Chapitre 35

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Gabriel se réveilla sur l'un des canapés transats qui entouraient la piscine, avec l'impression d'être sur un petit nuage. Il regarda sa montre qui indiquait six heures du matin. Ils feraient mieux de déguerpir et de regagner leurs chambres avant que quelqu'un ne les surprenne mais, lorsqu'il se retourna vers Louis, celui-ci avait déjà disparu.

Il quitta la piscine pour se mettre à sa recherche et l'aperçut fumant une cigarette devant l'entrée de l'hôtel. La chaleur écrasante et l'humidité le frappèrent quand il passa les portes et il fut ravi de n'avoir encore que son maillot de bain sur lui.

« Gabriel ! » s'exclama Louis, surpris, et il écrasa sa cigarette nerveusement dans le cendrier.

Gabriel s'apprêtait à s'approcher de lui pour l'embrasser, mais il y avait quelque chose d'étrange dans sa voix et son comportement, et il se ravisa. La déception et la tristesse s'emparèrent de lui car la conclusion s'imposait d'elle-même : Louis regrettait d'être revenu vers lui.

« Tu es bizarre, » lui fit-il remarquer. Il savait maintenant que Louis cherchait un moyen de le rembarrer poliment, mais il n'allait pas le laisser faire, pas après la nuit exceptionnelle qu'ils avaient passée ensemble. « Laisse-moi deviner, tu vas m'expliquer que tu as fait une erreur hier soir car tu avais beaucoup trop bu et donc pas assez réfléchi ? Si c'est le cas, économise ta salive, je ne veux pas entendre tes lâches excuses, » menaça Gabriel en soutenant le regard de Louis.

Ce dernier le fixa avec de grands yeux, prouvant à Gabriel qu'il avait raison, et se gratta la nuque, perdu dans ses pensées. Après une longue pause, il lâcha d'un ton découragé : « Gabriel, nous sommes nuisibles l'un pour l'autre. » Il ajouta doucement : « Pourquoi tu ne le vois pas ?» Il ne comprenait pas que Gabriel continue à idéaliser leur relation, à l'idéaliser lui.

« Parce que ce n'est pas vrai ! » siffla Gabriel. « J'admets que nous avons fait des erreurs, surtout moi, que notre relation n'a pas été parfaite, mais aucune ne l'est ! Le lien que nous partageons est unique. » Il passa une main dans ses cheveux. « Ne me dis pas que tu n'as pas adoré hier soir comme moi. Merde Louis ! Je ne me suis jamais senti aussi bien depuis qu'on a rompu ! Tu es le seul qui parvienne à me rendre heureux ! » rugit-il, faisant tressaillir Louis. Des clients dans la soixantaine qui entraient dans l'hôtel les regardèrent d'un air renfrogné.

« Baisse la voix. » Les lèvres de Louis se serrèrent.

« Baisser ma voix ? Mais c'est quoi ton problème ? Tu as honte qu'on se dispute en public comme un couple ? Qu'est-ce que ça peut faire, ils ne nous connaissent pas ! Putain, Louis, je ne te comprends pas, tu as admis hier soir que tu m'aimais encore. Pourquoi tu agis comme ça ? »

Il dévisagea Louis intensément, attendant une réponse qui n'arriva pas.

« S'il te plaît, parle-moi, ne te renferme pas sur toi-même comme avant, je t'en supplie, » hoqueta-t-il, la frayeur de perdre à nouveau Louis lui comprimant la gorge.

Louis se sentait acculé et hésita à couper court à la conversation en s'enfuyant. Mais Gabriel avait raison, son habitude de tout contenir, son incapacité à faire face à un problème sans devenir agressif ou à l'inverse se défiler, devaient s'arrêter. Jusque-là, cela ne lui avait pas vraiment réussi, n'aboutissant au contraire qu'à le rendre beaucoup plus malheureux.

Il prit son paquet de cigarettes et en attrapa une. Son briquet était en train de mourir et, après plusieurs vaines tentatives pour l'allumer, il s'énerva. « Merde ! » jura-t-il et il jeta le briquet par terre. Le soleil gagna enfin sa bataille contre les nuages et quand Louis leva les yeux, la vue de Gabriel à moitié nu lui coupa le souffle. Le soleil rendait ses yeux verts encore plus éclatants, caressait chaque partie de son corps bronzé et accentuait le dessin de ses muscles. Il avait grandi tellement vite. Le cœur de Louis battait la chamade ; Gabriel était le seul à pouvoir lui inspirer des émotions aussi intenses, ce qui lui fit perdre ses moyens.

« Parce que j'ai peur, Gabriel ! » cria-t-il, ne se préoccupant plus des gens qui pouvaient l'entendre. « J'ai peur de te perdre encore ! Bientôt tu vas cesser d'être aveugle et enfin voir à quel point je suis en réalité un minable. Tu as toujours été un ange avec moi et tout ce que je t'ai fait en retour, c'est du mal. Je t'ai brisé. » Il se mordit les lèvres et un frisson lui parcourut le dos à la pensée d'être une personne aussi affreuse et égoïste.

Gabriel était dérouté. « Mais... Mais je pensais que tu me détestais après ce que je t'ai fait. »

« Je ne t'ai jamais détesté, c'est moi que je déteste. C'est de ma faute si tu prends des drogues, et je n'ai eu que ce que je méritais, je t'ai poussé à bout. »

« Ne dis pas ça, je n'aurais jamais dû abuser de toi, ne te punis pas. Je ne vaux pas mieux que toi et tu ne m'as jamais forcé à faire quelque chose de mal. C'était ma décision de prendre de la drogue, » dit Gabriel résolument.

« Oui, mais j'aurais dû t'aider à arrêter au lieu d'en prendre avec toi. Gabriel, je suis mal en point et je ne veux plus être un fardeau pour toi, » implora-t-il.

« Je suis en piteux état aussi. »

« Tu te bats toujours pour nous, » constata Louis.

Gabriel saisit délicatement sa main droite, encore enflée et rougie par le coup donné à Manuel.

« Tu l'as fait aussi et c'était terriblement excitant, » sourit Gabriel.

« Je suppose. » Louis lui rendit son sourire et réalisa à quel point il avait été stupide de croire qu'il pouvait vivre sans Gabriel. « Tu m'as tellement manqué ». Ses pieds le poussèrent vers Gabriel qui l'enveloppa dans ses bras. Il reposa sa tête au creux de son cou et une sensation d'apaisement l'envahit, il avait l'impression de se retrouver à la maison. Ils restèrent enlacés jusqu'à ce qu'une voix les oblige à rompre leur étreinte. Charles était posté près d'eux, déchaîné.

« Où étiez-vous ? Et qu'est-ce qui vous prend de vous toucher en public ? » gronda-t-il. Il portait son costume malgré la chaleur et transpirait. « Vous auriez entendu de mes nouvelles si je vous avais attrapés à vous embrasser ! »

Louis regarda Gabriel malicieusement avant de se tourner vers Charles. « J'ai frappé quelqu'un hier soir et ce serait merveilleux si vous pouviez vous en occuper, » dit-il d'un ton léger pour l'ennuyer.

« Tu as fait quoi ?! » s'égosilla Charles.

Il donnait l'impression d'être sur le point de succomber à une crise cardiaque, ce qui était hilarant. C'était bien la première fois que Gabriel et Louis le voyaient perdre ses moyens.

En échange d'un chèque à six chiffres, Manuel ne porta pas plainte et ne vendit jamais l'histoire aux médias. Ainsi, l'affaire fut soigneusement étouffée.

****

Malgré les bonnes résolutions de Gabriel, ses addictions étaient encore bel et bien présentes, compromettant leurs chances d'être à nouveau heureux. Louis refusa une fois de plus de le suivre sur ce chemin et décida de l'aider à arrêter. Il ordonna à leurs assistants de ne plus apporter aucune substance illicite à Gabriel, même si celui-ci se mettait en colère ou usait de son charme pour en obtenir.

Gabriel lutta pour ne toucher à rien pendant une semaine et Louis était fier de lui. Cependant, les effets du manque apparurent rapidement et il commença de nouveau à avoir des sautes d'humeur, à se sentir chaque jour dépressif, anxieux et sans énergie. Il réussit à cacher tous ses maux au public, aux garçons et à leur staff, mais malheureusement pas à Louis.

Gabriel le rendait responsable de tout ce qui n'allait pas dans sa vie et aussi de sa souffrance, car Louis l'empêchait de consommer sa précieuse poudre. Les mots que Gabriel lui adressait étaient blessants, même si Louis savait que c'était l'absence de drogue dans son sang qui en était la cause. Louis essayait de garder la tête haute et de ne pas lui montrer qu'il était affecté par son comportement agressif envers lui. Mais au fur et à mesure que les jours passaient, l'armure de Louis se fendillait et il devenait de plus en plus sensible. Tous les jours, il avait envie de pleurer. Le garçon qu'il aimait le haïssait et ce constat le torturait. 

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