- Ah !
Julie se débattait dans son lit, en proie à ses démons cauchemardesques. Ils l'assaillaient de toutes parts et elle se débattait en criant et gesticulant. Elle avait peur. Son cœur battait fort, très fort. Si fort ! Et elle criait. Et ils étaient là, et sanguinolents, et ricanant...
- Julie ! Julie ! Réveille-toi, nom de Dieu ! Mais Julie ! Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Elle émergea brusquement de sa torpeur, les yeux équarquillés jusqu'à l'effroi, les traits tirés par la fatigue et l'anxiété. Et la bouche ouverte en un "oh" muet.
- Julie... Murmura doucement Paul en s'approchant d'elle et lui prenant la main. Ça va aller... Ça va aller... Tu sais que je t'aime. Tu sais que je t'aime...
Elle ne répondait rien et haletait seulement. Comme une enfant, elle se pressa contre son fiancé. Il sourit :
- Ça va aller...
- J'ai peur, Paul !
- Il faut que tu sois courageuse.
Le jeune homme était gêné. Après la soirée de la veille où la jeune femme avait laissé s'échapper l'As, il savait que tous lui tomberaient dessus et que ce ne serait pas pour l'aider. Elle avait failli à sa mission et ne s'en sortirait pas facilement.
***
Au matin, à l'aube, Yves recevait un appel téléphonique. Il décrocha :
- Allo ?
- Oui, c'est Nicolas, le frère de Julie.
- Oui, il y a un problème ?
- On peut dire ça... Mais il fallait que je te prévienne avant Julie. C'est... C'est délicat.
- Est-ce que c'est à propos de l'As ?
- Oui et... Je ne sais pas comment te dire ça.
- J'ai peut-être deviné. Nicolas ? L'As, c'est Paul ?
Il y eut un blanc au bout de la ligne téléphonique. Le jeune homme ne savait pas quoi répondre. Il était surpris, certes, qu'Yves soit déjà au courant. Et s'émerveillait du talent de déduction des policiers.
- Pour Julie, reprit Yves douloureusement, je lui dis tout-à l'heure. C'est fantastique ce que le hasard peut faire...! C'est absolument délirant ! Vois-tu, j'ai encore du mal à m'en convaincre...
- J'ai passé toute la nuit sans parvenir à trouver le sommeil. Je m'inquiète pour Julie et le mal que cela lui fera.
- Es-tu sûr de l'avoir bien reconnu, Paul ?
- Non. Je le connais mal. Il est possible que je me trompe. Tu sais, si c'est lui, je ne le méprise pas. Non je suis impressionné par son talent. Impressionné par son aisance et son pouvoir de séduction...
- Si tu n'en ais pas sûr, Nicolas, gardons Paul comme suspect et non coupable. Je verrais tout à l'heure Julie pour l'avertir. C'est délirant.
- Oui...
Nicolas finit sur une note songeuse et presque troublée par la tristesse. Lorsqu'il raccrocha, le frère de la jeune policière resta longtemps pensif, assis sur son lit tristement. L'As avait-il abattu toutes ses cartes ?
***
- Vous le teniez.
- Ce n'était pas si simple...
- Il vous a échappé.
- Nous n'avions aucun signalement. Nous ne savons toujours pas à quoi il ressemble.
- Vous étiez nombreux à encercler le café. Vous pouviez mettre en place un barrage.
- Mais que voulez-vous faire quand nous mêlons le Fantastique au Réel ? Pouvions-nous nous attendre à nous trouver face à une dizaine de jeunes gens surentraînés à l'escalade ? Est-ce simplement imaginable ? Ils ont escaladé le bâtiment. Mince ! Escaladé ! Est-ce que vous pensiez cela possible ?
- En attendant votre enquête n'avance pas.
- Mon frère était dans la salle. Il a vu l'As. Nous allons pouvoir établir un portrait-robot.
À ces mots, Yves toussota légèrement. Le commissaire et Julie se retournèrent furieusement vers lui. Il blêmit.
- En réalité, moi j'en sais plus. Nicolas et moi avons une hypothèse sur l'identité exacte de l'As.
Il se tut et blêmit encore. Il était devenu si faible qu'il dut s'asseoir sur une chaise pour ne pas s'afaler au sol. Ses membres tremblaient. Il perdait toute contenance.
- Allez-vous bien ? S'inquiéta le commissaire.
- Oui, je... Ça va aller.
Il se ressaisit et déclara d'une voix voulue ferme :
- Ne prenez pas de mesures radicales. Il faut prendre cette annonce avec des pincettes. Julie, tu sais qu'on est avec toi et qu'on veut tout faire pour toi. Nous pensons que l'As et Paul le fiancé de Julie... Ne sont qu'une seule et même personne.
La jeune policière eut un petit rire. Non, elle n'y croyait pas. Mais quand elle saisit toute l'ampleur qu'avait un tel discours et devant le commissaire, elle émit un léger cri.
- Prouve-le moi.
Il lui dit ses raisons de penser. Elle devint plus pâle qu'une morte et se sentit prise de vertiges.
- Je ne te crois pas. Je ne te crois pas. Je ne te crois pas.
Elle tomba en arrière. Le commissaire la retint de justesse et lui apporta un siège pour qu'elle reprenne ses esprits.
- Je ne te crois pas.
Alors le commissaire, pinçant des lèvres pour exprimer son embarras, appuya les dires d'Yves :
- Il faut pourtant l'admettre, Julie.
- Rien ne dit qu'il soit coupable, rétorqua-t-elle d'une voix blanche.
- Il est suspect : il faut éclaircir ce point.
- Julie, ajouta Yves dans un sourire. Tu l'as dit toi-même l'As est une légende. Paul...
- N'est que mon fiancé. Il n'a pas le charisme de l'As. Ce n'est pas lui.
Le commissaire soupira avec lassitude. Ce jeu commençait à le lasser. Il se tourna vers les deux policiers pour leur ordonner d'une voix sèche :
- Vous avez une piste. Dans deux semaines, il nous faut passer à une autre affaire.
Le cœur de Julie se serra. Mais elle était résolue à faire éclater la vérité au grand jour. Il était inconcevable que l'As fût Paul.
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Coup de Poker
Mystery / Thriller07 Octobre 2016 Le fait est relaté dans tous les journaux parisiens et amplifié par le bouche à oreilles. C'est l'événement du siècle car il est incroyable. On dit que plus de soixante-cinq milions d'euros auraient été remportés par un obscur inconn...