L'immonde doute

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Il est plus de deux heures du matin et tout le monde s'est couché. Camille a réinvesti sa chambre d'enfance qui aujourd'hui tient plus du débarras familial que de la chambre de jeune fille modèle. Elle s'en moque à vrai dire. Ici, ce n'est plus vraiment chez elle. Elle est partie depuis trop longtemps. Par terre, ils ont installé un autre petit matelas. Son lit, une place, ne laissait pas de place à Ian justement. Ian qui est en train de se déshabiller et qu'elle regarde avec intérêt.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

Elle s'est assise en tailleur sur son lit. Elle a un peu froid dans cette pièce mal chauffée et rêve de ses bras.

—Toi. Je te trouve beau, j'ai le droit ?

Ian sourit.

—Tu n'as pas honte, s'amuse-t-il en s'approchant du lit où elle est perchée.

— Quoi ?

— Me dire des choses aussi gentilles.

— Tu es beau, Ian, aussi beau qu'un acteur de cinéma.

— Très drôle, dit-il en s'allongeant à côté d'elle.

Le lit trop petit ne laisse guère de place à la subtilité. Déjà, elle ne pense qu'à l'embrasser et à le dénuder davantage.

— Tu ne crois pas que c'est un peu osé de faire ça chez ton papa ?

Camille pouffe en mordillant son lobe d'oreille.

— J'ai fermé la porte à clef, murmure-t-elle. Et puis on sera silencieux.

— Alors, c'est d'accord ? Pas de cris de folie ? Pas de rires étouffés ? De gémissements ?

— Ca ne te plaît pas?

— J'adore ça. Mais j'aurais honte s'ils se doutent de quelque chose.

— Je serais muette comme une tombe, promet-elle en le touchant, muette comme une... huumm, oui, comme ça.

Ian a déjà commencé un rapide travail d'approche. Et Camille ne peut pas empêcher ce qui à chaque fois la submerge dès les premières secondes.

— C'est de la folie, murmure-t-elle en collant ses seins contre son buste.

Et tandis qu'elle le chevauche dans un lent et puissant va et vient, Ian lui caresse le dos et les fesses et elle en frémit encore plus fort. Puis Ian attrape son visage dans ses mains et l'embrasse à pleine bouche. Ses petits cheveux caressent son front et il ferme les yeux avant de la faire basculer sur le dos et de reprendre possession de son sexe avec détermination et plaisir. Camille laisse échapper un petit cri de pur plaisir qu'elle ne peut retenir. Aussitôt, Ian plaque une main sur ses lèvres et étouffe le cri coupable de Camille. Et tout ceci le fait sourire comme jamais avant d'être emporté par son propre plaisir. Un pur sourire, merveilleusement amoureux qu'elle lui rend du regard bien plus tard quand la jouissance s'est enfuie. Ian s'écarte et retombe tel un poids mort de l'autre côté du lit. Il dit :

— Tu avais promis...

— Tu devrais être flatté de l'effet que cela me fait, répond-elle.

— Je le suis, dit-il en reprenant son souffle. Avec toi, l'amour est un acte fondateur.

— Pardon ? demande-t-elle interloquée en relevant la tête.

— Fondateur, répète-t-il. Fondateur comme si chaque fois était une première fois. Qu'on le fasse longuement ou rapidement comme cette nuit, c'est toujours intense comme une première fois.

Ian se redresse sur le lit et la regarde.

—Tu comprends ce que je veux dire ?

Camille en reste muette pour de vrai. Cet homme est fou. Et elle est folle de cet homme fou. Ils se regardent longuement dans les yeux puis Ian rit.

— Quoi ?

Il se lève du lit, traverse la pièce tout nu et va fouiller dans son sac de voyage.

— J'ai failli oublier ton cadeau, dit-il en se réinstallant dans le lit. Tiens.

Camille regarde le petit paquet emballée qu'il lui tend sans oser s'en saisir.

— Mais tu m'as déjà fait un cadeau tout à l'heure, dit-elle en désignant le livre d'art sur Yves Klein posé sur une chaise, à côté d'eux.

— C'était le Noël officiel, explique-t-il. Maintenant, c'est ton Noël personnel.

Camille prend la petit paquet et sans attendre de l'ouvrir, ses lèvres fondent sur la bouche de Ian dans une incroyable douceur amoureuse.

— Merci, dit-elle.

— Attends. Tu ne l'as même pas ouvert !

— Je sais que ça va me plaire.

Lentement, Camille déchire le papier. C'est une grande enveloppe blanche qu'elle tient maintenant dans les mains. Elle interroge Ian du regard.

— Ouvre ! ordonne-t-il gentiment.

Camille baisse les yeux et s'exécute. De l'enveloppe, elle sort ce qu'elle croit être un billet

d'avion. Elle l'ouvre. Il est à son nom. Il est pour New York.

— Qu'est-ce que...

Mais elle n'achève pas sa phrase, se pend à ses yeux.

—C'est un opened ticket, explique-t-il. Valable six mois. Tu choisis la date, tu réserves et tu t'envoles. Ca te plaît ?

Elle pose le billet sur ses genoux, comme si elle ne savait pas trop quoi en faire.

— J'ai toujours voulu aller là-bas. Toujours. Comment tu... ?

Et puis soudain, l'immonde doute l'envahit. Quelque chose qu'elle ne veut pas savoir. Qu'elle redoute. Ian l'embrasse. Elle se laisse faire avant de le repousser doucement. Froidement, elle demande :

— Tu t'en vas quand ?

Ian la regarde comme les mauvais comédiens qui jouent la surprise. Puis, comme s'il renonçait, il abandonne soudain ce stupide faciès et doucement, répond :

— Il faut que je sois à New York dans deux semaines.

— C'était donc ça.

— Oui.

— Pour combien de temps ?

— Je ne sais pas trop. Deux mois peut-être. Je dois commencer un tournage et puis je veux trouver des producteurs pour mon scénario.

— Tu l'as fini ?

— Presque.

— Bien. Je vois que tu as tout prévu.

— Je ne savais pas comment te le dire.

— C'est fait.

— Ça passera vite, tu verras, dit-il pour se rassurer autant qu'il voudrait la rassurer.

— J'espère, répond-t-elle sans parvenir à cacher son scepticisme.

— Et puis tu peux venir me voir.

— Peut-être.

Ian soupire devant cette froideur, cette déception qu'elle a dans les yeux et dans le corps. Il ne sait plus que dire pour la rassurer. Il n'avait jamais autant remarqué à quel point elle avait besoin d'être protégée, à quel point elle était comme toutes ces petites filles adultes qui ont peur, peur dès que le jour se lève...

— Qu'est-ce que je peux faire pour que tu sois bien à nouveau ? Dis-moi !

— Je ne sais pas, murmure-t-elle, revenir ?


La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant