Minuit était largement passé quand Julie rentra chez elle. Un homme, qui l'avait suivie, nota son adresse de tête avant de disparaitre derrière le coin d'une maison. Elle frémit et jeta un coup d'œil à la rue déserte en attendant le claquement des pas de l'homme.
- Je me monte des films, moi ! Faut que j'arrête, marmonna-t-elle en grimpant les escaliers de l'immeuble.
Elle soupira et monta les trois étages pour atteindre son appartement. Paul était encore dans le salon, un livre à la main et la mine toute endormie. Le cœur de la jeune femme fit un bond :
- Oh ! Tu m'attendais !
- Ça c'est bien passé ? Demanda-t-il gentiment en l'embrassant sur le front.
- Je ne l'avais pas vu depuis longtemps... Il rentre des Etats-Unis. Et toi ? Qu'est-ce que tu as fait ?
Le jeune homme parut gêné. Il esquiva la question en plantant son regard sombre dans ceux de la policière et par une pirouette :
- Peu de chose, en réalité. Mais c'est ce que tu as fait qui m'intéresse...
Julie étouffa un bâillement. Elle lui raconterait demain.
***
Yves et Julie se trouvaient face au fameux café du Carpe Diem. Il n'avait rien de notable, si ce n'est qu'une grande affiche était maintenant placardée sur la devanture pour marquer l'exploit de l'As. En entrant, les deux policiers retinrent un mouvement de surprise : pour une salle de réunion de l'Ent-Ric's Poker les locaux étaient relativement pauvres. Il n'y avait que quelques tables, peu de lumières, les murs blancs et sales rejetaient mal la lumière et le comptoir était à peine lavé.
- Il y a quelqu'un ?
Le barman jaillit de ce qui paraissait être la cuisine. Il eut lui aussi un mouvement de stupeur en notant les deux uniformes. Mais, avec un maintien et un ton très professionnel, il s'informa :
- Puis-je vous aider ?
- La salle de réunion de l'Ent-Ric's Poker, c'est bien ici ?
- Pas tout à fait, mais au sous-sol. Je vais vous y conduire.
- Je m'en doutais, marmonna Julie en descendant les escaliers.
Le contraste entre les deux salles étaient relativement frappant. La pièce éclairée aux néons paraissaient déjà plus lumineuses et gaies. Sur les murs, des affiches, toutes concernant le poker, apportaient quelques couleurs. On pouvait noter des cendriers en or sur le plateau de jeu, quelques trophées sur des guéridons d'époque Louis XV et des cadres au mur aux bords stylisés. Tout transpirait la richesse.
Julie, d'abord impressionnée, dévorait la pièce du regard. Mais très vite elle retrouva ses instincts de pro pour demander :
- Quelqu'un est-il entré dans la pièce depuis le coup de poker ?
- Non.
Esquissant un petit sourire satisfait, la jeune policière commença son inspection. Yves, derrière elle, la suivait en ronchonnant :
- Toujours les même qui font le boulot intéressant.
Sa réplique fit rire Julie. Elle était heureuse aujourd'hui : une enquête qui promettait d'être passionnante, un frère de retour, un fiancé épanoui et elle... Mais, se reprenant, elle pinça des lèvres pour ordonner :
- Note, Yves. Rien de suspect dans la pièce. Pas de fenêtre, une porte. Les chaises sont plus ou moins ordonnées. Il n'y a rien d'anormal dans la pièce. A part... Ces deux cartes sous le pied de la chaise du fond. Suis-moi, je vais voir...
Elle s'approcha, en sentant son cœur battre d'excitation. Elle voulait une preuve que l'homme n'était qu'un tricheur. Certes, le plus gros tricheur de Paris, mais non point l'idole qu'on imaginait dans les rues de la capitale.
Elle sortit de son sac des gants et une loupe avant de saisir les deux cartes. Il y avait là un deux de cœur et un as de pique, tout ce qu'il y avait de plus commun. Elle tourna les carte au dos et frémit en observant la signature.
- Peux-tu ranger cette carte dans un papier. Je garde le deux. Nous analyserons la signature et l'ADN de l'As.
Ceci fait, elle conclut que la salle avait dévoilé tous ses mystères. Elle adressa un léger signe de tête au barman pour le remercier et sortit de la pièce.
- Et maintenant Julie. Qu'est-ce qu'on fait ?
Yves l'observait avec curiosité. Bien qu'un peu jaloux, il avait toujours profondément admiré sa finesse. En réalité, elle l'impressionnait
- Maintenant il faut retourner au bureau. Et je vais demander qu'on analyse l'ADN, la signature et la provenance de ces deux cartes. Particulièrement l'as.
- Je vois... Et si les deux cartes ne viennent pas du même magasin, il y aura eu triche.
- Tu as tout compris, Yves, rit la jeune femme. Oh ! Regarde les journaux... On parle encore de l'As.
- C'est qu'il fait rêver.
- Un voleur, pourtant, ça ne fait pas rêver. Mais lui si.
- Pour tous, c'est un génie.
- Penses-tu que s'il a triché, il éprouve quelques remords ? Que sa conscience le taraude ?
- Ce ne doit pas être ce genre d'homme. Non, Julie. Pour moi c'est... C'est un homme intelligent qui sait ce qu'il fait et qui n'hésite pas. Quelqu'un torturé par sa conscience n'est pas sûr de lui. L'As est un génie. Il ne doute pas. Il fait rêver. Il se transforme en figure. Crois-tu qu'il ait le temps de douter ?
- Tu as certainement raison, Yves. Mais ma pensée se précisera au fur et à mesure de l'enquête. Il y a beaucoup de mystère autour de lui. Et avant tout : son objectif. Quelle cause demanderait de dépenser tant d'énergie ? Ah ! Nous arrivons... Viens. Suis-moi.
Ils passèrent par les laboratoires pour déposer les deux cartes en demandant une analyse précise et complète pour le lendemain avant de se rediriger vers les bureaux de la police.
Mais à peine avaient-ils traversé le hall d'entrée qu'un fonctionnaire accourut vers eux. Essouflé. Il avait entre ses mains tremblantes un article imprimé. Comme les deux policiers le fixaient avec attention, il lâcha de manière tout à fait incompréhensible quelques mots. Puis, comme on lui demanda de répéter, il gémit :
- Il semble que l'As ait renouvellé son exploit. Le commissaire vous demande d'accélerer l'enquête.
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Coup de Poker
Mystery / Thriller07 Octobre 2016 Le fait est relaté dans tous les journaux parisiens et amplifié par le bouche à oreilles. C'est l'événement du siècle car il est incroyable. On dit que plus de soixante-cinq milions d'euros auraient été remportés par un obscur inconn...