Point de vue inconnu

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"Quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit se préoccuper que de la meilleure façon d'aller de l'avant." Paulo Coelho

-Point de vue inconnu-

Comment le lui dire, sans que ça ne la détruise ? On est tellement proche, elle et moi. Je ne vais pas pouvoir supporter de la voir souffrir. Pourquoi la vie est-elle si compliquée ? Même si, je pensais déjà connaître pas mal de chose sur la vie, celle-ci me surprend encore. Je sais que le lui avouer va être traumatisant pour elle. Elle est si fragile. Mais de toute façon, elle l'apprendra tôt ou tard. L'inévitable va bientôt arriver comme une sentence pour moi. Je suis quand même bien entouré, mais le lui dire sera la pire chose que je devrais faire dans ma foutue vie. Je ne sais vraiment pas comment le lui annoncer. J'espère qu'elle n'a aucun doute. Elle est tellement naïve, qu'elle ne l'aura peut-être même pas remarqué.

Toutes les personnes, qui sont dans la même situation que moi, comprennent à quel point il est dur de blesser les personnes que l'on aime. Mais, ce n'est pas comme si j'ai eu le choix. Je ne sais pas comment elle réagira, si elle va crier, si elle va pleurer, si elle va se taire, si elle va me taper. Elle aurait le droit de faire tout ça. Je la comprendrais. C'est comme si je l'abandonnais. Je m'en veux tellement. J'en veux au monde entier de ne pas pouvoir faire quelque chose. J'en veux surtout à ce Monsieur David, chez qui je me rends encore aujourd'hui pour notre dernier rendez-vous.

J'attends déjà depuis un certain temps dans la salle d'attente, seul parmi d'autres personnes. Certaines pleurent, d'autres essayent de rester sereins, d'autres sont comme moi, dépiter de revenir une énième fois ici. Si on m'avait dit plus tôt que cet endroit allait être celui où je passerais le plus clair de mon temps, je ne l'aurais pas cru.

— Monsieur venez, je vous prie, me dit l'homme que je côtoie depuis maintenant quelques mois.

J'aurais aimé ne jamais le connaître. Il a beau être gentil et essayer de dédramatiser la situation, ce n'est pas lui qui la vit. Il a beau me dire "je comprends ce que vous ressentez", c'est que des conneries ! Personne ne me comprend mieux que moi-même.

Je le suis à travers le bâtiment jusqu'à son bureau. Celui-ci est toujours aussi austère et lugubre que la première fois que je suis venu. Il n'a même pas fait l'effort de mettre des couleurs un peu plus joyeuses pour qu'on se sente plus à l'aise. En même temps, qu'est-ce que lui en a à faire de mon mal-être face à cet endroit ? Il n'est même pas fichu de m'aider, de nous aider !

Aujourd'hui, je décide de m'y rendre seul. D'habitude, je suis toujours accompagné pour aller chez lui, chez ce Monsieur David. Depuis tout ce temps, je pourrais même l'appeler par son prénom. Il n'y verrait aucun inconvénient, ce n'est pas comme si j'allais le revoir de sitôt. J'ai décidé que ce serait l'une des dernières fois où je viendrais le voir. On m'a dit que de toute façon, il était trop tard. Comme si ce monsieur, de la taille d'un microbe au sein de l'univers, pouvait se permettre de me dire que j'étais fini. Et si moi, j'avais encore envie d'y croire. Et s'il existait encore des réponses ailleurs que chez lui. Et si d'autres personnes pouvaient encore m'aider.

— Le but d'aujourd'hui est de vous accompagner dans vos démarches. Je dois d'abord savoir si vous le lui avez dit ? Car il me semble qu'il ne reste plus qu'elle.

— Non pas encore, dis-je avec un regard abattu.

— Vous savez qu'il faudra bien le lui dire un jour, me répond-il avec une voix très paisible comme si notre discussion était tout à fait normale.

— Je le sais très bien, mais vous croyez que c'est facile à dire ?

— Non, je comprends bien que c'est compliqué...

— Justement, vous ne pouvez pas comprendre Monsieur David, c'est bien là le problème ! Dis-je en haussant la voix.

Cette situation commence à m'agacer au plus haut point.

— Il sera bientôt trop tard pour le lui avouer. Je sais que vous avez une relation particulière, mais si elle ne le sait pas avant la date prévue, ce serait peut-être pire.

— De toute façon, c'est déjà trop tard comme vous le dites, j'aurais dû lui dire les choses bien plus tôt.

— Comme quoi ?

— Je ne lui ai jamais dit, je t'aime pour commencer. Même si, je sais qu'elle s'en doute, je ne lui ai jamais dit à voix haute. C'est très dur d'avouer ses sentiments, vous ne trouvez pas ?

— Je suis du même avis que vous. Mais je pense qu'il serait bien de le lui dire. Sinon elle se demandera toute sa vie pourquoi vous ne lui avez pas dit. Je vous conseille de ne pas lui cacher plus longtemps votre secret. J'ai déjà eu des cas tel que le vôtre et généralement la personne ne comprend pas pourquoi on lui cache quelque chose de cette envergure. Imaginez-vous à sa place, qu'est-ce que vous en penserez si l'on vous cachait un si lourd secret.

-—Je pense que je comprendrais que c'était pour me protéger d'une certaine manière.

- Et ne pensez-vous pas qu'elle se dirait que c'est totalement idiot de le lui cacher pour éviter qu'elle souffre alors qu'elle pourrait tout simplement passer un maximum de temps avec vous en attendant ? Qu'elle se dirait que si elle avait été avec vous durant tout le processus peut-être que ça se serait passé autrement. Plus tard, elle pourrait s'en vouloir de n'avoir rien pu faire, n'avoir pas pu vous aider. Les personnes réagissent de différentes façons. On ne sait pas vraiment ce qu'ils pensent au fond. De toute façon, vous allez la trahir d'une certaine manière, mais attendre le dernier moment sera sans doute encore plus dur pour elle. Elle aurait pu s'y préparer bien plus tôt, mais là à quelques semaines ou jours, c'est déjà trop tard pour qu'elle comprenne, pour qu'elle réalise. Le jour où votre secret aura disparu, vous aurez disparu avec lui. Gardez ça pour vous et ceux qui vous entourent et ne pas le lui dire sera comme une trahison pour elle, qui est la seule à ne pas être au courant. Je ne veux pas vous faire culpabiliser, on en parle déjà depuis quelques semaines, mais je pense qu'il aurait été préférable de le lui dire bien plus tôt.

— Mais vous pensez que c'est facile d'annoncer ça ? Vous pensez que le dire aux autres m'a permis de me sentir mieux ? Bien au contraire, j'ai déjà anéanti plusieurs personnes, je ne veux pas anéantir Maylis. C'était déjà assez dur de le dire aux autres. Je ne veux faire de mal à personne, vous comprenez, ce n'est pas ma faute ! dis-je en pleurant à chaudes larmes.

Pourquoi est-ce que tout de suite, on pense que c'est moi qui trahit les autres, je n'ai rien demandé, ça m'est tombé dessus comme ça. Ça aurait très bien pu vous arriver à vous aussi. Mais non, il a fallu que ça tombe sur moi. Je ne comprends pas .....

— Je sais Monsieur.. Je suis vraiment désolé pour votre peine, mais je suis là pour vous aider. Dites-le lui le plus tôt possible avant qu'il ne soit trop tard et qu'elle le comprenne d'elle-même.

—Je vais essayer, dis-je en me relevant de mon fauteuil.

Je prends au passage plusieurs mouchoirs qui se trouvent sur son bureau. C'est bien la seule chose utile qu'il y a ici. J'essuie mes yeux pour masquer mes pleurs et ne pas montrer aux autres que je ne suis qu'un faible. Même si au fond de moi, je le sais, j'en suis un. Durant tout ce temps, les personnes qui m'ont entouré, m'ont toujours dit que j'étais un battant, mais au final dans cette histoire les battants, c'est peut-être ce qui reste, car au fond si je pars, il ne reste plus qu'eux. Et ce sont eux qui vont devoir vivre avec.

— Au revoir Monsieur ...

— Ce n'est pas la peine de me dire au revoir, je le sais déjà. Bonne continuation à vous Monsieur David j'espère que votre vie sera meilleure que la mienne, lui dis-je en lui coupant la parole.

— Je suis vraiment désolé, bonne chance.

Je sors de son bureau en ayant l'air fort, en ayant l'air heureux même si toutes les personnes assises devant moi qui attendent un rendez-vous ne sont certainement pas heureuses d'être là.

L'envol du papillon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant