XI

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- Ouvrez !

Les coups frappés de manière insistantes et énervés afolèrent Paul. Il hésitait entre se cacher ou leur ouvrir timidement.

- Ouvrez, c'est la police !

Le jeune homme pensa à sa fiancée. Était-elle la cause de ce raffut ? Mais il se décida à ouvrir. Aussitôt, trois policiers enfoncèrent la porte et le percutèrent. Il tomba :

- Qu'est-ce que... Que faites-vous chez moi ?

- Vous venez bien d'envoyer un mail à votre fiancée Julie, est-ce exact ?

- Oui, mais...

On le saisit brusquement par les aisselles, le releva et le menotta soigneusement. Il s'était mis à trembler.

- Qu'est-ce que j'ai fait ? Cria-t-il absolument désespéré.

- Comme si vous l'ignoriez, maugréa un de ses geoliers.

Et on le conduisit sans plus de façons au commissariat. Lui ouvrait de grands yeux terrifiés. Il n'osait pas bouger. Certes, s'il n'avait rien fait, il aurait été dans son droit de protester. Mais la violence avec laquelle on l'avait embarqué l'avait tétanisé.

***

Et pendant ce temps là, Julie s'était avachi sur son siège, le regard vide et sans expression, les traits mols et fuyants... Par moment, ses dents claquaient furieusement et terminaient en grincements terribles. Tout le commissariat frémissait alors et tournait un regard appitoyé vers la jeune femme.

Elle ne bougeait plus. En réalité, elle paraissait être retournée à l'âge d'enfants gâteux et indolents. Personne ne lui adressait la parole mais elle n'aurait pas réagi. Elle était perdue dans une douce rêverie utopiale.

À ses côtés, Yves pianotait rapidement sur les touches de son clavier, tout en jetant quelques fois un coup d'œil furtif à sa collègue. En son absence de réaction, c'était lui qui avait pris la commande des opérations. Il s'occupait actuellement d'approfondir toutes les recherches restées en suspens mais butait chaque fois contre un mur : l'As avait pris soin de balayer tous les indices.

Et par ailleurs, il contrôlait, grâce à son portable, l'arrestation de Paul. Il avait ordonné qu'on préparât une cellule, avait imprimé le mail et apporté les documents parlant d'ADN, des provenances des cartes et de la signature. Et enfin, il avait appelé Nicolas, témoin incontestable de l'enquête. Maintenant tout était prêt pour accueillir l'As.

Vers les six heures, Paul arriva. Lui aussi était absolument amorphe et mou. Il échangea avec sa fiancée un long regard vide, creux. Avant de buter contre la porte qui menait à sa cellule. On l'assit sur une chaise et il ne bougea plus, le regard absent, comme s'il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait.

Ce comportement étonna Yves qui s'était attendu à plus de résistance... Mais après tout ! S'il avait envoyé le mail, c'était qu'il avait souhaité se rendre.

Quelques instants plus tard, Nicolas arrivait. Lui avait le regard confiant et beau, la mine altière et l'air pressé des affaires. Son maintien détonnait dans ce petit bureau de police parisien. On le reçut avec élégance. Il sourit.

Julie lui lança un nouveau regard vide qui le fit sursauter et s'approcher. Il s'accroupit prêt d'elle, essuya une larme sur sa joue humide et lui sourit douloureusement. Il ne savait pas quoi lui dire...

- Nicolas ! Appela Yves.

Il sursauta et se releva brusquement pour se rendre dans la cellule. Son cœur se serra à la vue de Paul. Mais il se pinça les lèvres et ne dit rien.

- Paul ! Commença Yves en s'asseyant et déposant le paquet de documents sur la table. Venez-vous bien d'envoyer un mail à Julie ?

- Oui, mais...

- C'est bon. Est-ce ce mail que vous venez d'envoyer ?

Paul se pencha curieusement sur le papier et le parcourut. Il s'était mis à trembler terriblement.

- Non, non, je... Je... Ce n'est pas moi. Non, non, pas moi...

- Julie n'a pas reçu d'autre mail.

- Comment ?

Il paraissait tout perdu.

- Mais... Mais alors... Comment ? Mais !

- Vous comprenez qu'à ce jour vous êtes le suspect numéro un et cela de votre propre aveux. D'autres raisons étayent mes propos : Nicolas ici présent affirme vous avoir reconnu en l'As. Et moi-même vous ai apperçu rôdant autour du Carpe Diem du premier coup.

- Non, Yves, murmura Nicolas à l'oreille de ce-dernier... Je ne suis pas tout-à-fait sûr que ce soit lui... Il y a quelque chose qui cloche...

- Pas grave ! Lui répondit du même ton le jeune homme avant de reprendre plus haut : j'attends maintenant une réponce claire et nette. Êtes-vous l'As, tricheur, voleur, et certainement soudoyeur aussi ?

- Non ! Non ce n'est pas moi ! Non ! Moi je n'ai rien fait !

Le cri avait jailli avec tout le désespoir qu'il pouvait contenir. Les deux hommes eurent un frisson d'effroi. Puis il y eut un blanc où nul ne disait mot. Trois hommes tous attachés à une même femme, désireux d'en terminer avec une même enquête.

Et Julie pleurait dans la pièce d'à côté. Quelques larmes silencieuses qui mouillaient ses traits et la rendaient encore plus malheureuse. Un sanglot dans la gorge. On lui jetait parfois quelques coups d'œil avant de regarder vers la porte où se tenait l'interrogatoire. Julie pleurait.

- Assez ! Cria Yves furieusement. Avoue ! Ce sera plus simple pour nous et pour toi ! N'as-tu donc pas honte d'avoir maltraité ta fiancée ?

- Julie ? Articula Paul d'une voix blanche. Je...

- Écoute, Paul, intervint alors Nicolas. Moi je ne suis pas policier mais j'ai accepté d'aider l'enquête parce que j'ai quelques bases en poker. Il y a des choses que je souhaite comprendre et déjà t'y connais-tu en Poker ?

- Je joue régulierement dans un club. Ça je ne peux pas le nier, vous l'auriez découvert sans que je ne le vous dise. Je joue au Poker, aux casinos et au loto. Mais Julie ne le sait pas. J'avais envoyé ce mail, tout à l'heure, parce que je culpabilisais et voulais lui révéler.

- Ce dernier point reste à vérifier.

- Un joueur donc, répéta Nicolas. Eh bien jouons ! Je saurais bien deviner à travers tes gestes, ton attitude, ton bluff et tout ce qui fait la personnalité de l'As, si tu es ce tricheur ou non. Mais cette fois, nous n'aurons qu'un seul paquet de cartes. Voyons si tu réussis à tricher !

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Team Nicolas ou team Paul ? D'après vous, qui va gagner ?

Coup de PokerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant