Chapitre 8 : Les vagues l'emportent.

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   JE tirais sur mon pull bordeaux, totalement nerveuse. D'habitude, pour les soirées, je mettais une robe sympa l'hiver et un short en jean l'été, je me réchauffais le sang à coup d'alcool et de baisers saouls ou alors je prenais un bain de minuit avec Violette et les autres pour me rafraîchir. 

   Là, tout serait différent : je serais seule, collée aux basques de Gene, qui allait finir ivre morte dans le lit de Tara à coup sûr. Et moi, je resterais seule, sans rire, sans même parler. Je me demandais même pourquoi je n'avais pas décommandé.

   Pour vivre. Tout simplement.

   Je pris mon cadeau et saluait mes parents avant de m'en aller d'un pas pressé. J'avais prié, sans succès, pour que mon père me prenne par le bras et me dise d'aller réviser mon français ou mes maths, que ma mère m'annonce la venue de dernière minute de Tony : mais non, ils souriaient et me souhaitaient de passer une bonne soirée. Sans même me demander à quelle heure je rentrais.

   Si j'y allais à pieds, c'était en espérant me tordre la cheville en chemin, ou alors croiser quelqu'un, tout simplement. Quelqu'un qui m'annonce qu'il me regrettait, qu'on aille boire un truc ensembles et que tout redevienne comme avant.

   À défaut de café en compagnie de quelqu'un ou de cheville fracturée, j'ai eu droit à un grand bol d'air frais : ce qui ne suffisait pas à apaiser mon stress croissant. Je serrais entre mes doigts le tee-shirt que j'avais choisi pour Tara. Le cadeau était sensé être personnel, mais Gene m'avait refilé deux trois tuyaux suite à ma demande désespérée.

   Quand je pénétrais enfin dans la maison du Diable, je crus fondre en larmes sous le stress. Tara m'accueillit, riante, plus belle que je ne le serais jamais avec sa robe cyan et sa tresse africaine.

   « Raph, entre, on attendait plus que toiii, s'exclama-t-elle, la voix légèrement traînante. Oh, c'est pour moi ?

   — Joyeux anniversaire, répondis-je en tentant de m'enfuir.

   — Va voir dans l'escalier pour ton manteau ! Interdiction d'aller en haut, prévint-elle. »

   Elle s'éloigna en riant pour s'accouder à Gene, beaucoup plus discrète mais toujours aussi jolie.

   Je déposais mon manteau à l'entrée et me cognais à quelqu'un en sortant.

   « Fais un peu attention quand tu déplaces ta grosse masse partout, Cronenberg. »

   Je levais les yeux sur une Mathilda narquoise, aux yeux charbonneux et aux lèvres violacées. À ses côtés, Violette paraissait invisible, fade.

   « Par pitié, laisse moi tranquille une fois dans ta vie !

   — Ce serait trop amusant, supposa Mathilda. Je te pensais trop coincée pour aller à une soirée, tu me surprend, Raphaëlle.

   — Math, intervint timidement Violette. On devrait peut-être retrouver ton frère.

   — Va-y, je te rejoins. »

   Violette haussa les épaules et s'éloigna d'un pas pressé tout en m'ignorant ostensiblement.

   « Tu m'aimes trop et tu veux rester avec moi, c'est ça ?

   — Tu aimerais, pas vrai ? Oh, arrête, ça se sent que tu meurs d'envie de m'embrasser, là, maintenant.

   — Carrément, maugréais-je en levant les yeux au ciel. »

   Le sourire de Mathilda se mit soudainement à s'affaisser.

   « Tu n'aurais pas dû venir, Raphaëlle.

Dernière valse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant