XVI

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- Libérez Paul. Appelez tous les commissariats de Paris et diffusez la photo que je vous enverrai une fois l'appel terminé. L'As s'est enfui. Nous nous sommes fourvoyés. Ce n'était pas Paul : mais mon frère. Vous aviez raison de dire que j'étais une cible mais vous vous êtes trompés de coupable. Il faut le retrouver. Et je veux qu'Yves vienne me chercher au plus vite au Carpe Diem du premier coup de Poker.

Et Julie raccrocha. Elle s'affaissa sur un banc public en gémissant. La lune était pleine et l'air était froid. Déjà, une église proche avait sonné trois coups. La rue calme et la ville endormie contrastaient avec l'intérieur de l'âme de la jeune femme. Ici, ça tambourinait très fort. Très très fort. Et la gorge nouée, Julie contemplait ce calme désespérant. Elle ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre. Rien qu'attendre. Attendre alors qu'elle aurait voulu crier sa colère contre le ciel et battre les pavés en hurlant le nom de Nicolas. Pourquoi tout était-il si calme ?

Ses paupières s'alourdissaient. Elle tombait de fatigue. Épuisée, elle appuya sa tête contre un arbre et commença à s'endormir. Mais un quart d'heure ne s'était pas passé qu'elle sursauta. Un cauchemar.

Frissonant pour dégager toute impression de fatigue, elle releva sa tête. Elle entendit une voiture arriver dans la petite ruelle et se redressa tout à fait. C'était Yves, encore à demi endormi.

Sans dire un mot, elle grimpa dans la voiture. Ils ne s'échangèrent pas de regards. Du bout des lèvres et le regard rivé sur la route, Yves demanda :

- Où est-ce qu'on va ?

- Chez lui d'abord.

Le jeune policier lui lança un coup d'œil en biais. La raison disait de se reposer mais Julie aurait catégoriquement refusé de rester inactive et son collègue le voyait bien. Il préférait aller dans son sens par peur de la braquer.

Ils parvinrent chez Nicolas. La porte était fermée. Yves la força. Julie connaissait bien l'appartement. Elle entra résolument et ne s'étonna pas de ne pas voir son frère.

- Qu'est-ce qu'on cherche, demanda Yves ?

- Un indice. Écoute on n'a pas le choix. Il faut tout fouiller.

Ils commencèrent par l'entrée pour revenir vers la porte. En ouvrant un tiroir, Julie eut la surprise de le voir plein de jeux de cartes. Elle en saisit trois qu'elle glissa dans son sac.

Yves, quant à lui, s'était assis devant l'ordinateur et cherchait à déverouiller le code. Mais après s'être escrimé durant quelques minutes, il dut admettre que Nicolas était meilleur que lui en informatique.

- Je vais appeler un pro. Tu continues ta fouille ?

- Oui. Et décidément il ne nous craignait pas. À moins que ce ne soit un moyen de nous narguer.

Julie bailla. Elle tombait réellement de fatigue mais l'angoisse qui avait suivi la révélation de Nicolas la maintenait en éveil.

Une demi-heure plus tard, un informaticien entrait. Il s'étonna devant la porte défoncée et le désordre dans le luxueux appartement mais ne posa pas plus de question. Il se mit tout de suite au travail en esquissant une légère grimace devant la complexité de l'appareil. Les deux policiers, debout derrière lui, le regardaient faire d'un œil triste.

Cette enquête les mettait à bout. Ils avaient hâte qu'elle se termine et n'en mettait que plus de hargne à la poursuivre. Quant à Julie, elle ne paraissait pas avoir réalisé qui était son frère. C'était une chose tellement inconcevable qu'elle ne parvenait pas à l'admettre.

Pour Paul, tout avait été différent car elle se doutait au fond d'elle-même qu'on se jouait d'eux et qu'il était innocent. Mais les faits étaient là pour Nicolas... C'était un voleur. Et cela son cœur le refusait. Elle aimait trop son frère pour le croire coupable. Alors, elle refusait de regarder la réalité en face et détournait son attention.

Et puis tout était si irréel ! Comment Nicolas s'était-il pris pour tromper son monde à ce point ? Comment avait-il pu réaliser ce bluff spectaculaire ? Nicolas était donc un génie ? Nicolas était donc un mystère ? Nicolas était l'As ?

- J'ai trouvé, murmura l'informaticien. Cela m'a pris du temps mais tous les codes sont déverouillés. Que souhaitez-vous voir ?

Julie se ressaisit et ordonna :

- D'abord les contacts. Copiez-les sur une clé.

On était déjà au matin. Petit à petit, les rayons venaient éclairer le désordre luxueux de l'appartement. Et on entendit des pas précipités dans l'escalier.

Quelques secondes plus tard, le concierge surgissait, brandissant un pistolet, un air furieux et sévère :

- Arrêtez tous ce que vous faites et sortez !

- Je vais voir, dit Julie aux deux autres.

Elle s'approcha du concierge et demanda :

- Pourquoi ?

- Pourquoi ? Mais le vol est interdit en France à ce que je sache !

La jeune policière frémit et brandit sa carte en souriant :

- Je suis absolument d'accord avec vous et c'est pourquoi nous fouillons l'appartement de ce voleur. Mais ne dites à personne que nous sommes passés ici, c'est compris ?

Le concierge surprit acquiesça et recula craintivement. Julie revint vers les autres.

- Alors ?

- Eh bien il en cache des choses, ton frère ! Nous n'arrivons toujours pas à savoir pourquoi il fait tout cela mais il y met les moyens. Tu as vu sa richesse. Ce n'est pourtant pas tout : il est puissant. Il est le chef d'une sorte de gang mafieux extrêmement bien organisé. Il dit un mot, c'est fait. Riche, puissant, beau, intelligent, surprenant... Jusqu'où ira l'As ? Il nous a dévoilé son bluff et abattu quelques cartes. Mais ensuite ?

- A-t-il une autre maison en France ? Une cache, un complice ? A-t-il un pied à terre dans Paris ?

- Attends deux minutes, je regarde.

Yves fit signe à l'informaticien de faire comme elle disait. Apparut une longue liste que les deux policiers parcoururent avidement. Il fallait faire le tri.. La liste était excessivement longue.

- Il y a même mon adresse, maugréa la policière.

- Mais quel est son but ? Que veut faire l'As ? Parce que jusqu'ici tout est décousu. Et nous sommes une fois de plus absolument perdus...

Coup de PokerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant