Coup de Poker

II

Julie posa sur la table une grosse pile de journaux dans un gros soupir. Elle était fatiguée d'avance de toute cette tonne de travail... Mais elle aimait ça !

Voilà deux jours qu'elle travaillait sur cette fichue affaire sans trouver aucun indice. C'était à en devenir fou ! Après ce soir où l'argent avait coulé à flots, il ne s'était plus rien passé.

- Bien ! Reprenons depuis le début ! Le poker semble être au centre de tout. Et effectivement, rien ne dit que les autres affaires aient un quelconque rapport avec celle-ci. Seul le vol au Super-U est illégal. Mais il serait relativement aisé de prouver que le reste l'ait tout autant. Et si l'As avait triché ? Et si le magicien avait volé son argent ? Et si le joueur de casino avait trafiqué la machine ? Et si quelqu'un avait soudoyé le jury pour que ce gamin gagne ? Certes, ce ne sont que des hypothèses mais les circonstances troublantes qui accompagnent ces faits tendent à étayer mes suppositions. Voilà pour l'aspect général. Ah ! Et dernière chose... Un As, le Roi Lion, la rue Notre-Dame, le Val de Grâce, le garçon de dix ans... Tout cela ressemble fort à une combinaison de poker. Et plus précisément la quinte flush royale, l'arme de l'As. Le poker est au centre de tout. Tout le reste n'est que diversion pour frapper les esprits. Du bluff !

Tandis qu'elle prononçait ces mots, elle entendit un cliquetis dans la serrure. Son fiancé pénétra dans l'appartement et émit un petit rire :

- Tu parlais toute seule, Julie ?

- Oui, je suis sur une nouvelle affaire, plutôt complexe d'ailleurs. Un joueur de poker qui aurait disparu sans laisser de traces. Nous soupçonnons quelque chose d'un peu plus louche derrière.

- Mais tu n'es pas censée t'occuper essentiellement des gros dossiers, toi ?

- Si mes hypothèses sont bonnes, on parle d'un vol de plus de cent millions d'euros, là. Si ce n'est pas une grosse affaire, je ne sais pas ce qu'il te faut.

Paul ouvrit de grands yeux. S'il s'attendait à ça !

- Oui, énumèra la policière... Soixante-cinq millions avec le coup de Poker, quarante-trois avec le bracage, vingt millions avec le casino, onze milions avec le magicien et un million pour le gamin. N'est-ce pas fantastique ? Et sais-tu quel chiffre nous atteignons en additionnant le tout...?

- Je n'ai pas l'esprit aux chiffres, Julie, tu m'excuses...

- Cent quarante milions !

La jeune femme avait les yeux brillants d'excitation. Elle paraissait passionnée par son affaire et déterminée à prouver que tout était lié.

- Or, poursuivit-elle avec fougue ! Si l'on donnait une valeur aux têtes cela fera onze pour le valet - au Val de Grâce, le magicien a gagné onze millions ; douze pour la dame, au casino le joueur a remporté vingt millions ; treize pour le roi et ici les quarante-trois millions se termine aussi par un trois ; et quatorze pour l'As. Cent quarante millions ! Paul, c'est une partie de poker et je compte bien la gagner.

- Je ne te savais pas passionnée autant pour le jeu.

- Eh bien je viens de me découvrir une passion.

- Je n'aime pas le poker... C'est toujours triche, bluff et hypocrisie. J'ai peur que tu ne te brûles les ailes, ma chérie. Tu ne sais pas où cela peut te mener.

- Pourquoi dis-tu cela ? En saurais-tu plus que tu ne veuilles me le dire ?

- Du tout, du tout ! Je m'inquiète. C'est que je t'aime. Enfin, si tu es sûre de toi, oublie ce que viens de dire. Tiens, as-tu de quelque chose de prévu ce soir ?

Elle lui adressa un regard contri, mais si charmant que Paul dut se faire violence pour ne pas se jeter sur elle et l'embrasser. Il la dévorait des yeux tant elle lui semblait parfaite.