Chapitre 2: Inscriptions et voyage

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-Mais c'est impossible! S'écria-t-elle. Je n'aurais tout de même pas oublié deux ans de ma vie?

Le médecin croisa son regard, secoua la tête. Kaythleen prit sa tête entre ses mains. Le temps sembla se suspendre. Deux ans qui avaient disparu et qui ne reviendraient jamais. Comment avait-on permis ça? Et pourquoi l'avait-on permis? 

-Y a-t-il une solution pour que je récupère mes souvenirs?

Elle avait l'intuition que ces deux ans n'étaient pas un hasard. Quelque chose s'était produit. Quelque chose qu'elle devait oublier. Enfin, elle devait vivre avec, alors autant l'accepter et considérer cette amnésie comme une partie d'elle.

-Il y aura de temps en temps des souvenirs précis qui te reviendront, reprit-il. Un peu comme des flash back. Mais autant que je te prévienne. Tu ne retrouveras jamais la totalité de tes souvenirs disparus.

Sur ce, il sortit de la pièce, l'infirmière sur les talons. Seule debout, sa mère la dévisagea, la crainte illuminant ses yeux marron.

-C'est inutile d'avoir pitié pour moi, reprit Kaythleen la voix sèche.

-Je suis désolée Kaythleen. Je n'aurais jamais souhaité que tu oublies deux années entières de ta vie.

-Qui aurait-pu le souhaiter? Répliqua-t-elle.

                                                                                     **

Des filaments dorés coulaient telle une rivière sous le soleil étincelant de la mi-septembre sur sa vitre. Elle ne se souvenait de rien. Perdue dans une tempête de sable, là où personne ne pourrait lui tendre la main, à la recherche de son passé. A la recherche de son avenir. Sa propre chambre lui était étrangère. Rien ne lui était familier. Ni la disposition des meubles, ni les photos des personnes dans des cadres. Seule une lui était familière. Celle de Pauline, sa meilleure amie, en train de loucher en direction de l'objectif, un sourire fugace étirant ses lèvres. Kaythleen ne put directement discerner son visage, pas seulement à cause de sa chevelure blonde qui coulait telle une rivière sur son visage enfantin mais plutôt car ses yeux n'arrivaient pas à s'habituer à son visage. Bien qu'elle ait eu perdu uniquement deux ans de sa vie, elle avait l'impression de les avoir touts oubliés. C'était comme se réveiller après un long somme... qui aurait duré mille ans. Les souvenirs étaient vagues et floues, présents mais indiscernables. La jeune fille avait l'impression qu'un épais voile opaque s'était déposé sur les seuls qui lui restaient. Sur ceux qui n'avaient pas été volés.

-Kaythleen. Hurla sa mère.

Etouffant un long râle dans sa gorge, elle reposa la photo de Pauline et descendit à la rencontre de sa mère. Cette dernière trifouillait dans son sac de course, attrapant au passage son trousseau de clé ainsi que son sac.

-Je t'ai posé quelque chose sur la table. Jette un coup d'œil et dis-moi ce que tu en penses, même si ma décision est déjà prise.

Dubitative, Kaythleen s'appropria d'une liasse de feuille et la feuilleta avec amertume. Peu à peu, les pages défilèrent devant ses yeux, mémorisant chaque trait, chaque indication.

-Ce sont les inscriptions d'un lycée. S'entendit-elle dire.

-Exact. Les inscriptions de ton prochain lycée.

-Mais enfin, il est dans le Maine! On habite dans l'Iowa.

-Raison de plus. Ca te permettra d'oublier.

Ses lèvres se pincèrent et ses mains jouèrent des poings.

-Comment veux-tu que je puisse oublier? Riposta-t-elle. Ce lycée est dans le Maine, je ne pourrais rentrer que les vacances et resterai là-bas tous les weeks-ends. Pourquoi ne puis-je donc pas rester au lycée ici? Là où j'ai toutes mes amies...

Elle cessa de s'agiter dans tous les sens lorsque le dossier retomba sur la table. Agrippant les pans d'une chaise, elle s'assit dessus tandis que la jeune fille s'adossait au mur.

-Ce n'est pas une décision que j'ai prise à légère, Kaythleen. C'est pour ton propre bien. Ici ( elle sembla buter sur ses mots), tu ne t'ai jamais très sentie à l'aise. Les élèves te rappèleraient trop souvent ton handicap...

-Donc tu le considères réellement comme un handicap? Jamais je n'aurais cru ma propre mère capable de me dire ça un jour. Au lieu de m'aider à immerger, tu me coules! Que penserait Papa de tout ça?

En entendant les mots enragés de sa fille, ses lèvres se mirent à trembloter. Inspirant lentement une énorme goulée d'air, elle dût faire un effort considérable pour ne pas fondre en larmes et se ressaisir.

-Ton père est mort, murmura-t-elle. Dans un accident de voiture. Sur la même route ou tu as reçu cette commotion cérébrale il y a deux semaines.   

Kaythleen s'immobilisa dans ses mouvements. Son père? Mort? Hébétée, elle scruta le visage de sa mère à la recherche d'un quelconque indice d'une farce ou que cette vérité ne soit qu'un mensonge. Encore une fois, elle fut frappée par la puissance de son amnésie.  La jeune fille était arrivée, elle ne savais comment, à oublier  le décès de son père.

Brusquement, elle se sentait oppressée. son âme broyée et sa propre vie brisée en mille éclats. Sans qu'elle ne pût les contrôler, des larmes roulèrent sur ses joues.

-Sache que tu iras dans ce lycée., reprit sa mère.

                                                                                                                    **

Kaythleen ignorait ce qu'elle guettait réellement. A vrai dire, les images défilèrent sur sa rétine sans qu'aucune ne parvienne à s'imprimer sur ses yeux. Son journal coincé contre sa poitrine, la jeune fille se demandait où sa mère l'emmenait. Aucun de ces paysages ne lui étaient familiers. Champs succédant aux plages laissant place aux forêts, et ainsi de suite jusqu'à l'infini. Assise sur le siège passager de la voiture de sa mère, elle laissait ses pensées errer au fil du temps. Cette première lui avait formellement interdit de reprendre le volant. Alors afin de tromper son ennui, elle gribouillait de temps en temps des paroles incensées sur son cahier. Le grattement familier du stylo sur les pages jaunies et racornies qui comblait le silence de plomb et l'ambiance lugubre et maussade qui régnait dans le véhicule, la rassurait

17 septembre,


A peine deux semaines que j'étais sortie de l'hôpital et à peine deux semaine qu'on m'avait enregistrée sur ordinateur avec pour motif : Amnésie après accident. J'ignorais réellement ce que j'avais fait, mais ce que je savais en revanche, c'est que des flash back avec des images appartenant à ma vie passée reviendraient. Je les attendais impatiemment. Déjà pour déterminer ce qui m'étais arrivée et aussi pour retrouver cette personne qui m'avait fait dévier de la route. Selon les dires de Denise( ma mère), c'est elle qui m'avait retrouvée, du moins la voiture. Pour elle ce n'étais qu'un accident, mais pour moi c'était plus. J'ignorais( encore et toujours) pourquoi j'avais cette impression. Mais j'étais convaincue d'une chose, cet accident n'était pas le hasard. Il me visait moi. Et l'amnésie était sûrement un gros coup de bol. Ce conducteur en avait après moi et je veux savoir pourquoi...


A la tombée de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant