Chapitre 3

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Nico, Infirmerie du Pensionnat, Jeudi 2 Décembre.

Les rêves, souvent incompréhensibles, étaient considérés comme un message annonçant le futur dans les temps anciens. Ils prédisaient des choses et mettaient en gardes. La plupart du temps les rêves sont le fruit de souvenir. On peut aussi revivre une partie de notre vie. 
      Mes rêves à moi ne prédisaient rien du tout. Ils me faisaient revivre des moments de ma vie. Quand Bianca et maman vivaient encore par exemple, je me réveillais ensuite plein de nostalgie presque certain que maman allait entrer pour me dire de me dépêcher, que j'allais être en retard à l'école. Quand le grand cercueil noir était descendu dans la fosse, puis quand le petit blanc l'avait rejoins, je me réveillais alors en sueur, suffoquant et terrorisé. 
     C'était pour ça que je n'aimais pas dormir. Et, il faut l'avouer, j'avais une peur bleue du sommeil. C'était une phobie incontrôlable. En plus ma mère s'était endormie et à cause de son cancer, ne s'était jamais réveillée. Elle avait sombré dans un coma de sept mois qui avait aboutit à sa mort. J'avais peur du sommeil à cause des rêves et parce que je ne voulais pas mourir en dormant. Je voulais voir la mort en face, savoir qu'elle venait. 
      Le soir, je devenais paranoïaque. J'avais peur de Léo qui faisait flamber tout un tas de truc et qu'un jour l'un deux ne s'éteigne pas. J'avais peur de Jason qui pouvait faire n'importe quoi lorsqu'il était somnambule. J'avais peur pour lui aussi, alors parfois je le suivais la nuit et le ramenais dans son lit. 
     Enfin bref, le sommeil était vraiment l'une de mes deux plus grandes phobies. Et cette nuit-là, comme d'habitude, je fis un rêve.

      Un beau jour de mai ensoleillé. Les arbres fleurissaient et embaumaient l'air de leur parfum. Les oiseaux chantaient. Les gamins jouaient et riaient dans les parcs publiques. La fin d'année approchait, ça se sentait. C'était un jour que j'adorais étant petit.
        Moi aussi, j'étais dans un parc. Un parc boisé de peupliers, de cyprès et d'if. Mon père était là aussi. En costume noir et argent, il avait l'air sévère. Le costume que je portais était simple et noir.
       Un silence lourd et pesant régnait. Nous regardions un petit cercueil blanc, qui contenait le corps de ma sœur, descendre dans une fosse. On pouvait déjà voir la pierre tombale blanche à son nom. A coté se dressait une pierre plus grande et noire. Maria di Angelo, 1976-2004, aimée et regrettée de son fils, sa fille et son mari. Maintenant , il n'y avait plus que son fils et son mari qui la regrettaient. Enfin si son mari la regrettait vraiment.
      L'autre jour, je l'avais vu avec une femme dans un café et ils avaient l'air de bien se connaître.
      Mais je ne pouvais pas croire que Bianca était morte. Je ne pouvais pas croire que je ne verrais jamais plus son sourire, n'entendrais jamais plus son rire, ne sentirais plus jamais ses bras si réconfortants...
       Et ses gens qui venaient pour nous dire qu'ils étaient désolés, à quel point ils compatissaient et nous présentaient leurs condoléances. Non ! Ils ne savaient pas se que c'était de perdre sa sœur alors que l'on avait que dix ans. De perdre sa bouée à laquelle on se raccrochais pour ne pas tomber, son bouclier qui nous protégeait contre le monde malveillant, cruel et implacable.
      J'avais envie de leur hurler tout ça à la figure. Qu'en plus de Bianca, c'était maman que j'avais perdu à peine quelque mois plutôt et que lorsque l'on est qu'un gosse, c'est un sacré choque. Que je me retrouvais seul avec un père indifférent et absent. Un père qui n'est jamais satisfait et qui ne s'intéresse qu'à vos notes en ayant comme seul sujet de conversation le travail.
       Ils continuaient de défilés avec leur « je suis désolé ». Non, tu ne l'es pas du tout. « Dis-toi, qu'au moins elle a rejoins ta maman ». Oui, et en me laissant seul. « C'était quelqu'un d'exceptionnel, nous la regrettons tous ». Pas autant que moi, c'était quand même ma sœur. « Elles te surveillent et te guident depuis le ciel ». Encore faudrait il qu'il existe. « Elle a eu une vie merveilleuse ». Non. Elle a eu un vie courte. Trop courte. « Elle souriait tout le temps. Je pense qu'elle aurait voulu que tu le fasse aussi, même lors de son enterrement. » Tu ne connais pas ma sœur et je déprime si je veux, tu n'as à me dire ce que je dois faire.
       Pendant un quart d'heure, je me tenais droit sous le soleil à les regarder passé, eux et leurs phrases abjects.
       Il y avait des élèves du pensionnat de la Colline aussi. Ils étaient venu dire aurevoir à Bianca. Avec leurs uniformes oranges, violets ou argents, ils étaient ridicules.
      Mon père se pencha vers moi :
- Tu pourrais au moins dire quelque chose et arrêter de bouder. Je sais que c'est dur mais il faut que tu sois fort.
       La colère s'empara de moi et même devant les autres, je me mit à hurler :
- Tu sais que c'est dur ? Mais tu ne t'es jamais intéressé à elle ! La seule chose qui comptais c'était ses résultats ! Alors là, t'étais fier d'elle, tu la sortais, presque comme un chien savant, pour l'emmener à des soiré et montrer à quel point ta fille était intelligente et cultivée. Mais tu ne sais rien d'elle ! Tu ne connais ni son plat préféré, ni sa couleur préférée, ni sa musique préférée, ni ses passions et hobbies ! Tu ne la connais pas ! Maman, elle, elle savait ! Ma mère comprenait ce que c'est qu'une famille !
- Nico ! Ne me manque pas de respect ! Je suis ton père, ne l'oublie pas.
- Oui, tu es mon père. Un père absent et désintéressé de son fils qui est un cancre et un petit voyou selon les dires de ses professeurs. Tu es un père irresponsable qui fait élevé ses enfants par d'autres et qui n'accepte pas sa paternité. Tu es un père que je n'es pas voulu. J'aimerais que se soit toi qui repose dans ce trou et non maman et Bianca !
- Nico, le ton de mon père était calme et froid, va m'attendre dans la voiture, nous reparlerons de tout cela à la maison.
- Hors de question.
        Je me précipitais dans l'une des allés et tournais au coin d'un bosquet d'ifs. J'entendais des pas me suivant. Je courus jusqu'au moment où je ne savais plus où j'étais et qu'il n'y eu aucun bruit. Là, je me mis à pleurer. Je n'aimais pleurer en public. Pour moi c'était un signe de faiblesse.
        Je sanglotais depuis au moins cinq minutes, quand j'entendis un bruit. Je fis brusquement volte-face, pour me retrouver nez à nez avec un collégien en orange. Il avait les yeux vert et les cheveux bruns.
- Ça va ?
          Il me tendit un mouchoir et j'essuyais les dernières larmes.
- Oui. Ça va. Et tu es... ?
- Percy Jackson, du pensionnat de la Colline.
- Ouais, je l'avais remarqué avec ton...ta tenue ....
- Orange, coupa-t-il. Je sais c'est bizarre.
- Nan, ça te vas bien.
           Il sourit. Je lui rendis son sourire.
- Peter Johnson ! appelait une voix.
- Aïe ! Le directeur !
- Mais tu ne t'appelle pas...
- Si, mais il aime écorcher mon nom. Faut que j'y aille à plus.
          Le garçon partit.
- Attend tu as oublié ton mouch....
         Trop tard, il avait disparu au loin. Je baissais les yeux vers le tissus. Il était bleu et un trident vert était brodé dessus. Je le glissais dans ma poche lorsqu'une main se posa sur mon épaule. Mon père.
- Je crois qu'il faut qu'on parle, mon bonhomme.

L'Ange et le SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant