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Julie ressentait quelques excitations. Elle s'était levée au matin et son cœur avait fait un bond à la pensée qu'elle verrait aujourd'hui les résultats de l'analyse des deux cartes. Elle s'était dépêchée de se rendre au bureau et avait couru au laboratoire.

Yves l'y attendait. Mais lui ne partageait pas son excitation :

- Je ne pense pas que nous ayons à faire à un homme assez stupide pour laisser de telles traces. Mais on ne sait jamais...

Soudainement refroidie, c'est de manière tout à fait professionnelle que Julie pénétra dans le laboratoire.

- J'avais demandé une analyse de deux cartes de jeu...?

Un homme s'approcha d'eux et les invita à le suivre dans son bureau. Les deux cartes étaient posées sur la table, ainsi que deux photos et deux ou trois autres documents. Intriguée, Julie se saisit de l'une des photos et demanda :

- Qu'est-ce que cela signifie ?

- On peut commencer par l'ADN si vous le désirez. En réalité, votre joueur portait des gants. Regardez ces deux photos. On voit clairement qu'il n'y a aucune trace d'ADN humaine.

- Il fallait s'en douter... Mais j'avais espéré que s'il avait triché en glissant les cartes dans sa manche, elles auraient été au contact de sa peau. Si ma théorie est vraie, il les aurait glissé entre deux tissus. Et les gants...? Aucun moyen de deviner d'où ils viennent ?

- Non. En revanche les cartes, nous connaissons leur provenance.

- Et ?

- C'est d'ailleurs étrange car elles ne viennent pas du même magasin.

Les yeux de Julie brillèrent et elle sentit son cœur bondir très fort en elle. Elle s'écria joyeusement :

- Je le savais ! Et c'est la preuve qu'il a triché ! Quels magasins ?

Il lui indiqua les deux noms sur l'un des documents. Elle sourit en reconnaissant deux marques célèbres dans le marché des jeux. Mais cela ne rendait l'indice que plus confus.

- Et... La signature ?

- Celle d'un jeune homme, écriture rapide et pressée... C'est malheureusement tout ce que nous pouvons déduire.

- Bien. Merci. Merci, Monsieur.

Elle lui serra la main avant de quitter la pièce. Yves la suivit, tenant les documents et les cartes entre ses mains. Il les regardait attentivement et fronçait des sourcils.

- À quoi penses-tu Yves ?

- Ces cartes... Elles ne viennent pas du même magasin. Mais comment l'As a-t-il fait pour savoir à l'avance quel jeu allait être utilisé ?

- Eh bien ou il connaît très bien les habitudes du club, ou l'information n'étaient pas bien gardée, ou c'est un génie.

- Un magicien. Je suppose qu'il nous faut maintenant appeler toutes les boutiques parisiennes ?

- Cela risque d'être long mais je ne veux pas négliger de pistes.

Ils passèrent le reste de la matinée et leur début d'après-midi à cette tâche. Ils avaient retrouvé la piste du deux de carreaux et défini l'acheteur quand un événement les arrêta dans leur recherche.

Julie reçut un mail d'un de ses collègues lui expliquant que par réflexe professionnel on avait ramassé le DVD du Roi Lion et analysé l'ADN. Il se trouve qu'elle appartenait à un homme au casier judiciaire bien rempli : un certain Josh Tera, jusque là introuvable.

- Yves, continue de chercher le second magasin. Je m'occupe de Josh Tera.

Et elle ouvrit le dossier. On n'y donnait que peu de renseignements : ses noms et prénoms, probable date de naissance, quelques informations sur sa famille, une photo mal prise...etc. Julie parcourut tout cela curieusement, mais elle dut bien vite admettre que cela ne l'avançait guère.

Plusieurs vidéos étaient jointes au dossier. Certaines, filmées par Josh lui-même, le montrait en train de promettre un éclat sous peu. Malheureusement, le décor ne constituait qu'en un mur blanc, ce qui n'aidait pas à l'enquête.

Mais les vidéos suivantes, bien plus intéressantes, étaient des caméras de surveillance dans une aire d'autoroute, un péage et finalement une pharmacie. Julie jeta un coup d'œil aux notes sur le côté et retint une exclamation : l'homme était donc en Franche-Comté, plus précisément à Pontarlier. C'était son passage dans la pharmacie qui le trahissait. Il fallait donc qu'il fût blessé ? Et sérieusement pour se compromettre à ce point.

- Pontarlier est une petite ville. Je vais demander à mes collègues sur place de surveiller le quartier de cette pharmacie. Puis ils l'intérrogeront et nous aurons une piste assez sérieuse.

Elle passa son coup de fil mais eut la surprise d'entendre le policier qui lui répondait que l'homme avait déjà été repéré et capturé mais qu'on ne pouvait rien faire parce qu'il était trop blessé. Une surveillance avait été mise en place et déjà on avait réussi à lui arracher dans son délire quelques mots et surtout la répétition de cet adjectif : seizième.

Seizième... Julie frémit. Son instinct lui criait la réponse mais elle ne pouvait foncer tête baissée sans s'assurer auparavant que ce ne soit pas autre chose. Seizième.

Elle tapa fébrilement sur le web ce mot-clé accompagné de Carpe Diem. Le fait était là : juste à côté de ce café il y avait une salle de Poker appartenant à un riche club.

Effrayée, elle appela le responsable du club pour demander quand aurait lieu le prochain tournoi. La réponse fusa, aussi inquiétante que rapide : ce soir-même. Alors, la jeune policière sentit son cœur s'accélérer.

- Monsieur, il est fort probable que l'As soit présent ce soir.

- Oui.

- Acceptez-le, jouez avec lui. Et nous serons dehors pour le cueillir à la sortie. Je vous préviens de notre présence. Nous serons en civil.

- Qu'est-ce qu'il a fait, l'As ?

- Il a volé.

Puis elle raccrocha et se tourna vivement vers son collègue pour lui ordonner :

- Abandonne tout ce que tu fais ! J'appelle le commissaire pour demander une équipe d'une dizaine de policiers. En civil ! Et nous filons au club de Poker, dans le seizième, à côté du café du Carpe Diem. Et j'appelle mon frère. Il se débrouille en poker : il pourra s'infiltrer dans la salle et tout nous rapporter.

- L'As va refaire son coup ?

- Oui c'est fort probable mais nous ne le laisserons pas faire.

Yves jeta un dernier coup d'œil à son écran et eut un serrement au cœur. Il hésitait à faire part de sa découverte à Julie... Mais l'acte lui semblait difficile.

Il venait de trouver une vidéo de Paul, devant le club de l'Ent-Ric's Poker.

Coup de PokerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant