Chapitre 26

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Quand je compris le sens de sa phrase, j'eue l'impression d'être poignardée en plein cœur. Je me relevai, fuyant son regard et répétant sans cesse que ce n'était pas possible. Je cherchais désespérément une autre explication. J'avais vu cette ombre, elle était devant moi ! Je n'étais pas folle, j'en étais persuadée mais plus j'essayai de me souvenir, plus l'ombre disparaissait pour laisser apparaître quelqu'un d'autre : Matthew. Je secouai la tête. Non. Ce n'était pas possible. Je n'avais pas pu le pousser comme dans mon rêve.

- Arrête de faire semblant.

La voix de Matthew me glaça et je le regardai dans les yeux.

- Tu t'es rapprochée de moi dans le seul but... commença-t-il.
- Ce n'est pas ce qui s'est passé, le coupai-je d'une voix tremblante. J'étais avec toi puis j'ai vu...

Je m'arrêtai. Qu'est-ce que je pouvais dire ? J'avais vu une ombre et je l'ai poussé. Même si, les légendes ou autres étaient vraies, tout ça ne tenait pas la route. Il allait sans doute me prendre pour une folle ou dire que je mentais.

- Tu as vu quoi ? Ou plutôt quel mensonge tu vas encore me dire ? siffla-t-il.
- Je ne te mens pas, murmurai-je.
- Arrête tu n'as fait que me mentir depuis le début...cracha-t-il.
- Je...non... Matthew...bégayai-je.
- Tais-toi ! cria-t-il.

Je chancelai. Il me détestait. J'avais encore fait du mal à quelqu'un que j'aimais.

- Je ne veux plus entendre tes mensonges...commença-t-il, la voix tremblante de colère.
- Je ne te mens pas ! hurlai-je avec désespoir. Je...je... ne comprends pas ce qui s'est passé... Je t'aime vraiment beaucoup Matthew... Je ne...ne pourrais jamais... te faire du mal...

J'essayai de retenir les larmes qui menaçaient de couler.

- S'il te plait, le suppliai. Crois moi...
- Non, me coupa-t-il et je reculai sous le choc.

Je cherchai ses yeux du regard espérant voir rien qu'une petite lueur me prouvant qu'il essayait de me croire, mais il détourna son regard.

- Non, répéta-t-il plus fort. Sors de cette chambre ! Dégage ! Si je te revois, je te jure que...

Mes larmes coulèrent sur mes joues. Je sortis en courant ne souhaitant qu'une chose oublier. En dévalant les escaliers, je croisais Thomas qui essaya de me retenir mais je m'écartai. Je courais, sortis de la maison et sans m'arrêter, traversais l'allée pour quitter la propriété. Je n'arrivais plus à réfléchir. Un étau s'était formé autour de mon cœur. J'avais l'impression d'avoir tout perdu, une partie de moi. J'étais brisée de l'intérieur, je le savais. Je courais sans m'arrêter, jusqu'à ce que mes jambes soient douloureuses, que mes poumons me fassent souffrir. Je finis par m'arrêter dans une ruelle à quelques mètres de chez moi. Je restai un long moment debout à attendre que ma respiration se calme et commençai à me promener dans village. Je n'avais pas envie de rentrer. Je ne voulais pas voir mon père et je ne voulais pas qu'il me voit dans cet état. Je me revoyais sans cesse pousser Matthew. Je voudrais remonter le temps pour mieux comprendre. L'ombre était bien là mais plus j'essayais de m'en souvenir plus son image s'estompait. J'avais l'impression d'être folle.

Lorsque le soleil se coucha, je me décidai à rentrer. Je ne pris pas la peine de m'annoncer et alla m'enfermer dans ma chambre. Mes jambes lâchèrent sous mon poids dès que j'eue fermé la porte. Je fus secouée par des tremblements et les larmes coulèrent en silence. Je n'arrivais pas à me calmer. Je ramenai mes genoux contre poitrine et me balançai d'avant en arrière. Je voyais encore et encore Matthew tombé dans la rivière et je n'arrivais pas à m'empêcher de repenser à ce qu'il m'avait dit, à oublier la froideur dans sa voix, ni la haine dans ses yeux. J'aurais aimé lui raconté, tout lui dire. Mais si je me trompai et que cette légende était vraiment fausse, il me prendrait pour une folle et je ne voulais pas revivre ça. Après l'accident, lorsque j'avais parlé des hommes et des bottes, j'avais cru qu'on allait m'enfermer tellement ils semblaient déconcertés. Je n'avais plus raconté ma version après ceci. Mais peut-être que pour Matthew saurait été différent ? Peut-être m'aurait-il crue ? peut-être...

Il ne t'aurait pas crue, idiote.

Je sursautai et regardai autour de moi, affolée. Pas cette voix ! Non ! Je secouai la tête. Ce n'était que mon imagination. Un rire suave et grave résonna dans ma tête, je me reculai automatiquement mais ça ne servit à rien.

Que tu es naïve !

Non ! Non ! Ce n'était que dans ma tête. Je frissonnai et secouai la tête. Elle n'était pas réelle. Pourtant plus j'essayai de me le convaincre, plus le nombre de voix augmenta. Elles marmonnaient dans ma tête des choses incompréhensibles. Je me forçai à les ignorer et répétai sans cesse dans ma tête que tout ceci n'était pas réel. Elles finirent enfin par disparaître. Je relevai la tête et lançai un coup d'œil autour de moi. Je ne déchiffrai pas tout de suite ce que je vus par terre au pied de mon lit mais lorsque je compris, un cri s'échappa de ma gorge. Mes mains se mirent à trembler et mes pleurs redoublèrent. Je me reculai au maximum du corps sans vie, jusqu'à me coller contre le mur. Je n'avais pas besoin de m'approcher pour savoir de qui il s'agissait. Le souvenir de l'accident qui ne m'hantait plus ces dernières semaines, resurgis d'un coup. La température diminua violemment. Mon sang se glaça et je regardais horrifiée le corps de ma mère dont la peau est d'une pâleur mortelle. Ma blessure reprit vie pendant quelques secondes et je sentis la douleur déferlée par vague dans tout mon corps. Je fermai les yeux le plus fort possible. Je ne voulais plus la voir. Je voulais tout oublier.

C'est de ta faute.

Je frissonnai et me colla un peu plus contre le mur. Les voix étaient de retour.

Tout est de ta faute.

Les voix murmuraient et se succédaient répétant la même chose : ta faute. Je secouai la tête pour les faire partir. Je ne voulais pas les entendre. Le corps de ma mère s'estompa pour être remplacé par celui de quelqu'un d'autre. Non ! J'enfonçai mon poing dans ma bouche et hurlai de toute mes forces. Ce n'était pas vrai. Ce n'était qu'une illusion.

Il serait mort, répliqua une voix plus fort que les autres, celle de tout à l'heure.

Non ! Je secouai la tête.

Tu l'aurais tué, renchérit une autre.

Non ! Ce n'était pas vrai !

Il allait mourir et par ta faute !

- Non ! criai-je. Non ! Non ! C'est faux ! Il y avait une ombre !

Une ombre que tu as imaginé !

- Non ! Elle était...là, sanglotai-je. Je l'ai vu.

Menteuse ! Menteuse !

Les voix se mirent à scander ce mot, de plus en plus fort. Avec elles s'ajoutèrent la voix de Matthew et celle de ma mère. Je plaquai mes mains sur mes oreilles en secouant la tête et me recroquevillai dans le coin du mur. Je restai comme ça des heures même après leur départ. J'étais incapable de bouger, incapable de respirer, incapable de prononcer un mot. Je ne voulais pas que ça recommence. Je ne voulais plus les entendre. Pourtant, une partie de moi savait qu'elle avait raison. Tout était de ma faute. Je n'avais posé que des problèmes. Je finis par m'assoupir lorsque le soleil commença à se lever.

A peine quelques heures plus tard, je me réveillai en sursaut et pleine de sueur. Les voix avaient repris possession de mes rêves. Elles criaient de pousser Matthew encore et encore et je finissais par céder, tremblante d'une haine que je n'avais jamais ressentie. Puis je comprenais ce qui se passait et commençais à hurler pendant que leurs rires résonnaient partout. J'avais l'impression de les entendre encore. Je ne me levai que pour aller dans le lit. Je n'avais pas la force d'aller à l'école ; je n'avais aucune envie de me retrouver confronter aux inséparables et encore moins à... Je sentis les larmes me monter aux yeux. Pourtant, tout au fond de moi, la colère grondait silencieusement. J'en voulais à Matthew de pas m'avoir cru. J'en voulais à cette chaleur. J'en voulais à l'accident. Mais je m'en voulais encore plus. Je n'étais qu'une lâche. Une lâche qui n'avait pas le courage d'affronter la réalité. Je donnai un coup dans mon matelas et enfonçai ma tête dans l'oreiller pour crier jusqu'à ce que ma voix se casse. Puis je m'effondrai et pleurai. Toute la douleur, la tristesse et la colère que j'avais accumulé cette année, explosèrent en moi. Mon cœur souffrait. Mon âme était défaite. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même depuis l'accident. Je restai des heures à sangloter. Lorsque je ne fus plus capable de pleurer, les voix réapparurent et chuchotèrent à mon oreille des choses que je ne cherchai pas à comprendre. Toutefois, plus les heures passèrent et plus je ne pouvais m'empêcher de les écouter.

Pleure...

Gealach : Brisée (TOME 1) [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant