IX

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Julie se leva, ce matin-là, de fort mauvais poil. Surpris par son humeur maussade, Paul chercha à lui rendre le sourire par mille et mille petites attentions. Cependant, loin de l'attendrir, elle n'en devint que plus furieuse. Il lui jetait des regards surpris et parfois amusés. Elle ne répondait rien et grognait seulement.

- Julie... Viens, là ! Près de moi.

Elle eut un éclair dans ses beaux yeux ambrés et se leva subitement de table.

- Il faut que j'y aille.

Elle fut d'humeur bougonne jusqu'au bureau, pestant contre ces fichus provinciaux qui n'avançaient pas...! Puis elle s'affala devant son ordinateur sans même adresser un bonjour à qui que ce soit.

On lui jeta des regards surpris et tout aussi énervés. C'est qu'elle fatiguait ! Yves décida même de la laisser un peu tranquille, le temps qu'elle se reprenne et retrouve ses instincts professionnels.

Cependant, loin de se calmer, on l'entendit pousser un cri de surprise. Elle venait de tomber sur la note et la dévorait, les yeux écarquillés par la surprise et la colère. Elle s'était mise à trembler et ses membres étaient tout crispés prêts à éclater sur le premier objet venu. Puis sa face se décomposa, esquissant une grimace monstrueuse. Elle se leva brusquement en criant un " J'en ai assez !" retentissant. Et quitta subitement les bureaux.

Tous tournèrent la tête lorsqu'elle claqua la porte et les murmures ne s'éteignirent réellement que lorsque le commissaire vint lui-même voir ce qui se passait.

- C'est Julie, monsieur. Elle est à bout, expliqua un fonctionnaire.

- Habituellement, elle ne réagit pas de la sorte, s'étonna Yves. Vous permettez que j'aille voir ?

- Je vais d'abord jeter un coup d'œil à son écran, Yves. Nous verrons ensuite, l'interrompit son patron.

Et quelle ne fut pas sa surprise en découvrant la lettre ! Il la parcourut rapidement des yeux avant de se lever en murmurant :

- Eh bien, cher As, vous avez le mérite d'être bien adroit.

Yves se pencha à son tour sur la lettre, puis tourna un regard inquiet vers son supérieur.

- Vas-y Yves. Et... Je sais bien que ce n'est pas ainsi que l'on console les cœurs mais dis-lui que je la comprends et que si elle réussit parfaitement l'enquête, je lui donne une augmentation.

Le jeune homme acquiesça et passa la porte pour la rejoindre. Elle s'était assise dans la cour de l'immeuble, son visage enfoui entre ses bras. Elle sanglotait doucement.

Il s'assit à côté d'elle et commença à jouer avec ses doigts. Sans rien dire. Elle lui jetait des regards furtifs en biais et tentait de réfréner ses pleurs.

- Ce n'est pas Paul.

- Il s'agit de le prouver, Julie. Tu as un défi à relever.

Elle se redressa et reprit un air grave et une voix profonde pour dire :

- Il dit qu'il est bon. Il dit qu'il est généreux. Il dit que c'est un justicier. Il dit qu'il est fort. Il dit que je suis infidèle. Je sais bien qu'il veut m'abattre. Je ne pleure pas parce qu'il est meilleur que moi : je sais que je suis une policière qui a toujours fait du mieux qu'elle pouvait. Non, si je pleure, c'est parce que j'ai peur pour Paul. Et que je doute...

- Tu n'as pas à douter. Juste à foncer. Nous avons exploré déjà de nombreuses pistes. Mais ce n'est pas terminé. Il laisse des indices à foisons et je ne doute pas qu'il se trahira bientôt.

- Toi, reste comme tu es. Parce que si l'As venait à t'attaquer, toi aussi, je crois que je mourrais.

Sa voix grave avait mué en un ton plus léger. Elle rit. Yves sourit à son tour et se leva en annonçant :

- Et le commissaire est indulgent : si tu vas au bout de l'enquête tu auras une augmentation.

Ils revinrent devant leurs ordinateurs et continuèrent les recherches commencées sur les cartes et les journalistes. Ils apprirent une circonstance étonnante : chaque fois d'un coup de poker était joué, un homme s'inflitrait dans les locaux par des moyens chaque fois différent et ajoutait une page au journal. Chaque fois, l'incident avait lieu dans des journaux différents ce qui fait que nul n'avait fait le rapprochement.

- Et je suppose, murmura pour elle-même Julie, que le A des initiales est le début de As. Eh bien nous avançons. Mais si nous continuons ainsi, nous allons bientôt tomber dans une impasse.

Yves s'approcha, la mine inquiète, et dit :

- Le Poker a beaucoup joué dans cette affaire. Mais, bien que nous ayons retrouvé la piste du voleur du Super-U, nous avons nulle trace des autres parties de l'enquête. Certes, nous avons cherché l'identité du gamin, qui vient d'une famille lambda, trop simple pour avoir quelque rapport avec l'As. Nous avons cherché le magicien, absolument évaporé dans la nature. Et le joueur de casino a été retrouvé mort dans la Loire : on parle de suicide bien que j'en doute sérieusement. Mais l'As n'a plus refait de vol concret, ni quoi que ce soit autre que du Poker. Je me demande même si toutes ces affaires étaient vraiment liées.

- Je comprends parfaitement ton raisonnement. Et je vais te répondre avec le mien : le coup qu'il a réalisé il y a de cela une semaine était fort complexe. Mais tout tendait à cibler vers le Poker uniquement. Il a réalisé trois nouveaux coups de Poker, cette semaine. Il les enchaîne et cela demande beaucoup d'effort. On remarque qu'il cherche à concentrer nos efforts là-dessus. J'ai vu ce matin que les journaux ne parlaient que de cela. On m'a même demandé une interview pour expliquer où en sont nos recherches. J'ai refusé. Mais comment te dire que les gens sont impressionnés par cet homme ? Qu'il les fait rêver ? Et dans ce monde de desillusions, combien est doux le rêve ! Il est apprécié. Il est célébre. Il est riche. C'est un génie. Tous n'ont d'yeux que pour lui et c'est par le Poker qu'il y parvient le mieux. Mais il a besoin d'argent. Je ne sais pas pourquoi. Il a besoin d'argent et il le cherche là où il en trouve le plus. Vois-tu, si un nouveau vol extraordinaire était commis, cela ne m'étonnerait même pas.

Une sonnerie retentit sur son portable. Curieuse, elle jeta un coup d'œil et émit un petit rire :

- Eh bien ça ! Il semble que j'ai prophétisé ! Quelques dizaines de milions volés dans la banque à côté du club de Poker où nous étions, il y a deux jours...

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J'avance vite parce que ce sont de tous petits chapitres... N'hésitez pas à commenter et voter.

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