Cette nuit là

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Point de vue de Millie :

Cela faisait déjà quelques jours, quelques heures, ou bien quelques minutes, je ne savais pas trop, qu'on m'avait arrachée d'un rêve, la nuit, alors que je dormais paisiblement. Oui, je parle plutôt bien pour l'âge que j'ai. J'ai 8 ans et je suis surdouée. Enfin, c'est ce que disent les gens.

Moi, je n'avais rien demandé, on m'avait arraché de mon lit, menotté les mains et mis un sac sur la tête. Je ne savais pas où je me trouvais. Dans une voiture sûrement car j'entendais un bruit de moteur mais j'ignorais où on m'emmenait. J'aimerais parler, leur demander ce qu'ils me voulaient, mais j'avais peur. Notre pays serait-il en guerre ? Peut-être...

Dans ce cas, pourquoi capturer une si petite fille comme moi ? Non, ça ne tenait pas la route. Il y avait forcément une raison à mon enlèvement.

Je n'osais pas soulever le sac de peur d'être choquée de ce que je pourrais voir en face de moi. J'entendais les gens discuter.

L'un disait : "Vous avez les autres ?

-Oui, ils sont tous là."

De qui parlaient-ils ? Étais-je la seule ? Peut-être que ça n'a pas de rapport avec moi... Des kidnappeurs pareils, ça a un sacré tas d'embrouilles...

Je ne pourrais pas aller à mon cours de danse demain. Oui, je suis une petite danseuse. Je fais beaucoup de concours (mais là, je ne pourrais pas m'y présenter) et je danse tous les jours à une école de danse... J'essayais de me détendre en me souvenant de mes chorégraphies mais, impossible de ne pas se souvenir que je suis dans une voiture, un camion, quelque part, loin de chez moi.

Mes parents allaient s'inquiéter mais je m'en fichais pas mal. Ils me sous-estimaient toujours et mon papa ne veut pas que je continue mes concours. Il pense que c'est néfaste pour ma santé : peu importe, je fais ce que j'aime et j'en suis heureuse.

J'essayais de penser à autre chose, ne pas penser à ce que vont me faire ces gens. Pourquoi en ont-ils après-moi ? D'accord, j'ai un niveau de fin de collège pour mon âge de 8 ans mais je ne pense pas que ce soit une raison.

Le camion où le véhicule dans lequel je me trouvais n'était pas confortable. En tout cas, je savais que j'étais à l'arrière du véhicule mais que je n'étais pas seule car depuis un moment j'endentai quelqu'un qui sanglotait. J'osai soulever légèrement le sac qui était sur ma tête.

L'arrière du camion (oui, ça devait être une camionnette) était presque vide. Nous étions trois. Une fille recroquevillée sur elle-même et un garçon dans un coin, la tête contre la paroi, sûrement en train de se reposer car il ne bougeait pas. La fille n'avait pas l'air très bien. Elle avait l'air plus grande que moi mais plus apeurée : elle tremblait.

Soudain, un homme qui était au côté du conducteur se retourna et me vit, le sac à moitié relevé sur ma tête, laissant apparaître mes petites prunelles brunes. Par réflexe, je lâchais le sac afin qu'il retombe sur mon visage.

Il déclara d'une voix mielleuse : "Tu peux l'enlever ma jolie."

Surprise, je l'enlevais délicatement, laissant mes deux couettes se remettre correctement. Je venais de remarquer que mes deux petits nœuds qui étaient au niveau de mes élastiques n'y étaient plus. C'était ceux que ma grand-mère m'avait offert avant qu'elle ne parte pour toujours.

Prise de panique j'osais demander à l'homme : "Monsieur, où sont mes nœuds ?

-Ça ne passait pas avec le sac. Ça allait les abîmer. Je les ais avec moi. Je les aime bien... Tiens, je vais les offrir à ma fille... lança-t-il d'un ton sarcastique.

-S'il vous plaît ne faites pas ça ! J'y tiens énormément...répondis-je."

Point de vue de Neru :

"Tu le regretteras, commençais-je."

Je venais enfin d'enlever le sac de ma tête. J'entendais encore toutes ces voix menaçantes. Je voulais me recacher sous le sac mais je voulais aussi aider cette petite. Nous sommes tous dans le même bateau après tout...

Je continuais, agressive : "Rendez-lui, putain, faites pas chier là !"

Une autre voix se fit entendre et disait : "Laisses-les, ils en valent pas la peine, aller, rends-lui au lieu de t'amuser, là ! "

L'homme balança les nœuds par la petite ouverture qui nous séparait de lui et du conducteur en lançant un « Fais chier ! » et il la referma d'un coup sec.

La petite saisissait ses deux petits nœuds blancs et les prit dans ses bras. Je la dévisageais, ne comprenant pas vraiment sa réaction pour de simples petits nœuds.

Je lui demandais : "Tu as quel âge ?

-8 ans et toi ? répondit-elle.

-16 ans. Tu viens de loin ?

-Je ne sais pas où nous sommes alors... J'en sais trop rien... Et toi, sais-tu où nous sommes et où allons-nous ?

-Pas plus que toi... J'aurais quand même espéré que tu sache ce qu'il nous arrive et ce qu'ils vont faire de nous... Ça m'aurait rassuré...

-Moi aussi, j'aimerais comprendre pourquoi on m'a arraché de ma maison, de ma famille... Sommes-nous en guerre ?

-Non, ne t'en fais pas mais... Je ne comprends pas non plus... Et puis moi, j'ai été abandonnée... Alors la famille..."

La petite me regardait choquée puis me demanda : "Comment tu t'appelles ?

-Neru et toi, répondis-je.

-Millie, répondit-elle, tu es japonaise ?

-On peut dire ça... Et toi ?

-Américaine.

-D'accord."

Point de vue de Keïto :

"Moi je suis Français, répondis-je en enlevant le sac. Et je m'appelle Keïto."

Je venais de m'incruster dans leur discussion mais faire semblant de dormir, ce n'était plus possible. Après ce que l'homme avait fait, je n'allais pas laisser ces filles seules.

"Original comme nom pour un Français, répondis la plus grande.

-Ma mère est coréenne et mon père américain mais je vis en France, répondis-je.

-Ah, tout s'explique, s'exclama Millie. Moi mes parents sont tous deux Américains mais j'étudie beaucoup le français !

-Moi, j'étudie beaucoup l'anglais et le français dans mon école au Japon mais je ne suis pas cent pour-cent japonaise, expliqua Neru. C'est assez compliqué...

-Ah... Eh bien, Millie, Neru, nous allons devoir nous serrer les coudes pour s'en sortir vivants....

-Comment ça ? demanda Millie, interloquée.

-J'ai cru comprendre à quoi nous allons servir..."

Run For Life 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant