Retour à la nuit précédente...
La rue était déserte et noire. Un simple réverbère l'éclairait d'une lueur livide et sale et tout le reste était embrumé par un brouillard nocturne et froid. On n'entendait rien. Rien, si ce n'est le frottement du vent dans les linges, les panneaux et les volets qui entravaient sa course. Un galop régulier ou, par moment, un hurlement strident et court qui perçait et faisait sursauter.
Un homme montait la garde, immobile et rêche. Les traits tendus, très sévères et inquiétants. Pas un seul de ses muscles ne bougeaient, et son corps rigide et sec semblait avoir balayé toutes traces graisseuses de mollesse et flasques. D'un regard profond, il scrutait tout ce qui lui faisait face.
Un deuxième homme s'approchait, vêtu de façon aussi élégante que le premier. Il avait un air ravi à peine perceptible mais qui n'échappa pas au premier homme. Il s'avança face à lui et lui murmura deux mots dans l'oreille. Le gardien le laissa entrer.
La salle que l'on retrouve à l'intérieur possède la même ambiance froide et sinistre. Une dizaine d'homme y parlaient doucement mais de façon détendue et amicale. Tous étaient également vêtus élégamment, comme issus de riches milieux. Ils détonnaient dans ces lieux malfamés.
À l'entrée du visiteur, tous se turent et lui jetèrent des regards excités et brillants. Il rit doucement et vint s'installer sur la dernière chaise. Un petit sourire mystérieux apparut sur ses lèvres. Il garda quelques secondes le silence avant que l'un de ses compagnons ne le presse d'un mouvements de tête :
- Nicolas ?
- J'ai dit à ma sœur.
Il se renversa en arrière en émettant un petit rire joyeux
- Tu devais garder le mystère, murmura l'un des hommes.
- Oui mais n'est-ce pas plus amusant ainsi ?
- Nous ne sommes pas là pour nous amuser, rétorqua sombrement un autre.
À ces mots, l'As reprit tout son sérieux et déclara d'une voix grave :
- Et moi aussi je ne suis pas là pour m'amuser. J'allie l'utile à l'agréable. J'ai posé une nouvelle carte.
- Et tu as dévoilé ton bluff.
- C'est ce que tout bon joueur fait lorsqu'une partie est terminée.
Les yeux du jeune homme brillèrent d'une lumière étrange et rêveuse. Ses compagnons frémirent et s'échangèrent un regard gêné. L'As était encore un mystère.
- La partie est terminée, annonça Nicolas avec allégresse. Je vous promet qu'avant ce soir nous aurons ce que je voulais. Notre cause est juste et notre esprit un brin rieur. Nous avons mené en bateau toute la police de Paris. Il est temps de mettre les voiles car le vent nous est favorable.
Tous l'observaient avec incrédulité et incompréhension. Un vent d'inquiétude balaya la table mais les soupçons se confirmèrent lorsque le jeune homme se leva souplement mais avec brutalité de la table et se mit à courir vers la porte.
- Mais courez ! Qu'est-ce que vous attendez ? Rattrapez-le ! Cria un des hommes.
Plusieurs hommes s'élancèrent à sa suite et le virent s'enfoncer dans la nuit. Il courait vite, fuyait autant que ses jambes le lui permettaient. Mais les autres le poursuivaient avec une sorte de désespoir et pourtant sans réellement comprendre ce qui se passait. Et ils couraient. Et il courait.
Nicolas inspirait par violentes bouffées l'air âcre avec un sentiment d'exubérance. Ses poumons étaient chauds et son cœurs battait vite. Courir pour échapper au monde. Courir pour échapper à un passé qu'il souhaitait révolu. Courir pour son indépendance et sa liberté. Courir pour prouver à tous son courage.
Il sentait malheureusement qu'on le rattrapait. Lui n'en était pas à sa première course et ses muscles fatigaient. Qu'importe... Il était rusé.
Il se tourna vers un immeuble et sentit un frisson d'excitation le parcourir tout entier. D'une main ferme, il agrippa une première pierre, cala son pied dans une interstice et s'éleva. Le mouvement devint vite mécanique et il s'éleva jusqu'au toit à une vitesse fulgurante et impressionnante. Une ombre qui courait verticalement sur les murs.
Il parvint en haut et jeta un coup d'œil vers le bas. Comme il s'y attendait, les autres l'avaient suivi à une vitesse non moins surprenante. Mais il ne leur laissa pas le temps d'arriver en haut et reprit sa course en dérapant sur les tuiles. Cependant son extraordinaire adresse le poussait toujours en avant et l'aidait à se rétablir chaque fois par quelque prouesse.
Et soudain ! Il ne vit pas derrière un vélux entrouvert la rue béante. Il sauta un peu trop loin et glissa le long des immeubles avant de s'écraser deux étages plus bas. Les autres hommes passèrent en haut sans le voir et le perdirent de vue. Il gisait à terre dans une marre de sang et gémissements.
***
L'un des compagnons de l'As resté dans la salle faisait les cent pas. Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Pourquoi avait-il fui après les avoir suivi ? Après les avoir commandé ? Il était leur chef ! C'était eux qui le craignaient et non l'inverse. Alors pourquoi ? C'était fou ! Simplement délirant ! Alors pourquoi l'As, pourtant si respecté, avait fui comme cela, un sourire ironique aux lèvres ?
Mais en parvenant à la chaise où Nicolas s'était assis, son regard fut attiré par une carte. La saisissant, il eut un sursaut de stupeur : un neuf de cœur.
Éberlué, il s'assit pour réfléchir, la carte dans sa main. Il semblait qu'une nouvelle carte entrait en scène. L'As avait-il soudainement changé son jeu ? Mais pour faire intervenir cette nouvelle carte, il fallait donc qu'il ait triché ? L'As trahissait-il ses amis ? Mais non ! Il était au-dessus de tous ! Alors pourquoi imaginer autre chose ?
***
Un faible cri... Si tenu qu'on aurait cru entendre le crissement d'une souris.
Nicolas joignit toutes ses forces pour se relever. Il avait dû se casser quelques membres. Mais il était fort, non ? Alors il marcherait avec la douleur. Car il lui fallait bouger maintenant. Le jour se levait et il ne pouvait pas se permettre de rester ici.
Mais il lui fallait un abri sûr pour soigner ses blessures. Un endroit où nul ne le trouverait !
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Coup de Poker
Mystery / Thriller07 Octobre 2016 Le fait est relaté dans tous les journaux parisiens et amplifié par le bouche à oreilles. C'est l'événement du siècle car il est incroyable. On dit que plus de soixante-cinq milions d'euros auraient été remportés par un obscur inconn...