Postface

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Un réalisateur avait démontré suite à une expérience un fait intéressant : lors du visionnage d'un film, au cinéma, les personnes gardent une certaine mesure de penser, tandis que devant la télévision, où la lumière est projetée devant nos yeux aux lieu de derrière, les personnes ont moins de liberté pour critiquer : ils prennent sans réfléchir : on appela cela le "phénomène d'avachissement".

Il s'agit quelquefois du même problème que nous avons : devant un livre, nous avons du papier matériel et d'une consistance plus ou moins agréable (lisse, râpeux, jauni, glacé...).  Nous pouvons le laisser sans crainte qu'il soit volé, nous pouvons le lire la tête en bas, assis, couché, dans des positions improbables, et summum du luxe, il ne manquera jamais de batterie. Or l'ordinateur, smartphone ou autre, possède un problème : tous les livres sont numériques. On peut certes en ranger plus, mais après quelques heures, la lumière bleue vous ratatine et les ondes vous donnent la migraine. On fait moins attention à la qualité de l'histoire. Je ne dis pas que les histoires que certains tarissent d'éloges sont nulles : il y a du bon en tout, il y a du mauvais en tout.

Ce que j'aurais simplement essayé de faire, c'était de garder un œil critique malgré le problème de l'ordinateur. Après tout, c'est là que les nouveaux auteurs comme moi ont le plus de chances d'être embauchés : nous sommes donc obligés d'aller sur le Net.  Sans oublier qu'ils sont des amateurs, j'aurais essayé de les conseiller, de VOUS conseiller, vous, de façon à ce que vous puissiez voir qui sera le prochain challenger de la lecture. Wattpad est fait pour le plaisir. Et le plaisir de lire tout comme celui d'écrire soi-même. Le problème, c'est que nous sommes submergés d'internautes proposant chacun son propre tapuscrit, alors que bien souvent les histoires sont stéréotypées. Il y a toujours les mêmes choses qui reviennent :

- la présence d'un jeune homme que l'héroïne ne peut plus voir en pâture. C'est un concept, dans une certaine mesure, qui peut être bon. Néanmoins, on tombe vite dans des dialogues cliché : "Qu'est-ce que tu faisais avec cette fille ? -Encore toi ? T'es toujours dans mon dos alors qu'on se connaît même pas ! Cette fille, c'est ma copine, je fais ce que je veux avec ! On était en train de discuter, si tu veux savoir. T'es content ? -Très." (Cela dit, quand une jouvencelle vous hurle dessus, il faut parfois avoir un bon sens de l'ironie pour survivre.)

-La maîtrise d'une pléiade d'éléments. L'Eau, la Terre, le Feu et l'Air, les quatre éléments sont un thème ultra-récurrent dans la fantasy sur Wattpad. À cela, on ajoutera l'Esprit (ce qui est une idée : l'Esprit peut être rattaché à l'Air, mais l'Air est matière, et l'Esprit n'est pas comme les autres éléments), la Glace (qui n'est que de l'Eau congelée), la Lumière (rattachée au Feu), les Ténèbres (entendez par là : l'Obscurité), ect., ect. Les quatre éléments datent de l'Antiquité. C'est Aristote qui les a définis pour controverser la théorie des atomes prétendument fausse de Démocrite. On ne pourrait pas imaginer un concept plus novateur ? J'écris une longue histoire, si longue que je me demande si elle sera jamais publiée sur Wattpad, où il est question de trois choses importantes pour une immense forêt pleine de mystères : la Nature (l'eau, les animaux, la végétation, il faut qu'il y en ait à profusion), la Nuit (pour le mystère) et le Vent (pour une multitude de petites raisons : c'est le vent qui souffle dans les arbres, c'est le vent qui vous fait frissonner la nuit, c'est le vent qui rend fou les poneys, et qui pourrait vous rendre vous aussi ivre(s) d'excitation...). Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Si vous tenez absolument à une maîtrise de certains pouvoirs détachés d'autres pouvoirs analogues dans vôtre monde, pensez : Qu'est-ce qui compose vôtre monde, au juste ? Ça peut vous ouvrir des portes plus loin que ce que vous pensez.

-Les fautes d'orthographe. Ça, on y peut rien ! Faites juste des dialogues comme dans vôtre vie mais sans exagérer dans le familier.

-Les mauvais prologues. "Salut je m'apèl Joséphine j'ai 17 ans je vis dans une grande maison j'ai les cheveux blancs je nez jamais su pourkoi. Sinon, j'ai un peti frère qui m'énerve et pui a l'école il y a Léonie je la féteste cette fille là. Sous prétexte que j'ai été adoptée elle pense que je suis une martienne lol." C'est la mort assurée de l'éditeur par une crise cardiaque s'il voit ça. Ou au minimum un bougonnage bien senti sur la génération Z qui décidément ne sait rien faire de ses dix doigts, ces p'tits jeunes sont tell'ment empotés d'nos jours. Revisité par un bon écrivain, cela donne ça : "Joséphine habitait dans une grande maison près de Paris dans une petite ville de l'Île-de-France. Elle n'aimait pas sa vie. Ses cheveux blancs, pour commencer. On l'avait examinée longuement durant les premières années de sa vie, on avait fini par en déduire qu'il s'agissait d'une variante extrêmement pâle de la couleur blond platine. Et puis il y avait Léonie. Peste attardée, le genre de gamine qui n'avait pas compris que dans un an ou deux au maximum, elle serait devenue ce qu'on appelle une personne mature. Jadis entourée de toute une bande, à présent que ses pseudo-amies avaient grandi dans leur tête, elle n'en était devenue que plus corrosive et cruelle. Et enfin, cette histoire d'adoption. (Retrait de paragraphe pour signifier qu'il s'agit d'un moment important.) Elle n'avait jamais compris pourquoi on ne lui avait jamais rien dit à ce propos. Elle ne savait pas si elle était née sous X ou si elle avait grandi ses premières années, on ne lui avait rien dit à ce sujet-là. C'était un tabou dans la famille, de même que d'avoir des cheveux blancs. Même son petit frère évitait d'en parler, et abordait ce sujet d'une manière respectueuse, alors que ce n'était qu'un petit sixième énervant. Joséphine n'aimait pas sa vie. Elle ne l'avait jamais aimé. Trop de pourquoi, trop de non-dits. Elle aurait aimé partir." Et si on faisait entrer un garçon dans la danse : "Joséphine. (Retrait de paragraphe.) Elle se nommait Joséphine. (Retrait de paragraphe.) Adam n'avait jamais vu une fille entourée de mystères, du fait de son adoption mystérieuse à celui qu'elle avait les cheveux blancs. Des cheveux comme la neige ? Non, bien plus beau, comme la lune, scintillant d'une aura fascinante dans les recoins sombres. Adam était tombé vite amoureux sans oser le lui dire. Il avait souvent lorgné la grande maison où la nymphe vierge habitait, sous l'œil narquois du petit frère qui venait lui casser les pieds quand il l'apercevait. Il n'avait pas non plus osé s'interposer quand Léonie, une gamine dans sa tête qui pourtant elle aussi avait 17 ans, venait la railler, de peur de provoquer des rumeurs. Tout ce qu'il savait d'elle, en fin de compte, c'est quelle détestait sa vie." À partir de là, vous avez un beau début de texte, mais cela ne fait pas tout : ce n'est pas un prologue, mais un chapitre 1. Un prologue n'est qu'un avant-goût de ce qui suit, qui ne sera expliqué que dans une dizaine de chapitres, voire de tomes. Joséphine peut très bien mourir, la suite de l'histoire peut se passer dans 50 ans, Adam peut se faire traquer durant la suite du prologue, qui se finit alors de la manière suivante : "La dernière chose qu'il vit dans l'obscurité des bois fut le visage grimaçant de son agresseur"... Bref, pour un bon prologue, il faut avant tout de bonnes idées.

-Les clichés de low fantasy. Continuons sur la lancée. Joséphine apprend par sa mère adoptive, Bernadette, qu'elle vient d'un autre monde et qu'elle était traquée par le roi de ce monde, d'où la raison pour laquelle on l'a cachée 17 ans durant ici... C'est du vu et revu. Certes Pierre Bottero et J.K.Rowling ont usé de certaines parties de ce stratagème, mais au bout d'un long moment, il ne parvient plus à captiver le lecteur. Voyons plutôt. Si Joséphine a l'air cheveux blancs et qu'elle a été adoptée, c'est peut-être : 1) parce que dans son monde, les enfants ont parfois les cheveux blancs et sont considérés comme des enfants sorciers (voyez un peu ce qui se passe ne Afrique), et qu'on l'a abandonnée dans un sanctuaire, où un esprit/un dieu/une déesse/un lutin (mais oui pourquoi pas ?)/un sorcier/une sorcière/un(e) mage a décidé de le donner à des parents de ce monde-ci ; 2) Parce que les médecins ont eu raison et que les parents n'en parlent pas car ils détestent l'idée d'avoir une fille qui ne soit pas de la même chair qu'eux. Rien à voir avec un autre monde, alors ; 3) Parce qu'elle est la fille d'un roi-elfe (via un exil politique), ou d'un roi tout simplement, et qu'on lui a lancé un envoûtement qui fait que ses cheveux sont magiques ou sorciers (possibilité d'entrer en contact avec elle, ou de l'endormir ou l'affaiblir à distance, ou peut lui donner au contraire des pouvoirs, ect., ect. ...).


Quoi qu'il en soit, n'hésitez pas. Ne tombez pas dans les clichés de vos précédesseurs. Soyez vous-même. Utilisez mes pistes et celles des autres auteurs. Faites vibrer vos personnages !

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