Peeta

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Je suis trop con ... C'est officiel et définitif ... Je suis vraiment trop con ...

Dans moins d'un mois, je serais officiellement diplômé et je quitterais définitivement ce bled pourri pour entrer dans mon école de dessin mais je ne me serais toujours pas décidé à aller la voir ... Quand je vous dis que je suis trop con ! La vie est courte, je le sais, pourtant je n'arrive jamais à trouver le courage de lui adresser ne serait-ce que la parole, lui faire un sourire ou même croiser son regard si particulier et qui me fait rêver des nuits entières ...

Bref ...

En attendant, ce matin, je termine de faire mon sac pour le voyage annuel des Terminales : un voyage qui pourrait être sympa si ce n'est qu'il ne se passe dans une espèce de cabane à deux sous dans le fin fond des bois sans eau ni électricité et que je vais devoir me coltiner de dormir, pendant trois longues nuits, dans la même pièce que les gars de ma promo. Le seul avantage c'est que je vais être loin de ma mère pendant ce temps-là.

Je termine de fourrer mon bloc de feuilles et mes crayons dans mon sac et tire sur la fermeture d'un coup sec avant de descendre sur la pointe des pieds les escaliers, dans le vain espoir d'éviter l'ouragan ce matin. Peine perdue, comme si elle avait une espèce de radar, ma mère sort de l'arrière-boutique de la boulangerie familiale et se plante au bas des escaliers, devant moi, la mine revêche (une habitude chez elle), s'essuyant les mains sur le tablier.

_ Je suppose que tu dois jubiler, m'attaque-t-elle de sa voix revêche.

_ Mère, ce n'est pas de ma faute ..., je plaide d'un ton contrit en rentrant ma tête dans les épaules.

_ C'est ça oui, je suis certain que ces petites vacances t'arrangent bien.

Je retiens le soupire que j'ai en travers de la gorge.

_ C'est un voyage scolaire obligatoire.

_ Et comment on va faire sans toi à la boutique ? Les sacs de farine ne vont pas se porter tout seul !

Je ne réponds rien et me décide d'attendre que la tempête passe en me plongeant dans un mutisme salvateur.

_ Tes frères vont se taper tout ton boulot pendant ton absence, je te préviens, à ton retour, tu vas en chier.

_ Comme d'hab quoi, je grommelle entre mes dents.

_ Qu'est-ce que tu baragouines encore dans ta barbe ?

_ Rien du tout, mère, rien du tout ...

Je m'avance et force le passage à la cuisine.

_ Je vais être en retard, excuse-moi.

_ Tu ne t'en sortiras pas aussi bien, sache-le ..., me menace-t-elle en repartant dans l'arrière-boutique

Je lève les yeux au ciel, m'empare d'une viennoiserie de la veille qui traîne sur le comptoir et me hâte de sortir, je sais que Delly doit être arrivée et doit m'attendre dehors. Son visage s'éclaire quand elle me voit la rejoindre tandis qu'elle patientait tranquillement dans la ruelle à l'arrière de la boutique familiale. Elle me salue rapidement et entame aussitôt sa logorrhée du matin.

_ Non mais tu te rends compte, un mois Peeta ! Même pas un mois et nous serons diplômés ! C'est tellement excitant ! Maman n'arrête pas de pleurer à la perspective de mon futur déménagement à l'autre bout du pays mais je lui réponds « maman, c'est pour mon avenir ! Je n'aurais jamais la possibilité de réaliser mon rêve en allant à PU ! » et alors elle se calme pour la journée ... Avant de recommencer le lendemain !

_ Moi, ma mère se moque de mon admission à l'école de dessin parce que, selon elle, et je la cite ...

Je dessine des guillemets dans les airs pour accentuer l'effet des paroles de ma génitrice.

Dans les boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant