J'avais passé une nuit étrange, ce soir là.
Je m'étais rappelé la dernière venue de Juliette à la danse.
Belle, blonde, bien foutue, sans être Barbie. En fait, elle avait les côtes saillantes et avait les seins presque en forme de poire, d'après ce que j'avais vu derrière son justaucorps.
Sans que personne ne comprenne pourquoi, Mathilda s'est approchée d'elle, les sourcils froncés, un regard mauvais aux yeux et une moue qui n'annonçait rien qui vaille aux lèvres. Juliette on ne lui parlait pas vraiment, elle était dans sa bulle et elle n'emmerdait pas son monde, alors qui lui aurait cherché des ennuis ?
Eh bien, Mathilda.
« Tu fricotes bien avec Romain ? avait-elle susurré en arrachant l'écouteur de l'oreille de Juliette. »
Cette dernière s'était empourprée et avait balbutié une réponse; quant à moi j'avais détourné le regard : toujours des problèmes de garçons. Cela dit, heureusement que j'étais en couple quand j'ai appris la nouvelle, sinon j'aurais été effondrée, totalement.
Ce n'est que quand un bruit sec a retenti dans la pièce que j'ai tourné les yeux vers la scène. La main de Mathilda avait filé s'abattre sur la joue de Juliette dans un claquement sonore.
« Espèce de salope ! avait hurlé Mathilda. Ça t'amuse ? »
Personne ne comprenait ce qu'il se passait, tout ce dont je me souviens, c'était que Juliette avait la tête de celles qui luttaient pour ne pas pleurer, et se massait la joue, les yeux rivés sur le sol.
« Répond moi ! Répond, putain ! »
Juliette s'était mis à sangloter, contre son gré : et de ce que je me souvienne, personne n'avait réagi.
Non, c'était sûr, personne n'avait réagi, pas même moi, tétanisées. J'essayais juste de me donner bonne conscience.
Le lendemain, j'avais appris que Juliette avait été retrouvée, un foulard noué autour du cou, par sa mère : quoi de plus horrible comme tableau ?
Heureusement, elle n'était pas encore morte.
Et c'était ça dont j'avais rêvé cette nuit là, l'angoisse et l'impuissance, se réveiller les mains moites et le cœur tambourinant. J'avais imaginé Juliette, les yeux exorbités, et morte si sa mère était arrivée la minute d'après.
Quand j'avais appris la nouvelle, c'était en hiver, je m'en souviens parfaitement, j'étais sur les genoux de mon copain, il s'appelait Marius, et quand j'ai lu le message que la prof de danse m'avait envoyé, j'en avais fait tomber mon téléphone. Il a tout de suite compris que quelque chose n'allait pas, m'a emmenée discuter en abandonnant sa discussion passionnante avec son ami.
J'avais sangloté en disant que j'étais horrible, un monstre, c'était la première fois que je m'ouvrais comme à lui d'ailleurs, il m'a embrassé le front en disant que tout allait mieux aller.
Rêver de ça m'inquiétait, d'autant plus que c'était ce que j'avais vécu, enfin, le même contexte.
Au lycée, je retrouvais Violette qui mâchonnait un chewing-gum, les écouteurs dans les oreilles.
« Ouh, y en a qui ont pas beaucoup dormi, a souligné Violette avec un sourire en coin. Marius est de retour ?
— Juliette, soupirais-je.
— Hein ? T'as couché avec Juliette ? »
J'ai levé les yeux au ciel. Au moins, elle réussissait à me faire rire, intérieurement.
VOUS LISEZ
Dernière valse.
Teen FictionOn a toujours réduit la vie aux mots, jamais aux actes; même si les mots sont englobés dans les actes. On accorde trop d'importance aux phrases et jamais aux conséquences. Et pourtant, on ne réagit même pas quand l'un d'entre nous se fait...