Chapitre 12:Troubles et psychologues ne font pas bon ménage.

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Elle soufflait la belle. Emettant un râle, elle se pencha, fusillant de son regard d'acier le jeune homme qui l'attendait. Lui, qui avait osé affronter la force de son regard, ne perdait rien pour attendre.   La belle souhaitait le punir. Et peut importe les conséquences. L'homme n'était pas bien grand. La vingtaine peut-être?

Quoi qu'il en soit, elle le détestait. Il l'avait tant fait souffrir, pourquoi donc risquer sa vie pour lui? Il suffisait qu'elle en donne l'ordre... Et tout ses soucis disparaitraient dans la minute... Pour donner naissance à d'autres.

Poussant le chambranle de la porte, elle pénétra dans le café, elle fut presque horrifiée par sa désinvolture. Se rendant innocente, la plus vulnérable possible, elle s'avança vers la table ou le garçon s'était assis. Elle n'avait aucun plan. Son esprit était vide, là-dessus. Que pouvait-elle faire?  Elle devait punir son caractère mais comment? Comment pourrait-t-il comprendre? D'ailleurs se doutait-il ce qui se tramait dans la tête de la jeune fille qui semblait si vulnérable sous ses yeux?

Probablement non.

Elle se rapprocha se prenant maladroitement les pieds dans les tapis qui ornaient le parquet luisant. S'installant à ses côtés, le regard voilé, il la détailla, un sourire narquois dessiné sur les lèvres.

-Comment ça va?

Elle bagaya une vague réponse inaudible. Jouer la comédie la rendait folle. Elle baissa la tête afin de paraître encore plus innocente.

Tu ignores tout, songea-t-elle.

C'était si pathétique et désolant à la fois. La rage battait dans son corps, brûlant son sang. Mais elle devait se contrôler. Pour le bien de sa mission. Grattant son bras pour détourner son attention, il sourit bêtement à son intention.

-Pourquoi tu t'habilles toujours en noir?

-C'est mon style vestimentaire. Le mien.

Pressant sa main sur la sienne, la colère de Kaythleen décupla et explosa. Comment osait-il se jouer d'elle? Comment osait-il la traiter comme une moin que rien? Comment osait-il poser sa main sur ses doigts?  Retenant un cri, elle sentit l'énergie que tentait son corps de retenir, exploser, ivre de liberté. La douleur se répandit dans ses articulations, dans chaque cellule.

S'arc-boutant, se pliant en deux, elle hurla. La douleur la quittait. Cette douleur qui se transformait en une extase perfide. Pourquoi aimait-elle ressentir ce mal en elle? Ce mal qui la rongeait?

Quand elle tourna la tête afin de dévisager Tim, le lycéen qu'elle haïssait tant, elle ne vit plus rien.

Ou si.

Plutôt un corps sans vie, froid, membres raides pendre mollement contre le sofa.

Et soudain, elle se rendit compte de ce qui s'était réellement passé. De ce que cette décuplation d'énergie signifiait.

Elle l'avait tué.

Mais elle avait découvert un don.

Ou une malédiction.

Qu'elle avait oublié.

Son don était malédiction .

Non. Son don était pouvoir.

                                  **

Kaythleen se réveilla en hurlant, horrifiée de la scène à laquelle elle avait été spectatrice. Un nouveau lien de son passé. Un nouvel indice avait germé dans sa tête. Un indice qu'elle ne pouvait décemment pas ignorer. Tim. Elle l'avait tué, même si elle ne se doutait pas des événements à suivre. Quelque chose à cet instant s'était réveillé en elle. Quelque de sanglant qui sommeillait en elle. Et la nonchalance de Tim l'avait éveillé.

Furetant ici et là, ses yeux se posèrent sur ses mains. Elles avaient légèrement bleui et dégonflé. Puis elle toucha son crâne. Et ne sentit strictement rien sous ses doigts. Que s'était-il passé? Et pourquoi se retrouvait-elle à nouveau dans cette infirmerie lugubre aux allures de chambre des Enfers, enrôlée de noir?

Puis les souvenirs rejaillirent, tel un torrent dans sa mémoire. L'ombre indiscernable qu'elle avait senti. Le coup de massue sur sa tête. Et le cri strident d'Ariane résonnant dans sa tête.

