Chapitre 20

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" Un enfant n'a jamais les parents dont il rêve. Seuls les enfants sans parent ont des parents de rêve. Boris Cyrulnik"

Durant toute la semaine qui a suivi l'annonce du cancer de mon père, je me suis rendue à l'hôpital afin de passer la plupart de mes soirées avec lui. Il dormait presque tout le temps ce qui rendait la conversation entre nous quelque peu compliquée. Ma mère me disait qu'elle lui parlait quand même, car d'après les médecins, papa nous écoutait dans son sommeil. J'étais sceptique, néanmoins lui parler me faisait énormément de bien.

Toujours est-il que je m'étais mise à lui raconter ma vie. En temps normal, surtout quand j'étais plus jeune, mon père avait horreur que je lui raconte tout un tas d'histoires. Il détestait le fait que je monopolise la conversation comme toute bonne pipelette qui se respecte. Au départ, j'ai eu du mal à prononcer le moindre mot devant mon père endormi, puis au fil des jours, cela me passa.

La situation dans laquelle nous nous trouvions était assez comique, car je sais que s'il ne dormait pas, celui-ci m'aurait lancé ses fameux regards noirs pour que je me taise. Cela marchait quand j'étais petite, mais aujourd'hui, il était obligé malgré lui de m'écouter. Au fond de moi, j'étais persuadé que papa ne pouvait pas m'entendre vu qu'il dormait, mais j'espérais profondément que j'avais tort. J'avais ce besoin de lui parler et cet espoir qu'il me réponde enfin.

Toute la semaine, j'avais eu des fous rires dans sa chambre, j'avais l'impression de devenir folle à parler à un endormi. Mais un fou rire était généralement suivi de pleurs. J'aurais aimé qu'il se réveille et qu'il me parle. J'ai eu l'impression d'avoir passé une semaine à parler dans le vide et cela me tuait.

J'ai toujours adoré parler avec mon papa, il est comme mon confident et encore plus aujourd'hui. Ma mère passe souvent dans la chambre pour me ramener de l'eau. D'après le sourire que j'aperçois sur son visage, elle est heureuse que je lui parle en oubliant ma rancœur. Certes, je lui en veux encore énormément, mais je préfère passer outre pour profiter de lui au maximum, ce que j'aurais pu faire depuis le début si j'avais su sa maladie.

Je me rendais souvent à l'hôpital. J'aurais aimé que Kate m'accompagne, mais je n'arrivais pas à lui parler depuis sa trahison. Comment ma meilleure amie peut-elle avoir été au courant avant moi ? Je ne comprends pas. À tous les coups, c'est Cameron qui lui a tout dit alors que c'est moi sa sœur et pas elle. Je ne lui parle plus à lui non plus, il me dégoûte d'avoir été un si mauvais frère. Il aurait dû me le dire.

Aujourd'hui et comme tous les autres jours, je me force à écouter ce que le professeur raconte pour pouvoir le redire ce soir à mon père. Je sais, je suis étrange. Personne ne va aller raconter ses cours à ses parents en rentrant, mais moi si. J'apprends beaucoup mieux en récitant aux autres ce que j'ai appris. Mon père m'a toujours dit qu'il préférait que je lui raconte mes cours que mes embrouilles avec mon frère, et même avec Kate. Malheureusement pour lui, ce soir, il aura le droit à mes plaintes.

J'ai tellement hâte d'aller le voir, le savoir près de moi ça me fait énormément de bien. À force, j'oublie qu'il se trouve dans un hôpital, c'est un peu comme ma deuxième maison, ces temps-ci.

En sortant du cours, je me précipite vers l'arrêt de bus pour me rendre à l'hôpital. Il fait tellement beau aujourd'hui que j'aimerais bien demander à Lydia, l'infirmière, si mon père peut sortir faire une petite promenade dans le parc. Lui qui adore la nature, il serait content. Il doit en avoir marre de voir les mêmes murs blancs tous les jours.

En arrivant près des bus, je repère sur le parking la voiture de ma mère. Pourquoi vient-elle me chercher ? Je lui ai envoyé un sms tout à l'heure pour lui dire que j'arrivais.

L'envol du papillon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant