Feu de camp

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Paulo avait raison avec sa théorie des camps de vacances. Il avait dit un truc du genre : « on part en camps de vacances, c'est le meilleur moment de notre vie, on s'amuse presque à en devenir fous. mais ensuite il y a la rentrée, et on passe tout notre temps à penser aux prochaines vacances, on rêve que tout soit encore mieux. et une fois qu'on y est, tout a changé. l'endroit, les moniteurs, les filles, tout est différent, même nos potes ne sont plus pareils. et là on comprend, on capte que les meilleures années sont passées et elles ne reviendront plus.* »

Alors qu'on y croyait comme à une religion, on nous a remplacés. La pluie s'est soudainement mise à battre contre les vitres, et notre cœur lui s'est enfoncé dans notre poitrine. Nous y repensons souvent, quand on voit des photos d'eux avec les autres, et leur sourire aux lèvres. La bougie a pris feu et aujourd'hui on arrive à peine à aimer correctement. Ça nous brûle la peau, c'est beaucoup trop dangereux puis on a peur de tomber, encore.

« Le sang coule rapidement dans mes veines, les larmes sur mes joues. Je me rappelle de cette nuit où mon corps hoquetait de peine. C'était un mélange de rage et de détresse. On aurait dit un chat des rues hargneux, en manque d'affection. Il y avait eu la fameuse goutte qui a fait déborder mon vase et puis, j'ai changé. Passé quatre heures du matin j'étais devenue méfiante. Tout autour de moi semblait dangereux. Alors bien sûr que je ris, bien sûr que j'aime encore, mais plus comme avant. Maintenant je suis un peu fissurée, ce n'est pas très grave, tout fini par s'arranger m'a-t-on dit, la vie est facile ne t'inquiète pas, a-t-on chanté. »

Et ta tristesse pendant qu'elle te ravage l'intérieur, personne n'y fait attention car le monde continue de tourner. Ils sont tous à traquer le bonheur comme un enfant voudrait toucher le ciel, et toi tu les regardes au loin. T'as plein de pensées dans ta tête, ça ne s'arrête pas, jamais. Des bouquins tu pourrais en écrire des centaines, et dire la vérité, leur cracher la réalité en plein visage pour qu'ils voient ce qui se passe quand leurs yeux ne sont pas braqués sur leur téléphone. Mais tu te dis qui voudrait lire tes lignes et leur foutu désespoir, qui sera marqué par tes mots, personne. Alors reste à l'ombre et tapisses les murs de ta couleur pastel favorite, redessine nous un monde dans lequel le sang ne coule pas, où le bonheur ne se cherche pas, doté de plusieurs merveilles qui pourront nous faire briller et lever les yeux vers le ciel comme des étincelles d'un feu de camp. 


*tiré et modifié d'une phrase d'un film. 

Stone cold (2017)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant