Vous allez sans doute me demander pourquoi j'ai arrêté de poster aussi longtemps : disons que ce recueil de critiques est un peu parti en vrille avec mes multiples occupations, frustrations et problèmes de la vie courante. Mais j'ai également pris du recul tout comme j'avais pu en faire à maintes reprises. Voilà pourquoi, afin de comprendre cette critique, il faut que je vous explique dans quel état d'esprit j'ai lu l'œuvre.
Quand je suis arrivé sur Wattpad, je ne savais quasiment rien. Je faisais des critiques volontairement gentilles ou indulgentes, pour éviter de froisser tout le monde : de toute façon, j'avais un sens de l'écriture beaucoup moins développé que maintenant. Si vous êtes un adulte habitué à lire des livres de valeur sûre, regardez les quelques histoires que j'ai publiées sur ce compte, et vous y verrez, en-dehors de Kelptos qui possède des défauts d'un autre genre (je me suis d'ailleurs auto-lapidé moi-même là-dessus dans cette critique : https://www.atramenta.net/lire/la-fantasy-sur-atramenta/62731/24#oeuvre_page), et vous y verrez la marque d'un profond amateurisme.
Pour toutes ces raisons au début de ma "carrière", j'ai publié des critiques bien trop élogieuses ou pas assez approfondies pour certains romans à l'intérêt passable. N'allez pas croire non plus que je pense qu'il est bien d'asséner violemment : "Ce livre est une merde colossale" (car j'en ai écrit comme tout le monde) : non, le pense que mon but en tant que critique sur un réseau social où tout peut être lu par tout le monde est d'encourager l'écrivain s'il a manqué son coup. Il n'empêche : en voulant mettre tout le monde d'accord, je suis bien souvent passé à côté de mon propre jugement, voire même celui que j'aurais dans quelques années.
J'ai mûri intellectuellement en regardant des blogs et des vidéos de critiques officiant depuis plus longtemps que moi ; également je lis à présent beaucoup plus de livres adultes et je recherche dans mes propres écrits une réelle exigence, bien qu'attachant encore beaucoup (trop ?) d'intérêt au premier jet. Seulement, je fais à présent des critiques d'une qualité bien meilleure, et il m'arrive parfois de vouloir descendre en flammes des œuvres que j'aurais appréciées peut-être juste un an plus tôt. Que l'on soit donc clairs : si je suis sévère (mais jamais gratuitement) dans cette critique alors que j'ai été laxiste avec d'autres, c'est uniquement parce que j'ai grandi et que mon regard porte désormais plus loin (je pense d'ailleurs à, si un jour j'ai le temps, réécrire ces premières critiques qui me causent tant de tort). Je vais essayer de, comme pour chaque texte, dire ce qui est bon et ce qui est mauvais... simplement cette fois-ci j'ai eu l'impression sur le coup qu'il n'y avait vraiment que du mauvais.
En commençant le récit, pourtant, j'avais eu l'impression d'être tombé sur une valeur sûre, Xapur étant adulte et postant de nombreuses critiques sur Internet, ce qui lui avait valu la sympathie d'autres blogueurs prestigieux tels qu'Apophis ou L'Ours Inculte. Et voilà que je tombe sur cette nouvelle et je me dis que j'ai enfin trouvé quelque chose pour reprendre. Au vu de la première phrase, j'ai compris que ça commençait fort, et j'espérais retrouver la baffe que j'avais eue en lisant Le légendier d'ivoire de la regrettée @Legendiere dont le compte a disparu pour des raisons incompréhensibles. Mais la réponse était : clairement non.
Worldbuilding
J'avais commencé à m'en lasser avec Les légendes ne meurent jamais : le médiéval a de l'attrait, bien sûr, mais tout le monde n'a pas la plume de Laurent Vanderheyden, et je trouve dommage que le monde de Kalendir ressemble à une énième resucée de toujours le même RPG avec à la clé châteaux forts et épées. Passe encore ; passe encore aussi qu'il y ait des elfes (ici elfes clairs) et des elfes noirs (ici elfes sombres). Mais leur traitement n'a rien d'original. Tolkien avait pu donner une âme à ses elfes en leur donnant une culture, des langues, une histoire longue et touffue ; la saga de bande dessinée Elfes s'efforce également d'imaginer différents peuples originaux, noirs mais aussi bleus ou blancs, en respectant certes les règles classiques mais sans les rendre trop angéliques ou trop inhumains ; Kirsten Britain ne s'est pas foulée, mais elle-même s'est efforcée à leur donner un côté intéressant, en gardant les mêmes archétypes mais en ne les laissant pas tout blancs ; le courant anti-Tolkien (Pratchett, pas mal d'œuvres sur Atramenta...) a décidé de prendre la tangente en en faisant des êtres ignobles. Mais chez les elfes qu'on nous propose ici, il n'y a rien qui mérite d'être retenu. Ils sont simples et prévisibles à en mourir : les elfes clairs ont des noms pleins de l, habitent dans la forêt, sont sages et vivent longtemps, manient l'arc et ont une beauté exceptionnelle ; les elfes noirs eux sont beaux aussi, mais vivent dans des grottes et offrent des sacrifices (in)humains à des dieux sanguinaires ; les nains vivent dans des forges ; les nécromanciens sont méchants et cruels. Je sais que certains d'entre vous me diront que les clichés ne sont pas si importants que ça, mais j'en ai assez de voir que les gens s'imposent eux-même un carcan leur disant de ne pas imaginer ou s'efforcer d'innover plus loin que tel point. Certes les histoires ont toutes les mêmes schémas et des éléments récurrents depuis des milliers d'années ; simplement à force de recréer toujours les mêmes histoires avec du scotch et une paire de ciseaux sans se poser plus de questions, on finit par se trouver en présence d'œuvres impersonnelles et insipides.
J'ai pourtant idée que la réplique qui ressemblait un peu à ça : "Les fées existent, à condition de les voir", réécrite sous cette tournure, ferait très bien dans un livre de fantastique, d'urban fantasy ou de réalisme magique ; le problème c'est que si on fait juste mention des fées dans un livre de high fantasy pure et dure (dans le sens "fantasy se déroulant dans un monde secondaire sans lien direct avec le notre") sans davantage se pencher sur ne serait-ce que leur aspect physique (et pas juste des détails évidents du genre : elle est toute petite et elle a des ailes dans le dos) donne un air terriblement amateur au reste de l'ouvrage, ou pire : peut donner au lecteur inexpérimenté dans ce genre une image très négative du genre.
Magicbuilding
Là aussi, strictement rien de nouveau : nécromancie, armes magiques, invocations de monstres venus des Abysses (dans une scène qui n'a strictement aucun intérêt car aucun lien avec le reste de l'histoire), ect, ect. La magie ? C'est une énergie magique qui permet de faire des trucs magiques. Point barre. Mais bon, si un magicbuilding est bâclé ou absent, le livre peut être bon quand même. Et même si le worldbuilding l'est aussi. Le vrai problème, c'est quand les personnages sont dépourvus d'intérêt.
Intrigue & personnages
Disons-le tout de suite : tous les personnages sont valables, dans un livre jeunesse et Young Adult. Mais pour ce qui est des adultes, les vrais, vous allez vous prendre une claque. Ils sont bien, bien trop stéréotypés. Le méchant est méchant et n'a pas une once de nuance dans sa psychologie ; Kheela et Aliel sont immaculées, de vaillantes guerrières prêtes à défendre une noble cause humaniste, et toujours les plus belles, les plus intelligentes, et les plus gentilles. Le seul personnage gris (sombre) est le frère de Kheela, un sous-fifre de son père qui délaissera son vague côté humain pour se ranger sous ses ordres.
L'histoire commence donc quand le grand-prêtre des elfes sombres va sacrifier une elfe claire, Aliel, captive à une horrible déesse, mais sa fille Kheela l'en empêche. Bing, elle lui tranche la main et les deux s'enfuient dans la nuit. Vous trouvez ça crédible, vous, qu'une fille qui passe sa vie dès sa naissance à recevoir un bourrage de crânes religieux dans une famille religieuse et une société adonnée au culte du Mal puisse garder sa liberté de penser alors qu'il n'a fallu que quelques années pour transformer des milliers d'allemands en adhérents au parti nazi et radicalement leur laver le cerveau ? C'est comme si une créature des profondeurs se mettait d'un coup à penser : "Cthullu c'est d'la merde, hop je me barre".
Style
Là, je vais faire bref : tout comme les personnages, le style est "convenable". À défaut d'avoir des caractéristiques importantes, il est écrit sans fautes, sans phrase à rallonge, en dosant bien les dialogues et les descriptions. Mais là aussi, j'aurais aimé (peut-être un peu moins) un petit plus.
Conclusion
La fuite de l'elfe sombre est une nouvelle publiable mais vite oubliable, que je ne qualifierais pas de fade pour ne pas casser l'auteur, mais bien trop prévisible pour vraiment retenir l'attention. Si vous aimez le médiéval, les histoires d'amour, la forêt, et surtout que ce ne soit pas trop compliqué, vous allez sans doute trouver ça agréable. Mais de la part d'un blogueur aussi renommé, je m'attendais à nettement mieux. Et pour cause : même les œuvres les plus mièvres que j'ai pu chroniquer (je pense notamment à June Hogger et L'École du Surnaturel, pour qui j'avais été particulièrement indulgent) avaient plus d'originalité que ça. Là, j'ai juste l'impression que c'était une nouvelle écrite sur un coin de table lors d'un dîner de famille qui s'éternisait.
Je m'excuse pour tout ceux que j'ai pu vexer, et j'incite vraiment Xapur à garder le même style, et d'approfondir son univers, car même les univers les plus clichés au premier abord peuvent être personnels s'ils sont complets et fouillés (je pense notamment à un cycle de space opera sur lequel je planche depuis plusieurs années : Cervelle vorace notamment y appartient). Sur ce, je vous dis à bientôt, ou plutôt je l'espère, car je ne sais pas si je trouverais le temps ou un livre qui me convienne pour la critique SF. N'oubliez pas : tout ceci est un avis argumenté, mais qui reste subjectif, n'hésitez pas à me dire s'il y a des qualités que j'ai passées sous le silence.
https://www.wattpad.com/story/82550712-la-fuite-de-l%27elfe-sombre
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La fantasy sur Wattpad
RandomLa fantasy sur Wattpad... Qu'est-ce que ça vaut exactement ? Des tas et des tas de jeunes auteurs en herbe écrivent leurs histoires, font des erreurs, tandis que d'autres, plus confirmés, parviennent à un bon résultat sans pour autant être connu. Co...