19.

4.3K 397 25
                                    

KALTER:

Un poids sur mon ventre me fait ouvrir les yeux. Ce poids me plaque contre le lit, il m'est impossible de bouger. J'ouvre donc les yeux pour connaître l'origine de mon immobilité. Mon cœur loupe un battement en voyant Ethan, la tête sur mon ventre et son bras s'enroulant autour de moi. On dirait un petit garçon. Il est adorablement craquant comme ça.
Il va falloir que je le réveille pour qu'il aille en cours et moi au boulot.

Je passe donc ma main dans ses cheveux et embrasse le sommet de son crâne. Plus niais que moi on meurt. Il y a quelques mois je me serais écœuré tout seul mais désormais ça me paraît naturel. Le plus étrange c'est que je suis ne suis comme ça qu'en sa présence. Peut-être que finalement mes séances chez la psy finissent par payer un peu.

Mes mains se mettent alors à trembler et je commence à avoir des vertiges. Le manque se fait ressentir. Putain ça ne fait que deux jours que je n'ai pas touché à la drogue. Je ne veux pas qu'il me voit dans cet état. Sans aucune délicatesse je me lève et cours dans la salle de bain, ma petite cachette. J'entends Ethan grogner et le bruit des draps qui se froissent.

— Kalter ?

Il tente d'ouvrir la salle de bain mais je ferme à clé juste à temps.
Je me dépêche de prendre la cocaïne et de faire des rails malgré mes mains tremblantes. Je prends la paye, allume l'eau pour qu'il ne m'entende pas sniffer et enfin me libère d'un poids en inspirant dans la paille.
Je reproduis le geste jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien sur le meuble de salle de bain. Je retire les traces blanches d'un coup de gant de toilettes que je jette au sale directement. Je respire un bon coup, tente de paraître normal. J'essuie mon nez et ouvre à Ethan mais ne laisse que ma tête sortir.
Je lui fais un sourire bien faux, mes membres tremblent encore un peu et mes pupilles se dilatent doucement je dois faire vite.

— Douche.

Je referme la salle de bain rapidement. Je range calmement la drogue et sors ma lame.
J'ai besoin de beaucoup plus. Me couper me libère toujours.

— Kalter-Angel... Tu es sûr que ça va ? Tu t'es levé si vite. Que se passe-t-il ?

Trouve quelque chose, vite.
Je prend mon téléphone et lui envoie un message.


À Blondinet: '' Érection matinale. Gênant.''

J'ai pas osé sortir ça tout de même. J'entends Ethan exploser de rire de l'autre côté de la porte.

— Je te savais pas aussi pudique en présence d'un autre mec.

Je suis gay, il est gay. Il y a de quoi être gêné. Et même si j'avais été hétéro, c'est hyper gênant ! Une fille elle doit pas se sentir bien si elle mouille à côté de ses copines mais bon heureusement pour elle ça se voit pas. Mais pourquoi je débat sur ça alors que c'est qu'un mensonge ?

Je retire un à un chacun de mes vêtements et entre dans la douche. L'eau chaude sur ma peau devenue froide me fait frissonner et me relaxe. Ce soir j'essayerais de rentrer plus tôt qu'Ethan pour pouvoir me droguer plus facilement. J'ai pris assez pour la journée, pas plus malheureusement. Doucement je prends ma lame, inspire et coupe mes cuisses, mon sexe et mes fesses. Ça me fait un bien fou. J'aime cette sensation de légèreté et de liberté que m'offre la mutilation. J'ai l'impression de me purger. Comme dans le temps où les hommes pensaient que la saignée pouvait guérir des maladies et bien moi ça guérit mon mal être, du moins ça le tasse au plus profond de moi jusqu'à ce que je l'oubli.
Malgré ça je ne peux toujours pas me regarder dans un miroir. J'ai repris quelques kilos mais sans plus, la drogue m'empêche de grossir et de manger plus. Je suis abîmé intérieurement et extérieurement.
Alors que je continue de me couper, je me rappelle de quand je suis allé à l'hôpital. J'ai été con ce soir-là. Je me suis mutilé le poignet. J'espérais pouvoir mourir et je ne sais pas pourquoi mais au dernier moment j'ai eu des remords. Grâce à ça j'ai su pour Ethan et ça m'a permis de me rendre compte de mon égoïsme. Encore une fois la mutilation m'a aidé.

Tandis que je suis dans mes réflexions, l'eau coule sur mes cicatrices et mes nouvelles coupures. Ça me pique un peu mais je m'y habitue. J'attends un maximum de temps histoire de ne pas tâcher mon jean et mon caleçon avec mon sang. J'ai envie de mettre un jean blanc. Je sais que c'est le symbole de la pureté mais je veux faire cet effort pour Ethan. Je sais qu'il n'aime pas me voir tout le temps en noir car c'est déprimant. Je veux lui montrer que je vais bien. Aussi bien que je peux l'être. Que grâce à la mutilation et la drogue je me sens mieux. Du moins la drogue me complexe mais la mutilation m'enlève ce complexe le temps de quelques heures de béatitude.
Peut-être devrais-je en parler avec le psy.

— Kalter-Angel, tout va bien là-dedans ? Ça fait une demi-heure que tu es là, je m'inquiète un peu là...

Merde. Je coupe l'eau et me sèche très vite pour pouvoir lui laisser la place et ne plus l'inquiéter. Quand Ethan me voit sortir, un énorme sourire se dessine sur son visage.

— Tu es magnifique mais attend laisse moi arranger tes cheveux !

Ah il est toujours autant attiré par mes cheveux. Quand j'étais à l'Université il adorait les coiffer, ça a pas changé visiblement.

— Tu détestes toujours autant ton reflet ?

Je baisse la tête car je ne veux ni m'énerver ni faire le fier alors qu'il demande simplement quelque chose car il s'inquiète pour moi.

— Je te comprend pas. Tu es magnifique.

Je lève le regard vers lui et roule des yeux. J'aime pas qu'on me mente ainsi.

« — Magnifique ?! Ethan, je suis anorexique, tatoué, percé de partout. Mes cheveux sont énormes, mon corps trop grand pour mon poids aussi faible. Mes yeux sont hideux et merde... je suis moche. »

Il me regarde dans les yeux et tend sa main vers ma joue afin de la caresser. Je mentirais en disant que je n'aime pas son touché sur moi mais qu'est-ce qu'il fabrique ?
Avant que je ne puisse comprendre ses lèvres s'emparent des miennes. Elles sont douces et légèrement sucrées. Parfaites. Malgré tout je suis trop choqué, tellement que je ne répond pas à son baiser. Il se recule d'un coup comme si il venait de recevoir un coup de poing. Il semble désorienté et quand il se rend compte de ce qu'il a fait, il part s'enfermer dans la salle de bain.
Il est magnifique mais je ne pense pas qu'on avait les mêmes idées et intentions. Enfin mon cerveau pense ça mais mon cœur bat si vite et mon ventre semble tout retourné. Mes joues sont rouges et mes lèvres me brûlent mais je ne peux pas faire ça. Je vais encore souffrir. J'ai aimé qu'une fois et j'ai bien failli perdre la vie à cause de ça.

HARD TO LIVE (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant