CHAPITRE 3

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Le jeune chat courait dans la forêt, son pelage gris-argent plaqué sur ses flancs. Il haïssait ses pattes, ridiculement petites, qui l'empêchaient d'aller vite. Il stoppa sa course effrénée devant le long serpent noir et dur, qu'il surnommait l'Allée Mortelle. En effet, la premiere fois qu'il l'avait traversée, il n'avait pas conscience du danger, et un étrange matou roux l'avait éjecté hors de la trajectoire d'une des Créatures. Mais il avait par la suite vu un lapin se faire briser la nuque par un spécimen énorme qui n'avait pas ralenti et taché de sang le tapis d'asphalte. N'ayant pas envie d'aller fouiner dans les marécages, le chat gris fit demi-tour, repartant dans la forêt. Mais cette fois, il se dirigea vers la lande. Il aimait le goût du lapin, et si c'était difficile pour lui d'en attraper, cela valait la peine d'essayer, quitte à faire un gros effort. Hors d'haleine, il ne tarda pas  à ralentir l'allure. Une étrange odeur le prit soudain à la gorge. Une odeur... qui ressemblait à celle des chats sauvages qu'il avait certaines fois aperçus. Le jeune chat contourna un buisson et tomba nez à nez avec une chatte au pelage roux sombre. Elle avait les yeux fous, de couleur ambrée, un ventre blanc et sentait affreusement mauvais. Elle était d'une maigreur effrayante.

"-T'es qui ?" aboya t-elle, méprisante.

Il soupira. Elle n'allait pas être difficile à neutraliser. Il réfléchit à comment la tuer proprement.

"-Hé, ta tête me dit quelque chose, grommela soudain la chatte rousse, les yeux froncés. Je suis sûre d'avoir déjà vu quelqu'un avec de tels yeux et la même..."

Son miaulement mourut avec elle lorsque le petit chat lui sauta à la gorge. Avec une indifférence totale, il essuya ses pattes maculées de sang et tourna les talons.

Quelle cervelle de puce...

Le jeune matou approchait des neuf lunes et il se débrouillait seul. Il ne comptait plus les chats errants et domestiques qu'il avait tués. Son but dans la vie était de venger sa mère adoptive, Cerise Blanche, chatte domestique, et parcourait la forêt de long en large à la recherche de son assassin. Jusqu'à présent sans succès. Cerise Blanche avait été massacrée par un de ces chats sauvages. Peu importent la réputation cruelle qu'ont ces chats. La rouquine que je viens de tuer était la première chatte sauvage à qui j'ai ôté la vie, elle ne s'est pas défendue, et s'ils sont tous comme ça, je les massacrerai tous. Et la forêt sera à moi. Rien qu'à moi ! Tout à coup il reconnut l'odeur d'une femelle, vaguement semblable à la précédente. Tiens ! Encore une. Il remonta la piste et resta figé. Devant lui, la chatte mettait bas, l'œil luisant d'angoisse et d'un autre sentiment plus violent.

Ne sachant que faire, il resta tétanisé, les yeux fixés sur la femelle haletante. Il croisa son regard affolé.

"-A... aide-moi, hoqueta t-elle. Je t'en prie, c'est ma première portée ! Je ne...

-Que veux-tu que je fasse ? grommela le jeune mâle gris, gêné. J'y connais rien !"

Mais le regard vert de la chatte sauvage était tellement suppliant qu'il s'approcha d'elle. Son pelage était hérissé par la peur et ses pupilles dilatées. Elle soufflait et hoquetait, secouée de spasmes violents. Oubliant ses rêves de conquête, le chat argenté lui tendit sa queue.

"-Accroche-toi quand tu sens que les petits arrivent."

Elle voulut le remercier mais de sa gueule ne sortit qu'un gémissement.

"-Tu es un de ces chats... Pourquoi n'es-tu pas restée avec les tiens ? Ils auraient pu t'aider.

-Ils ne doivent pas savoir que j'ai des petits, souffla t-elle.

-Quoi ?

-Laisse tomb... Argh !"

Après une violente contraction, un paquet blanc avait glissé au sol. La reine s'empressa de sortir son petit de la poche et le lécha vigoureusement. Elle était hors d'haleine.

"-Il... il est très beau, bredouille t-il, ne sachant que dire.

-Merci. Il ressemble à son père."

Du chagrin et des remords puissants se peignirent sur son visage.

"-Uh... Ça va ?"

À nouveau, des spasmes l'ébranlèrent et elle mordit sauvagement la queue du jeune chat, qui serra les dents en ignorant la mère. Au bout de quelques instants, un deuxième chaton naquit. La mère le lécha lui aussi, ébouriffant son pelage gris.

"-Ils ne me ressemblent pas, murmura t-elle, mais ça ne fait rien. Merci... Tu es un solitaire ?

-Oui. Tu... Tu veux que je t'apporte à manger ?

-Je suis capable de chasser moi-même, grommela t-elle. Oh, par mille souris, je ne peux pas garder ces chatons.

-Pardon ?

-Je ne peux pas ! Je n'ai pas fait exprès d'en avoir, c'est cet imbécile d'Éclats de Glace qui... Tu ne connaitrais pas une chatte qui allaite ? Ces chatons ne peuvent pas rester avec moi.

-Ils viennent de naître. Ils ont besoin de toi et ton... ton Clan aussi. Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à...

-Tu ne peux pas comprendre. Tu vis seul ? Tu n'es pas plus vieux qu'un apprenti !

-Un quoi ? Eh, je me débrouille très bien seul, d'accord ?

-Mmh. Tu me rappelles quelqu'un...

-Ah, ça suffit ! s'emporta t-il. Je ne ressemble à personne que tu ne connaisses. C'est impossible."

La reine le contemplait, médusée. Elle était certaine de voir en son visage une ressemblance évidente, mais n'arrivait pas à définir quel chat il lui rappelait. Cette indépendance, cette détermination...

"-Comment tu t'appelles ?

-Je n'ai pas de nom. Pas besoin, je vis seul.

-Pourquoi tu ne te trouverais pas des Bipèdes ? Tu erres dans notre forêt et mange notre gibier... Attend, les carcasses de lapins, c'était toi ?"

Il se lécha une griffe, posé.

"-Écoute, minette, ce lieu ne vous est pas réservé. Et... je resterai ici que ça te plaise ou non. Des Bipèdes ? Plutôt mourir que de manger de la stupide pâtée.

-Nos guerriers te feraient déguerpir d'une pichenette, gamin. Ne prends pas ce ton avec moi."

L'un des chatons, un mâle, se mit soudain à miauler. Elle l'attira contre lui pour qu'il tète.

"-Je vais l'appeler Petit Nord, murmura t-elle. Et son frère, Petit Hiver

-Ah... Ce sont des noms étranges.

-Pour toi, peut-être, répliqua t-elle un peu sèchement. Je veux que tu aies un nom, toi aussi. Tu t'appelleras... Petites Pattes !

- Ah non ! C'est ridicule !

-Détends-toi, je plaisante, ronronna t-elle. Que dis-tu de Demi-Nuage ? Car tu es un novice, en quelque sorte, et je suis certaine que je t'ai déjà vu quelque part...

-Arrête avec ça. Très bien, appelle-moi Demi-Nuage si ça peut te faire plaisir, mais je ne rejoindrai pas ton Clan.

-Tu délires ? feula soudain la reine. On veut pas d'un demi-portion comme toi, chat errant en plus ! Je n'ai rien proposés de tel.

-Ah, je commence à comprendre le sens de mon nom..." Il fit la grimace. "Calme-toi. Je t'ai apporté mon aide, et je veux quelque chose en échange.

-V'là autre chose, grinça t-elle en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce que tu veux ?

-Promets-moi de me dire tous les renseignements possibles sur la personne de qui je vais te parler.

-Ah ! C'est des infos que tu veux. D'accord, je te promets de te dire ce que je sais."

Demi-Nuage s'approcha tout près d'elle et lui glissa un nom à l'oreille. Cette dernière se dressa de surprise.

"-Cher Demi-Nuage, sache que j'ai beaucoup de choses à te dire concernant ce félin. Et, je ne t'ai pas encore dit mon nom... Je m'appelle Lune Dorée."

La Guerre des Clans - Sombres RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant