Et dans son ventre c'est une éruption.
A travers la vitre, ce jeudi dernier, elle l'a vu partir. Derrière les volets clos, d'une blancheur vieillissante, un dernier coup d'œil puis la voiture a démarré.
Rien qu'entendre la porte du grillage l'angoisse, ou bien le moteur qui chauffe, qui s'éteint, et même le bruit des clés. Ça lui fait des frissons dans le dos, et l'éruption se propage. Son visage blêmit, puis rougit. Elle a les lèvres pincées. Ses fidèles cernes sous les yeux. Une larme coule, s'échappe, mais elle ne lâche rien et elle résiste à tout.
Le sentiment d'abandon, tard le soir, nous tape dans l'oreille. On entend notre cœur souillé battre et c'est surement le bruit d'une âme qui en a marre, qui est fatiguée, fatiguée d'être délaissée. Elle voudrait elle aussi partir puisque c'est si facile, laisser tout en plan, et enfin suivre la lune qui lui souffle depuis tout ce temps de foutre le camp.
Puis il y a les comètes qui veillent sur nous. On ne les voit pas de là où nous sommes. Parce qu'on est aveuglés par cette vie qui commence sérieusement à nous bousiller. Alors on regarde l'heure et on en a mal au bide d'être des pantins, de se noyer dans le mal, comme si on ne connaissait plus que ça, comme s'il fallait qu'on s'endurcisse.
Mais on est forts nous bordel. On ne fuit pas. Pas comme eux.
On reste avec les autres, dans la galère, dans les ennuis, dans les nuits agitées, où on a chaud, où on a froid, avec la sueur, et le mal de bide quand on se réveil, et ce bruit de porte qui claque, et leurs voix qui s'échauffent, et ces regards qui disent tout, et ce regard qui part.
Cette voiture qui accélère.
A chaque bruit entendu, dehors, là où tout va bien, son regard se lance vers la fenêtre. Son cœur bat, mais pas comme d'habitude, cette fois-ci, elle est fragile et peinée, triste et désarçonnée. C'est pas une guerre qui se prépare nan, c'est pas une bataille. C'est une marque de plus dans sa vie, un sourire franc sur son visage qui cachera des choses lourdes qu'elle gardera en secret. Ses jolis yeux diront aux autres que tout va pour le mieux, il y a les guerres dehors, il y a le chaos chez elle.
Mais il y a ces choses qui ne mentiront pas, ses doigts qui tremblent, la lueur de mille morceaux cassés dans sa voix, des regards noirs, des regards vides, le claquement de ses dents, la sécheresse de ses lèvres, son corps entier, fragile et doux, et l'inquiétude, l'inquiétude qu'on peut lire sur son visage comme dessin caricaturant la tristesse enivrante, épuisante.
A quand les feux d'artifice qui habilleront le ciel, à quand le repos, à quand la fin de ce foutu chaos. Mon frère d'arme est exténué. Je mets de l'encre sur cette sombre teinte sous ses yeux d'homme admirable et à qui je donne tout mon respect. Et eux, eux se fâchent, et moi, moi je ne regarde même plus les étoiles. Ça fait un bout de temps que je n'ai plus l'esprit serein. J'ai vite compris que la vie ce n'était pas ce qu'on m'avait prédit. Vous pouvez lire dans ma main, on y voit des lignes creuses, saccadées, presque mortes.
C'est un être instable qui se tient là, devant nous. Il y a plusieurs comètes qui veillent sur lui, vu son air démuni et son regard surpris. Il est allé voir une femme hier pour parler, et il a pleuré. Mais elle n'a pas compris qu'il était complètement désarticulé de sa propre vie, perdu comme un marin dans une mer trouble et agitée.
Nous sommes maintenant que de petits bouts de pierres froides.
Une fissure nous a coupés, une cassure nous a séparés. Et on se noie dans une monotonie incessante au lieu de respirer l'air frais qui pourrait faire de nos cages thoraciques de magnifiques jardins où fleurissent des mots de poètes incompris, puis inconnus aussi.
Nous sommes devenons des pierres froides. Presque sans pleurs, presque sans larmes, aucun signaux de détresses sur nos visages asymétriquement décolorés.
Et dans mes nuits nerveuses où l'anxiété s'éveille partout en moi, je crois encore à mon poing haut près des comètes, qui criait sous la lumière des réverbères, dans les rues de pavées orangées et brunes, mon poing levé vers celle qui est partie trop tôt, et qui rugissait au nom des révoltés.
« Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. » - Les Foules, poème XII, Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire
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Stone cold (2017)
PoesíaComme l'a dit Cesare Pavese : « Seul l'hiver est la saison de l'âme » Alors ces bout de pierres froides résisteront au vent vilain Recueil datant, mais fini