeil par l'épaisse fumée noire qui sortait des fenêtres, sans avoir le temps de fuir loin de cet enfer et d'échapper à la mort.
- Les malheureux!
-Comment est-ce possible?
Le temps n'était pas aux questions, il fallait parer au plus pressé.- Les chevaux! Il faut sortir les chevaux de l'écurie! cria Sylvain en se dirigeant vers les communs.
- Ne me laisse pas! gémit son amie d'une voix de petite fille perdue.
Candice ne voulait pas lâcher sa main, mais le garçon n'avait plus qu'une idée en tête, sauver les chevaux qu'il soignait avec bonheur depuis un mois. Pour échapper à son emprise, il repoussa sa compagne avec brutalité et s'éloigna en courant. Il ne pouvait pas rester passif face au désastre.- Sylvain! N'y va pas! Je t'en prie.
- Le feu va prendre dans le foin.
- Je t'en prie.Sylvain n'écoutait pas, les pleurs d'une fille ne l'arrêteraient pas dans son élan, même si elle était la plus charmante des filles qu'il ait jamais serrée dans ses bras.
Sylvain fit pivoter le linteau et ouvrit la lourde porte en bois de l'écurie, effrayé malgré lui par les hennissements désespérés des chevaux. Les bêtes ruaient contre les cloisons, fous de panique, au risque de se briser les pattes. Les sabots ferrés claquaient sans relâche contre les murs, terribles machines à tuer. Il fallait cependant pénétrer dans le bâtiment pour les libérer, mais les volontaires ne se bousculaient pas.
- Fais attention mon gars, ils vont te tuer!
- N'y va pas, c'est trop dangereux! Ils sont devenus fous.
- C'est trop tard.N'écoutant pas les conseils de prudence de ses camarades, le garçon s'enfonça dans le noir, le couteau à la main prêt à couper les licols qui retenaient les animaux prisonniers.
Durant quelques minutes, il ne se passa rien, puis un à un, les chevaux s'élancèrent hors de l'écurie au grand galop. Sylvain avait réussi à se faufiler entre les bêtes, les chevaux de trait, les poulinières et les poulains étaient sauvées, ne restaient que les deux étalons du maitre qui ruaient dans leur box quand la paille, stockée dans le fenil juste au dessus des bêtes, prit feu en un instant, transformant le bâtiment en une énorme torchère.
- Sylvain! Sylvain!
Terrifiée, Candice hurlait devant l'entrée de l'écurie, mais son ami ne l'entendait pas dans le fracas des flammes et des étalons déchainés.
- Sylvain!
Inconsciente du danger, la jeune fille se serait élancée au secours de son compagnon, si un homme tout de noir vêtu ne l'avait fermement empoigné par les épaules, pour l'entrainer loin du brasier incontrôlable. Malgré la rage qui l'animait, Candice était incapable de lutter contre cette masse de muscle qui l'emportait sans effort loin du péril. D'une main sur la bouche, l'homme la bâillonnait pour l'empêcher de hurler.
Dans l'affolement général, personne ne remarqua ce rapt. Dans un bref éclair de lucidité, Candice crut reconnaître l'homme qui s'était mystérieusement porté à son secours lors de son agression à la sortie de l'auberge, mais cette idée folle lui échappa lorsqu'elle sombra dans un profond évanouissement.
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Le passé est-il parfait ?
AventuraDans un monde futuriste, le gouvernement instaure une nouvelle peine pour les jeune délinquants, les renvoyer dans le passé, en 1788, peu avant la Révolution Française.