Elle grimaça lorsqu'elle se leva. Etirant jambes et pieds, elle se prépara à sortir quand une personne encore inconnue à ses yeux, franchit le seuil de la pièce et s'installa au bureau minuscule qui se nichait dans un coin.

Après un long silence, l'homme barbu aux cheveux gris commença d'une voix guturale:

-Kaythleen c'est ça? Assieds-toi donc.

N'ayant d'autre choix que de s'exécuter, la jeune fille prit place à contre-cœur. 

-Je suis le docteur Thompson. Je suis psychologue et le proviseur m'a demandé de te voir personnellement. Donc il parait que tu souffres de troubles amnésiques?

Kaythleen acquiesça.

 -Le nom de tes parents?

-Jeanne. Jeanne Sky.

-Et celui de ton père?

-Mon père est... mort.

Sa voix s'étrangla sur le dernier mot.

-Je vois. Tu as été victime d'un accident hier soir, non? Pourrais-tu me décrire à quoi ressemblait ton malfaiteur?

Kaythleen en eut assez. C'était déjà suffisament émouvant d'annoncer la mort de son père à un inconnu mais si en plus elle devait lui raconter sa vie privée, ou cette supposée tentative de meurtre...

Elle abattit les poings sur la table et se releva avec une telle férocité que la chaise bascula en arrière.

-Ecoutez, ce n'est déjà pas évident de vous parler de la mort de mon père que j'ai appris il y a quelques semaines. Et oui, je suis amnésique. Après un accident, je suis apparemment tombée dans un coma profond pour en sortir avec des trous de mémoire suffisamment impressionnants. Toujours j'essaye de me relever après l'affront qu'on m'a fait. Oui, perdre deux des plus belles années de sa vie, c'est tragique, je suis entièrement d'accord. A l'hôpital, la plupart des médecins se penchaient sur mon cas, venaient me voir, avaient pitié de moi et chacun pensait que parler et participer à la séance "vider son sac" m'aiderait beaucoup. Alors j'ai dû mettre des mots sur ma souffrance, et pas qu'une seule fois. Et remettre une énième fois cette discussion sur le tapis ne me fait aucun bien. Oui, cette amnésie et bien tragique et tous les jours je me lève et j'essaye de vivre avec. Si vous voulez tout savoir, je pense que ma mère a pris une bonne décision en m'inscrivant à NightFall. Ici, les élèves sont sympas, ce qui selon ma mère, ne s'est pas présenté dans mon ancien lycée. Comme les élèves ne m'avaient pas connu avant, ils ne m'interrogent pas sur ce que j'avais ressenti et ce que ça fait de perdre sa mémoire. Mais chaque jour, je me lève, je me dis que c'est ainsi et que je dois trainer ce poids.

Afin de clore magistralement son monologue, elle sortit de la pièce d'un pas lourd. Encore une fois, elle se sentait impuissante. Sans passer par quatre chemins, elle avait crié ses quatre vérités à ce psychologue de plus qui se croyait supérieur à ses confrères. Fatale erreur.

La jeune fille crispa ses poings, jouant des épaules. A mesure qu'elle avançait sans se rendre compte ou ses pas la menaient, elle se retrouva devant le cimetière. Poussant un profond soupir, elle franchit le portail, constatant encore l'ampleur du travail à faire. S'agenouillant, elle arracha les mauvaises herbes. Cette tâche n'avaient pas que des mauvaises réalités, elle évitait ainsi de penser à ce qu'elle préférait éviter, et se concentrait sur les herbes à arracher.

Kaythleen se dispensa automatiquement de cours. Elle n'avait aucune hâte à affronter le regard de ces professeurs et de ses camarades. Oh, ils la colleraient sûrement et la jeune fille espérait qu'ils le feraient. Elle prenait plaisir à avoir pour seule compagnie le gémissement des branches des arbres s'entrechoquant.

Alors seulement lorsque le soleil commençait à descendre derrière les tombes grises, froides et nues, elle songea à rejoindre sa chambre.

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Voilà, c'est déjà la fin de ce chapitre que j'ai beaucoup pris plaisir à écrire.

N'hésitez surtout pas à le commenter.

A la tombée de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant