Un peu américain, un peu perdu

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— Je suis un peu américain, un peu perdu. C'est agréable de trouver quelqu'un à qui parler. Tu es Anglaise ?

— Pas du tout. Je fais des études de chimie. Je commence à me débrouiller en anglais parce que c'est la langue de la recherche. Forcément. Camille. Camille Lauzerte.

— Enchanté. Ian Benett. Tu prends quelque chose ?

— Une de tes cigarettes ?

Un jeu de regards. Discret. Mais persistant. De l'attente. Jusqu'à cette première approche qu'il a tenté au milieu de cette fête, dans cet appartement. Une rencontre de langue parmi ces français et ce français qu'il comprenait si mal. Il lui offrit une de ses Marlboro light. Elle lui offrit un regard en coin et un petit sourire. Quel âge pouvait-elle avoir ? 20 ans ? Sans sourciller, il lui donnait à peine cet âge. Lui, il en avait 27.

— Je suis de passage à Paris... Chez un ami. Un peu en vacances. Un peu en attente. L'idée étant de rencontrer le plus de jolies filles possibles.

— Et ça fonctionne ?

— Hum... Je me défends. Je rode dans les partys, dans les bars, dans les musées. Mais...

— Mais ?

— Le coup de foudre, c'est pas pour tous les jours...

— Oh mon dieu, t'es un gros lourd.

— Qui dit que je parle de toi ?

— Lourd et désagréable...

— Désolé... Je joue mon américain suffisant. J'arrête. Une indiscrétion, je peux ?

— De quel ordre ?

— Tu es venue toute seule ce soir ?

— Seule comment ?

— Pas de Paul, Jacques ou Christophe ?

— Tu veux savoir si je suis libre ?

— C'est si évident que ça ?

— Oui... Tu continues avec les grosses ficelles.

— Mais ta réponse, c'est quoi ?

— La liberté, ça tient à quoi ? Si je suis avec quelqu'un, je suis plus ou moins intéressante ?

— Tu es toujours aussi belle. Et moi, plus combatif en fonction de la situation.

— Intéressant.

— Alors ?

— Ma liberté est relative. Mais ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est de savoir si tu es bon danseur ou seulement beau parleur.

— Essayons ! Tu seras seule juge !

Plus tard, se trouver un coin de cuisine, un petit coin d'intimité. Quelque chose de non calculée. De spontanée. Ils se retrouvaient, seuls, bavards, entre le frigo et l'évier, lui, appuyé contre le mur, elle, les fesses posées sur l'évier. Ils ont un peu abusés des tequilas frappées. Il a décidé pour changer de passer au champagne.

— Je ne veux pas te décevoir mais je crois qu'il n'y a en pas.

— T'es sûre ? Laisse-moi regarder.

Il se penche dans le frigo. Des milliards de bière, des litres et des litres de soda. Mais aucune belle bouteille de Dom Pérignon ou dérivés.

— Mais comment on va faire ? s'alarme-t-il. Je voudrais fêter ça au champagne, moi !

— Fêter quoi ? demande-t-elle en se reposant sur le bord de l'évier.

— Nous !

Camille frémit et rougit. C'est la première fois qu'il le remarque. Pas la dernière. Il ne le sait pas encore.

— On pourrait trinquer à la bière, propose-t-elle.

— Pour cette fois, alors.

Il sort deux bouteilles du frigo, se met en chasse d'un décapsuleur.

— Laisse-moi faire, fait-elle en professionnel.

D'un coup de main efficace, elle dévisse la première capsule en faisant levier sur l'évier, lui tend la canette, rebelote pour la sienne.

— Alors à nous ! C'est ça ?

Ian acquiesce, les canettes s'entrechoquent.

— Je... je me demandais...

— Hum ?

— Est-ce que tu es partante pour un brunch demain matin... ? Des litres de café dans un lieu éveillé.

— C'est une invitation ?

— Ben oui, évidemment... Je ne peux pas te lâcher comme ça dans la nature. Il faut qu'on se revoit. Je me montre impatient ?

Camille hoche du menton puis finit par lui offrir un éclatant sourire.

— J'aime ça. Mais...

— Mais ?

— Je me demandais... Ça sera aussi magique demain ?

— Ça demande effectivement à être vérifié.

— Je prends le risque.

— Demain matin. 11 heures. Café de la Paix. On vérifiera. Tu me laisses ton téléphone au cas où ?

— Au cas où quoi ? Je serai là. Pas toi ?

— Si. Je serai là.

Il a souri, imaginé la couleur de ses yeux au réveil, et a enfoui en lui l'envie qu'il avait de l'embrasser là tout de suite. Ils étaient bourrés tous les deux. Ça facilitait.

La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant