Chapitre 26

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" Les apparences sont souvent trompeuses. "

Le trajet du retour est assez fastidieux. J'ai tellement peur d'être seule la nuit au sein d'un endroit inconnu que je me mets à paniquer presque immédiatement. J'entame une course à vive allure en prenant la même direction que j'ai prise pour me rendre ici. Seulement, mon sens de l'orientation me fait défaut puisque au bout de dix minutes, je suis totalement perdue à l'opposé du campus. Pour retrouver mon chemin, j'arpente les rues de Los Angeles en regardant les panneaux de circulation, un peu comme mon père le ferait.

Sur le moment, je n'ai pas du tout penser à allumer le GPS de mon téléphone. J'aurais pu économiser la seule énergie qu'il me reste. Cependant, en reconsidérant la situation, je me dis que j'ai fait mon sport pour une année entière avec ma course d'une demie-heure pour me retrouver sur le campus. 

Une fois devant les bâtiments de la fac, je me sens en sécurité, plus rassurée de connaître les lieux. Mais cette sensation n'est que de courte durée, comme il fait toujours aussi noir, je flippe à l'idée de tomber sur des gens un peu étrange. Je continue d'accélérer le pas pour me rendre à l'intérieur de mon appartement. 

Cette petite soirée dans ce bar m'a fait beaucoup de bien au moral. Certes, ma vie n'a pas changé, mon papa ne va pas réapparraître, mais ne plus l'évoquer ne serait-ce que quelques heures me fait prendre conscience que je reste la même personne même s'il n'est plus de ce monde. Je suis Maylis et je le resterai quoiqu'il arrive. Néanmoins, je sais que j'aurais un tout autre discours dans quelques secondes. 

J'entraperçois de la lumière s'échapper sous le bas de la porte de chez moi. Kate a dû regarder un film un peu plus tôt dans la soirée et s'être endormie devant comme à son habitude. Je ne suis toujours pas prête à la revoir ni à croiser quelqu'un que je connais et surtout qui connaît ma situation actuelle. Les regarder avoir pitié de moi me fait mal au cœur et me rend encore plus triste et énervée que je ne le suis déjà. 

J'entre alors sur les pointes des pieds en faisant attention à ne pas la réveiller. Après avoir fermé tout doucement la porte d'entrée, je me fais toute petite en prenant la direction de ma chambre. Cependant, quelque chose cloche, des habits qui ne sont pas à Kate se trouvent sur la chaise de la cuisine, des habits qui n'appartiennent pas non plus à Guilhem, des vêtements que je reconnais assez facilement pour les avoir observé un bon nombre de fois. 

Qu'est-ce qu'il fait encore ici à cette heure-là ? Je sens la colère monter en moi que je me retourne brusquement pour observer les deux personnes sur le canapé afin de confirmer mes soupçons. Kate semble parfaitement endormie contre l'épaule d'Ethan qui l'est tout autant. Je n'ai qu'une envie, c'est de pleurer encore plus. Comment peut-elle me faire ça ? Elle sait très bien que je suis attirée par lui depuis un certain temps et en plus mon amie est en couple. Après m'avoir caché la maladie de mon père maintenant elle me pique Ethan. Elle enchaîne les coups-bas à croire qu'elle veut me faire du mal.

Sur le coup de l'énervement, je fonce vers ma chambre en laissant tomber mon idée de ne pas faire de bruit. Tant pis pour eux, j'espère que je vais perturber leur sommeil. Je me mets alors à pleurer toutes les larmes de mon corps, je le fais constamment depuis quelques jours, mais cette fois-ci pas pour les mêmes raisons.

Je ne sais plus quoi penser, quoi faire. Il faut que je perde mon père pour que dans les jours à suivre, je perde aussi ma meilleure amie. Je perds tout le monde. À ce rythme-là, je vais finir l'année toute seule.   

— Maylis, murmure une petite voix derrière mon dos. 

Ethan ne devait dormir que sur une oreille pour être aussi rapide dans ses mouvements et me rejoindre presque instantanément au niveau de ma chambre dans laquelle je suis rentrée quelques secondes auparavant. 

— Quoi ? demandé-je sur un ton sec et rempli de tristesse.

— Ne t'enfuis pas s'il te plaît. Je sais que ce que tu traverses n'est pas facile, ni même pour ton frère. Seulement, pense que nous aussi on est là pour toi. Quoiqu'il se passe, Cameron sera là pour toi, il ne remplacera pas ton père, mais il ne t'abandonnera pas. 

— Je m'en fous de mon frère, tout ce que je veux, c'est mon papa ! Et puis pourquoi tu viens me parler, fiche moi la paix, lui crié-je dessus avant d'essayer de fermer ma porte. 

Toutefois, Ethan maintient fermement la porte avec ses pieds. Son regard est tellement puissant de colère que je n'ose pas l'affronter plus longtemps et je baisse instantanément les yeux. Il ne s'en rend pas compte, mais c'est une personne que l'on peut comprendre directement sans qu'il nous dise le fond de sa pensée. C'est ce que j'aime chez lui, sa manière de nous dire les choses sans prononcer le moindre mot, néanmoins pas dans ses circonstances.

— Tu sais, tu peux me crier dessus, je comprends que tu puisses être aussi furieuse contre tout le monde, mais Kate ne t'a rien fait. À sa place, qu'aurais-tu fait ? Je te rappelle qu'elle n'a pas demandé à le savoir avant toi et c'est pareil pour ton frère. Aucun des deux ne voulait te le cacher. Néanmoins, Cameron ne désirait pas décevoir ton père en te l'avouant. Il était au milieu d'une impasse et dans tous les cas, l'issu aurait été la même, tu ne penses pas ? Tu aurais été déçu donc il a fait ce qu'il lui pensait juste. Il n'a pas déçu son père, il a respecté son dernier souhait et je pense que tu peux comprendre son choix, me dit-il d'une voix très calme tout en faisant des cercles avec ses doigts autour de ma paume. 

— Non justement, je ne comprends pas, comment mon propre frère n'a pas pu le partager avec moi. J'aurais pu profiter de mon papa un maximum et là, ce n'est clairement pas le cas. 

— Parce que tu aurais mieux profiter de ton père si tu savais qu'il était malade ? Franchement, arrête de te voiler la face, on ne peut pas profiter alors qu'on sait que c'est bientôt la fin. Tu n'aurais pas pu le regarder dans le blanc des yeux et lui parler de truc futile comme la pluie et le beau temps sans penser à la maladie qui le rongeait. Ton père n'aurait pas voulu que sa fille lui parle constamment de son cancer comme le font tous les médecins avec lui. Tu étais un peu son issue de secours à la vie, la seule personne qui ne mesurait pas l'acte de ses paroles, la seule personne qui allait lui parler comme à quelqu'un de normal sans voir la maladie derrière. Tu comprends ce que je veux dire ? 

— Non ! Fiche moi la paix, je te dis. Casse toi bordel ! Laisse moi tranquille, crié-je de plus belle en pleurant toutes les larmes de mon corps. 

Je devine parfaitement ce qu'il essaye de me dire, mais je n'ai pas envie de l'écouter. Je n'en peux plus, je suis à bout de nerfs. J'avais réussi à oublier partiellement mon père le temps d'une soirée et voilà que dès que je rentre, on me rappelle que mon papa ne reviendra plus. Je crois que je suis au courant, merci ! 

Ethan s'apprête à s'en aller quand il se retourne vers moi une dernière fois. 

— Je vois ce que tu peux ressentir, mais ne laisse pas ta meilleure amie dans cet état-là. Tu aurais pu lui dire ce que tu as fait ce soir et la prévenir pour ne pas qu'elle s'inquiète.

— Justement, tu ne comprends pas et c'est ça le problème. Je ne suis plus une gamine. J'ai le droit de faire ce que je veux quand je veux et surtout avec qui je veux, sans que personne ne soit au courant. Je ne vous demande pas ce que vous avez fait. Alors foutez moi la paix une bonne fois pour toute. 

Sur ces dernières paroles, je l'observe attentivement pour voir sa réaction. Cependant, à mon grand étonnement, il ne réagit même pas. Il ne semble pas choqué de mes paroles ce qui m'enrage encore plus. Il se retourne lentement pour se diriger vers le salon d'où provienne des petits pleures discret de Kate. Celle-ci a dû se réveiller à cause de mes paroles criardes et tant mieux. Ethan s'approche d'elle et la prend dans ses bras pour la réconforter tout en lui caressant le dos. Je manque de m'étouffer, je bouillonne littéralement de rage contre eux.

 La fin de ma soirée se termine par un violemment claquement de ma porte avant de retrouver mon lit pour pleurer. Cela devient une habitude maintenant. 

L'envol du papillon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant