Comme une toute petite fille

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La haine. Clic et clac, elle fait son sac. Coup de fil à Bordeaux. « Je rentre tout à l'heure, d'accord ? ». Après deux journées entières à tourner en rond dans ce studio très mal rangé, elle a eu soudain l'envie de fuir très vite. Rien à faire ici. Rien à espérer. Envie de se faire dorloter par papa. Envie d'un très facile et très rapide retour aux sources. Rien à foutre de cette ville, au diable la fac et autres conneries. Elle rentre pour une durée indéterminée dans la ville de sa douce enfance. Décidée, elle enfile une veste, attrape son sac de voyage et ferme la porte. Plus rien à foutre. Elle en oublie même de mettre en marche son con de répondeur, inutile de toute manière puisque vide de sa voix à lui. Descendre à toute vitesse les escaliers, courir presque dans la rue. Elle ne sait même pas pourquoi elle va si vite. Elle n'est même pas en retard pour attraper son train. Non, mais sa cadence est infernale, c'est comme si elle ne pouvait plus s'arrêter.

— Camille ?

Place de la République. En face, la statue centrale. Elle cherche, aperçoit Tom, soupire presque quand elle le voit marcher vers elle.

— C'est drôle, j'allais justement chez toi.

— Ah bon ?

— Ca fait deux jours que j'essaie de te joindre. Personne, même pas de répondeur. Je commençais à m'inquiéter. Tu vas bien ?

— Très bien, répond-t-elle sans même le regarder. Écoute, désolée mais j'ai pas trop le temps de parler. Je suis pressée.

—Tu t'en vas ? demande-t-il en apercevant son sac de voyage.

— Oui. Ecoute, j'ai un train bientôt Gare Montparnasse, je prends le métro, là...

— Je t'accompagne ?

Tom ne lui laisse pas vraiment le temps de réagir. Elle ne s'attendait pas à ça. Elle hausse les épaules, pas le temps de trouver une excuse bidon.

— Si tu veux, dit-elle en se dirigeant vers la station de métro.

Tom suit en prenant la cadence. Ils sautent tous les deux dans une rame de métro et s'effondrent l'un à côté de l'autre sur des sièges.

— Tu vas où ?

— A Bordeaux.

— Alors c'est comme ça que tu règles tes problèmes, toi ?

— Pardon ?

— Tu te réfugies dans ta famille comme une toute petite fille.

— Tom, je ne sais pas de quoi tu veux parler mais je te trouve très désagréable.

— Arrête Je ne suis pas venu pour te faire du mal mais pour t'aider.

— Ah, j'y suis. Ian t'a demandé de faire dans le social. Et bien dis-lui que je vais très bien comme tu peux le voir mais que s'il veut le savoir, il n'a qu'à m'appeler lui-même la prochaine fois.

Camille se lève, prend son sac. Bientôt le changement ligne 4. Et ils recommencent tous les deux leur côte à côte dans une nouvelle rame de métro. Cette fois silencieusement.

Ils finissent pas arriver à Montparnasse-Bienvenue sans avoir échangé une parole. Les lignes de métro ne sont de toute façon même pas assez longues pour penser. Tom la rejoint devant les portes de la rame, lui prend le sac des mains pour le porter. Ils sortent, se dirigent vers les escalators, montent silencieusement jusqu'au hall de la gare. Camille regarde Tom. Elle est plus calme soudain. Colère presque évanouie. Elle dit :

— Je ne voulais pas être méchante. Excuse-moi.

— Ce n'est pas grave. Tu as raison d'être en colère. Mais écoute-moi, Ian joue au con, ça je le sais. Mais est-ce que tu dois faire pareil toi aussi ? Tu n'es pas obligée de fuir ou de te cacher. Reste ici et attends que la tempête se calme. Ça ira mieux ensuite.

— J'apprécie ce que tu essaies de faire, Tom. Sincèrement, c'est très gentil de ta part. Mais ce n'est pas la peine. La situation est claire : Ian est parti. Maintenant il doute. Il n'y a rien d'autre à en dire. Et moi, je vais voir mon père et mes sœurs parce que ça fait plus de deux mois que je ne les ai pas vus. C'est tout.

— C'est sûr, ça ? demande-t-il en laissant naître un petit sourire tout sceptique.

— Je te le promets, dit-elle en lui souriant franchement.

— Combien de temps ?

— Je ne sais pas. Pas longtemps.

— Tu m'appelles quand tu rentres ?

— Promis.

— Bon. Je te laisse partir alors.

Tom lui fait deux grosses bises sur les joues et s'éloigne vers les Escalators.

— Tom ?

Il se retourne.

— Merci.

— De quoi ?

— Merci d'être là.

Tom lui offre un sourire éclatant.

— De rien, ma belle. A bientôt !

La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant