Julie était exténuée... Elle avait passé sa journée à faire ses recherches et maintenant que la nuit tombait, elle n'avait qu'une hâte : se coucher.
Mais en pénétrant dans l'appartement, elle eut la surprise de voir une lumière dans le salon. Son fiancé n'était pas là : parti chez ses parents pour souffler un peu. Et elle ne se souvenait pas avoir laissé une lampe allumée en partant.
Elle vit un homme se lever d'un fauteuil et s'approcher d'elle. Il était encore dans l'ombre. Elle ne pouvait deviner ses traits. Mais lorsqu'il parvint jusqu'à elle et qu'elle reconnut Nicolas, elle sentit son cœur s'accélérer subitement.
- Nicolas !
Il lui prit les mains et y déposa un baiser.
- Julie.
Ils s'échangèrent un long regard : elle effarée et lui d'un calme olympien. Effrayant !
- Nicolas, répéta-t-elle doucement. Que fais-tu ici ?
- Je venais te voir. Voir si tu allais bien.
- Oui... Oui je vais bien. Mais sais-tu que tous te cherchent ?
- On me cherche ?
Sa voix prit un ton las pour déclarer :
- Soit.
Il fit signe à sa sœur d'aller s'asseoir dans le salon. Elle le suivit sans trop comprendre ce qu'elle faisait. Il boitait, mais la jeune policière n'y prit pas garde. Longuement, ils restèrent sans rien dire. Puis Julie murmura :
- Tu nous avoueras tout ? Tu nous diras tout ?
- L'As n'est coupable de rien alors que dois-je vous avouer ?
- Il a volé.
- Il a volé.
Et Nicolas garda une nouvelle fois le silence, comme s'il était ailleurs. Le regard dans le vide et songeur. Julie se pinçait les lèvres.
- Nicolas ?
Il releva la tête.
- Je ne comprend pas, murmura la jeune policière.
- Bien, soupira-t-il. Tant pis ! Emprisonne-moi ! Menotte-moi ! Interroge-moi !
Il tendit ses mains en avant d'un air résigné. Julie, intriguée, hocha négativement la tête.
- Si tu me dis tout, je n'ai pas besoin de te menotter. Juste de t'enregistrer.
Le jeune homme acquiesça silencieusement et replongea dans ses pensées. Après quelques secondes d'hésitation, Julie se leva pour aller chercher un magnétophone.
- Vas-y, murmura-t-elle une fois prête.
- Je vais te raconter une histoire. Nous avons toute la nuit et autant que tu saches tout...
" Quand nous étions jeunes et que nous vivions tous les deux et nos parents dans un petit appartement assez pauvre en banlieue parisienne... J'étais heureux. Je me souviens que j'avais des difficultés à l'école. J'étais timide et assidu. Mais ma mémoire refusait de fonctionner correctement. Maman m'emmena chez un psychologue et il s'avéra que j'étais loin d'avoir un QI sous-développé, j'avais au contraire de grandes aptitudes mais inégalement réparties. Ma mémoire visuelle était particulièrement développée.
" Lorsque j'atteignis mes neuf ans, ils eurent un accident. On nous conduisit dans un orphelinat où tu ne restas pas longtemps et fut rapidement émancipée. Puis tu devins policière où ta sagacité fut rapidement remarqué. Moi j'arrêtai mes études.
- Nicolas... Tu n'étais pas au lycée ?
- C'est ce que tu as toujours cru. Non je n'étais pas au lycée. Je m'étais découvert une passion pour le Poker et un grand joueur que j'appelais Oscar m'initiait à la triche. Je quittais tous les soirs ma chambre en passant par la fenêtre pour rejoindre le club. Je devins vite adroit. Je possédais des techniques de bluff incroyables et un doigté pour la triche inné. Ma mémoire visuelle me permettais aussi d'enregistrer les cartes dans mon esprit à une vitesse fulgurante. Je connaissais les jeux de tous. Toi, tu savais que je jouais au Poker.
- Mais jamais je n'aurais pu croire que tu y passais ta vie. Et tu es parti aux Amériques.
- Oscar m'a proposé un contrat assez fantastique que j'ai de suite accepté. Je t'ai fait passé cela pour mon premier contrat d'embauche en tant que traider. Mais tu étais obnibulée par ta carrière. Tu m'as laissé partir. Oscar payait le voyage. Et j'ai commencé une carrière assez incroyable au fond des quartiers de New York. Je suis devenu riche. À la mort d'Oscar, tué par un gang mafieux, je suis devenu puissant. Et j'ai voulu retourner en France."
À cet endroit du récit, il fit une pause et se laissa envahir par la nostalgie. Il joua un instant avec un stylo avant de poursuivre d'une voix plus douce.
- Quand j'étais gosse et que, tout caché sous ma couverture, je tentais de trouver le sommeil, je m'imaginais un futur glorieux. Je voulais être célèbre. Je voulais être riche. Mais je voulais surtout être unique. Parce que c'est notre originalité qui fait notre valeur. J'aimais le Poker plus que tout. C'était comme l'encre de l'écrivain, pour moi. C'était une addiction. Et j'ai pensé au rêve. J'ai pensé à tous ses pauvres gamins qui rêvent de gloire et de bonheur. Je crois que je n'ai pas perdu mon âme d'enfant, Julie. Je joue encore.
"J'ai voulu faire de ma vie une partie de Poker. J'avais des amis, de l'argent, des relations. Et il y avait toi. Je voulais t'impressionner.
- Tu m'as impressionnée.
- Je voulais devenir un symbole. Moi, le petit garçon qui se cachait sous les tables pour aider les tricheurs. Moi, le petit orphelin battu parce que je fuyais la nuit. Moi. Et je savais quel était mon point fort. Le Poker, c'est un art et je le maîtrisais mieux que quiconque. J'ai voulu jouer, Julie. Alors j'ai joué.
Il fit une pause pour reprendre son souffle et poursuivit de la même voix basse et égale.
- As-tu aimer ma première blind ? As-tu aimer les différentes parties que je t'ai joué où j'abaissais chaque fois une carte différente ? As-tu aimé mes coups de Poker ? As-tu aimé mon bluff ?
- Nicolas, Nicolas... Que dis-tu ? Nicolas, que dis-tu ? Que dis-tu ? Dis-moi que tu n'as pas jeté ses cartes au vent ? Qu'il y a une raison derrière tout cela ?
- Je t'effrayerai si je te disais qu'il n'y en a pas. Il y en a une pourtant mais qui n'explique pas tout. Il y en a deux. Oui, il y en a deux.
Il prit un air songeur encore une fois. Inspira profondément et déclara :
- Je suis Robin des Bois, le héros de mon enfance. Cet argent n'est pas pour moi mais pour l'orphelinat.
- Et la deuxième raison, murmura Julie d'une voix blanche ?
Il se leva d'un coup et sortit de sa poche une carte qu'il posa brusquement sur la table basse. Puis il sortit en coup de vent.
Julie prit la carte : c'était un neuf de cœur.
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Coup de Poker
Mystery / Thriller07 Octobre 2016 Le fait est relaté dans tous les journaux parisiens et amplifié par le bouche à oreilles. C'est l'événement du siècle car il est incroyable. On dit que plus de soixante-cinq milions d'euros auraient été remportés par un obscur inconn...