Une semaine et demi était passée. Mon père ne me fit plus aucunes remarques par rapport au sport et je n'avais pas donné ma réponse à Matthew qui n'arrêtait pas de me harceler. Je fis exprès de ne pas aller faire du sport samedi pour ne pas l'affronter et aussi pour donner l'impression à mon père que je l'écoutais. Le jeudi en arrivant en cours, encore une fois en retard –c'était la troisième fois cette semaine- je fus accueillie par un grognement du professeur d'histoire. Quand je me dirigeai vers ma place, je failli piler net. Buner avait eu la gentillesse de se mettre à la table à côté de la mienne soit la place d'Aïcha. Je la cherchai des yeux et la trouvait à la place de Matthew. Elle me fit un petit signe de la main puis se reconcentra sur le professeur. Je soupirai et m'assis. Il m'observa pendant presque toute l'heure ce qui m'énerva. Mon tatouage et ma tâche de naissance commencèrent à me démanger mais en plus de cela j'avais un affreux mal de tête. Il continua de m'observer à la deuxième heure. Je craquai cinq minutes avant la sonnerie et me tournai vers lui.
- Tu n'abandonnes jamais ? lui demandai-je exaspérée.
- Non, répondit-il un sourire aux lèvres. Il était content, il avait réussi à me faire craquer.
Je soupirai et me reconcentrai sur le professeur. On sonna finalement et je me levai pour partir mais Matthew m'attrapa le bras. Me libérant uniquement quand toute la classe fut partie.
- Pourquoi tu n'es pas venue samedi ? me questionna-t-il.
- Pourquoi ça t'intéresse ?
- Tu devais nous aider, expliqua-t-il.
- Je ne t'ai jamais dit oui, répliquai-je.
- Bon ok, mais je pensais que tu donnerais ta réponse samedi, se renfrogna-t-il.
- Je n'ai pas pu mon père ne voulais pas que j'y aille.
- Et pourquoi donc ? s'intéressa-t-il en haussant les sourcils.
- Parce que, fis-je en croisant les bras.
On resta silencieux pendant deux minutes. Ses yeux restaient fixés aux miens. J'étais fascinée par leur couleur : une pointe de jaune entourait ses pupilles avant de se fondre dans le brun de son iris. Je me perdis dans son regard, totalement hypnotisée. J'avais envie de tout lui dire. Ma bouche s'ouvrit sans que je m'en rende compte. Je débutais ma phrase quand mon mal de tête empira d'un coup, m'obligeant à détourner mes yeux. L'air autour de moi s'épaissit brutalement puis redevint normale. Je secouai la tête. Matthew m'observait toujours. Il ne sembla pas remarquer ce qui venait de se passer. D'ailleurs que c'était-il passé ?
- Bon je peux y aller, lançai-je, toujours perturbée.
- J'attends ta réponse.
- Bon ok, j'accepte de vous aider.
- Non ça je savais que tu accepterais, (je le regardais, interloquée, pourquoi était-il si sûr que j'accepterai) mais pourquoi ton père ne voulait pas que tu viennes.
- Il a peur que je fasse des bêtises, mentis-je en haussant les épaules. Je peux y aller maintenant.
Mon oreille me démangeait affreusement tout comme mon poignet. Je ne pus m'empêcher de me le gratter.
- Tu devrais vraiment arrêter de te gratter, je déteste ça.
- Tu te fous de moi, c'est mon corps je fais ce que je veux, ripostai-je en continuant de me gratter.
Il se retrouva soudain devant moi, ses mains emprisonnant mes poignets. Je ne l'avais même pas vu se déplacer. Je tentai de me dégager mais tout ce que j'eus réussi à faire fut de me coincer entre la table et lui. Mon regard se promena alors sur son visage. Ses sourcils bruns et épais étaient cachés par quelques mèches de cheveux. J'évitais ses yeux et mon regard tomba sur sa bouche qui était pulpeuse. Pendant un instant j'imaginai comment serai un baiser avec lui. Je secouai la tête et regarda son nez, toujours incapable de croiser son regard.
- La prochaine fois tu arrêteras, dit-il en levant la manche de mon pull et dévoilant mon tatouage au poignet.
Il passa son pouce dessus et l'observa attentivement.
- Très jolie tatouage, commenta-t-il finalement, en me lâchant le bras.
- Merci.
Il fit un pas en arrière pendant que je remettais ma manche en place. Puis je sortis de la classe. Il fallait vraiment que je l'évite. Je rejoignis Aïcha et Antony qui m'attendaient un peu plus loin de la porte de classe.
- Pourquoi tu as mis autant de t...commença Aïcha qui s'arrêta en regardant derrière moi puis elle me fixa les yeux écarquillés.
Je savais ce qu'elle venait de voir.
- Ce n'est pas ce que tu crois, précisai-je rapidement.
- Quoi ? De quoi tu parles ? Et pourquoi Aïcha à l'air de quelqu'un qui vient de voir un fantôme ? demanda Antony que j'ignorai.
- Tu...tu...étais...tu es restée dans la classe seule avec lui, chuchota-t-elle en bégayant.
- Qui lui ? s'enquit Antony.
- Buner, Matthew Buner, expliqua-t-elle. Et maintenant ils me regardaient tous les deux avec de gros yeux.
- Il me demandait quelque chose rien d'autre, les rassurai-je.
- Quoi ? m'interrogèrent-ils en cœur.
- De... je vous expliquerais plus tard, esquivai-je.
A midi, je leur expliquai tout en allant à la cantine.
- Tu fais du sport le samedi, ici, repris Antony.
- Je trouvais ça intéressant.
- On aurait dû nous le dire, on t'aurait prévenue que ce sont qu'eux qui y vont et c'est pour cette raison que personne n'y va, s'énerva Aïcha. Maintenant tu dois les aider. Pourquoi d'ailleurs ?
- Ben ils sont sept et ils ont besoins d'une huitième personne pour les trucs en duo.
Je ne leur avais pas dit quels étaient leur entrainement. C'était très inhabituel que des personnes s'entrainaient entre-elles à se battre sans jamais faire autre chose -même si c'est exactement ce que je faisais depuis la maternelle.
- Et tu serais avec qui ? s'enquit Antony.
- Heu...Matthew, murmurai-je.
- Quoi ? En plus ! s'écria Aïcha, et tu as accepté ? ajouta-t-elle après avoir digéré.
- Ben oui...
On continua de parler en rejoignant Amande et Miranda sur une table.
- Vous venez au match mercredi ? demanda Antony changeant de sujet.
- Y a un match ? m'étonnai-je.
- Ouais et je vais jouer, me confirma-t-il.
- Et y aura une petite fête ensuite, ajouta Aïcha.
- Je sais pas si je pourrais, fis-je.
- Pourquoi donc ? s'enquit Amanda.
- Mon père est un peu contre les soirées.
Ils me questionnèrent du regard alors je leur expliquai :
- Il est un peu strict depuis mon renvoi.
- Essaie quand même, insista Aïcha, dis-lui que c'est une sorte de soirée d'intégration.
- Je vais voir... conclus-je simplement.
Ils ont continué à parler néanmoins du match. J'appris que c'est chez Matthew que la fête se ferait. Elle était réservée aux terminals et quelques premières, soit ceux qui réussiraient à s'incruster. Aïcha, Antony, Amande et Miranda semblaient impatient d'y être. Je leur demandai pourquoi.
- C'est tellement rare qu'il y ait une fête, se justifia Aïcha.
- Et puis c'est chez Matthew, renchéri Miranda d'un air rêveur.
- Hmmm... je vois.
Nous avons continué à discuter de tout et de rien avant de retourner en cour. Je ne suivis aucuns des cours, perdue dans mes pensées. Je souris en me revoyant sortant de la fenêtre à 21h. J'étais tellement amoureuse de mon copain que je ne lui refusais rien, pourtant j'étais vraiment têtue et jalouse. J'ai failli me battre avec une fille qui –je trouvais- se tenait un peu trop près de mon ex. Et finalement je regrettai. C'était un sale con, égoïste et je suis sûre qu'il ne sortait pas qu'avec moi. Pourtant je fermais les yeux et continuais à le suivre dans ses idées stupides. Un week-end quand je m'étais encore fait prendre en rentrant, ma mère avait crié, c'était la première fois que je la voyais aussi énervée. Pour me punir elle m'avait obligée de faire un entrainement de 8 heures sans relâche. C'était le pire entrainement de ma vie – ma mère était un bon professeur mais ses attentes étaient parfois impossibles à réaliser. Elle me manquait tellement.
Je sentis tout à coup une larme coulée sur ma joue. Je pleurais sans m'en rendre compte et le dernier cours venait de se terminer. J'essuyais mon visage en jetant des regards autour de moi. La plupart des élèves rangeait leurs affaires. Mes yeux croisèrent des yeux bruns. Matthew me fixait et j'étais sûre qu'il avait tout vu. Je ramassai mes affaires et partis le plus vite possible. Mais à peine je m'assis dans le bus que je sentis quelqu'un m'observer et mon poignet et mon oreille se mirent à me gratter et mon mal de tête qui n'avait pas cessé de toute la journée, redoubla.
- Qu'est-ce qui se passe Capuche ?
Je tournai vivement la tête et tombai sur Matthew assis à la place à côté de moi.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? demandai-je en ignorant sa question.
- Je prends ce bus tous les jours, répondit-il simplement.
- Ah bon, m'étonnai-je, je ne t'avais jamais vu.
- Pourtant je me suis assis à côté de toi ton premier jour d'école, répliqua-t-il.
- Vraiment ?
Il ne me répondit pas, regardant en face de lui. Je décidai de faire autant mais préférai regarder par la fenêtre. Appuyant mon front contre la vitre, je profitai de son contact froid pour atténuer mon mal de tête et oubliai mes démangeaisons. Au bout d'un moment Matthew repris la parole.
- C'est la trigonométrie qui te met dans tous ces états ?
Je ne pus m'empêcher de sourire.
- Non pas vraiment...
- Alors quoi ?
La tristesse m'envahit et mon sourire s'effaça de mes lèvres. Je lui jetai un coup d'œil. Il m'observait comme s'il voulait me comprendre.
- Je pensais à ma mère, dis-je le regardant droit dans les yeux.
- Ah parce que ta mère n'aime pas la trigonométrie, répliqua-t-il.
Je souris un instant avant que la tristesse ne m'envahisse de nouveau. Il me fallut plusieurs secondes pour repousser le chagrin puis détournant le regard je murmurai de façon à ce qu'il soit le seul à entendre :
- Non parce qu'elle est morte...
Ma vision devint floue. J'essayai de retenir les larmes mais en vain. Je détestai pleurer en public. Je me tournai vers la vitre et pleurai en silence. Je m'endormis finalement bercée par le bruit du moteur.
Matthew me réveilla lorsqu'on arriva près de l'arrêt de bus. J'avais les jambes engourdis et mon mal de tête était tout simplement devenu insupportable au point que le moindre bruit me donnait l'impression qu'on m'enfonçait un couteau dans la tête. Je descendis évitant le regard de Buner. Mais alors que je partais, il me retint.
- Je suis désolé pour ta mère...
Je clignai des yeux plusieurs fois croyant que j'avais rêvé mais non c'était bien Matthew qui me parlait d'une voix aussi douce. Je secouai légèrement la tête craignant d'amplifier ma migraine.
- Oh pas grave, fis-je en essayant de passer. Mais bien évidemment il me bloqua le passage.
- Sinon tu viens au match mercredi ?
Je ne m'attendais pas du tout à cette question. Et moi qui pendant une seconde avais cru qu'il avait du cœur. Je m'étais trompée. Il avait retrouvé sa voix froide. Je me dégageai puis l'ignorant je partis.
Le lendemain, je cédai. Aïcha insista pour que je l'accompagne, et j'acceptai. Je n'avais vraiment pas envie d'y aller alors je lui avais dit que mon père n'allait surement pas accepter. Elle avait alors dit qu'elle viendrait chez moi le mercredi pour le convaincre. C'était ainsi que je me trouvai dans ma chambre, allongée avec Aïcha sur mon lit. Elle jeta un regard sceptique à ma chambre. Elle était simple. Mon lit se trouvait au centre de la pièce. A gauche à côté de la porte de la salle de bain se trouvait ma commode de vêtements. En face de mon lit se trouvait la porte qui menait au couloir. Et sur la gauche, une grande fenêtre de deux de long donnait sur un petit balcon. Il y en avait un également près du salon mais il était trop encombré pour être utilisé. Des cartons étaient entassés un peu partout dans la pièce.
- Tu n'as toujours pas rangé ta chambre ? me demanda-t-elle en lançant un coup d'œil aux piles de cartons dans un coin de la pièce.
- Si j'ai juste pas eu le temps...
- Tu n'as pas eu le temps mais on finit à 16h !
- Depuis que j'ai été dans un internat j'ai pris l'habitude de me coucher tôt...
- Tu étais... commença Aïcha qui fut interrompue par l'entrée de mon père dans ma chambre.
- Julie...il s'interrompu en voyant Aïcha.
Il resta un instant à nous dévisager puis se repris et tendis la main à Aïcha.
- Bonjour je suis le père de Julie, se présenta-t-il.
- Enchantée, je suis Aïcha, une amie de Julie, fis-t-elle en lui serrant la main.
Rapportant son attention sur moi, il me demanda si ça me dérangeait de rester seul parce qu'il avait un rendez-vous.
- Heu monsieur, je... j'avais proposé Julie de m'accompagner à un match en fin de journée et ensuite y aura une petite soirée, intervint Aïcha.
- Heu je ne sais pas...
- Elle m'avait promis de venir, se plaignit Aïcha sans faire attention à ce que disais mon père, et puis c'est comme une sorte de soirée d'intégration et si elle ne vient pas et bien...
Mon père hésita un bon moment en me jaugeant du regard puis en poussant un long soupir de résignation, accepta de me laisser y aller. Après qu'il soit sorti, Aïcha commença à fouiller dans mes tiroirs où j'avais entassé jeans tee-shirt, culotte...
- Tu n'as rien de moins sombre ?
- Bof, fis-je.
- Même pas un t-shirt plus habillé ? s'étonna-t-elle.
- Non y a que ça...
Elle jeta toutes mes affaires par terre puis choisit un t-shirt court noir et une jupe à quadrillage noires et blanches, taille haute. J'observai la jupe me demandant d'où elle sortait. Avec cette dernière, elle me lança des collants noirs opaques, des bottes arrivant juste au milieu du mollet et une veste en cuir que j'avais achetée juste pour embêter mon père. Comme je ne réagissais pas, elle me tira hors du lit et me força à aller dans la salle de bain avec les vêtements.
Quand je sortis de la salle de bain, changée, je me sentis ridicule avec cette jupe. J'essayai en vain de la faire descendre tellement elle était courte. J'avais presque l'impression d'être nue sans mon sweet. En me voyant sortir Aïcha fit des petits bonds autour de moi.
- Tu es magnifique ! s'exclama-t-elle. Il faut juste que...
En parlant, elle détacha mes cheveux et les arrangea. Me jaugeant du regard, elle tourna autour de moi.
- Parfait, dit-elle, tes cheveux apportent de la couleur à ta tenue.
Puis elle prit son sac et alla se changer à son tour. Elle avait choisi une tenue un peu plus colorée. Elle avait opté pour un short noir avec un pull en laine jaune. Pour assortir le tout, elle avait mis un collant à petits pois noirs et des baskets de ville noires. Elle avait lissé ses cheveux noirs. J'avais toujours pensé qu'elle avait un look assez simple mais sa tenue me prouva le contraire. Tout était très bien assorti et faisait ressortir sa peau mate. Elle avait un sourire éclatant tout comme sa tenue.
- Alors ? s'enquit-elle en tournant sur elle-même.
- C'est génial, dis-je un sourire aux lèvres.
Je pris discrètement mon sweet quand on partit.
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Gealach : Brisée (TOME 1) [TERMINEE]
Fantasy"Les liens se créent pour être brisés. Ils sont là pour nous briser. Ils ne nous laisseront aucunes chances." La mère de Julie est morte dans un accident pour le moins étrange. Dans sa volonté de prendre un nouveau départ, elle s'envole pour l'Irl...