Heal me

-15-

J'éprouve une faiblesse écœurante. Incapable de mal, incapable de bien, toujours disposée à me laisser faire. Je suis trop fragile, inconsistante, défaillante. Je n'aime pas cette faible et naïve personne que je suis devenue. Je veux changer. Il faut que je m'endurcisse, que je devienne plus forte, aussi bien mentalement que physiquement.

Je ne veux plus me laisser marcher sur les pieds. Je veux apprendre à me défendre, me battre, pouvoir parler haut et fort, donner mon avi.

Nous sommes en cours de Littérature et je ne cesse de sentir sur moi le regard tendre de Zach qui était assis juste à côté de moi. Il me regardait comme si il était au courant de ce qu'il m'était arrivé ce matin. Mais c'est impossible qu'il soit au courant.

Perdue dans mes pensées, je ne prête nullement attention au cours qui se déroule en face. Je regrette aussitôt lorsque le professeur me demande :

- Alors Mlle Parker, le cours ne vous intéresse-t-il pas ? Voyons, citez moi une des célèbres œuvres de Tolstoï.

J'ignore la réponse à cette question. Ma peau prend une teinte cramoisie. Tous les élèves me fixaient. Je suis très gênée. Zach me chuchote la réponse que je répète :

- Anna Karenine ?

- Oui, en effet. C'est correct.

Puis, le professeur poursuit son explication.

- Merci, chuchoté-je à Zach.

Il répond par un petit sourire.

Point de vue de Zachary :

Je ne sais pas à quoi pensait Léna mais elle semblait bizarre ce matin. Je suis sûr que ce n'était pas juste à cause des posters. Ce midi, au réfectoire, elle avait aussi la tête dans les nuages. Curieux. Elle semble... perdue. Je me demande sur quel sujet sont ses songes...

Point de vue de Léna :

Perdue dans mes pensées, je fixe ma purée le regard vide. April, sûrement agacée par le silence lourd et gênant quémande :

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Ne me dis pas qu'Amber a retenté une autre vengeance. Non, attends, je sais. Quelqu'un a vu un des posters, c'est ça ?

- Non, je t'inquiète pas, la rassuré-je.

- Que se passe-t-il alors ? demande-t-elle, confuse.

Je n'arrive pas à me confier, m'expliquer. Trop de secrets pèsent sur mes épaules et je n'arrive pas à les partager. J'ai toujours cru que c'était parce que je n'avais personnes à qui les révéler et en parler, mais j'ai fini par comprendre que j'en avais l'incapacité. Je ne pouvais tout simplement pas parler. Voilà pourquoi je veux changer. Je n'arrive même pas à parler à une personne aussi gentille qu'April. J'essaie, mais n'y arrive pas, en vain.

- Si tu ne veux pas en parler je ne t'y obligerai pas, tu sais, dit April, ayant remarqué ma gêne.

- Merci, dis-je reconnaissante à sa compréhension.

- Bon, et si on apprenait à mieux faire connaissance. Tu sais, on n'en n'a pas vraiment l'occasion. Alors, ta couleur préférée ?

- Le gris, je réponds.

Puis, je lui retourne la question afin qu'elle y réponde à son tour.

- Vert. Euh.. Tu as des frères ?

- Une petite sœur, Emily.

- Wow, c'est cool. Moi je suis fille unique. Si on ne compte pas mon demi-frère, Paul.

- Demi-frère ?

- Oui, mes parents sont divorcés, commence-t-elle. Je vis avec ma mère et mon père, lui, vit au Mexique, et s'est remarié.

- Depuis quand ? quémandé-je.

- Un peu plus que trois ans, mais j'ai fini par m'y habituer.

April et moi avons passé toute l'heure du déjeuner à converser, rire ensemble, et faire plus amplement connaissance en apprenant de nouvelles choses l'une sur l'autre. Or, je ne lui ai parlé que très brièvement du déménagement qui m'a fait devenir qui je suis.