Thèse, antithèse...

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Retour à Paris. Au diable le temps perdu. Il n'y a que celui qu'elle veut rattraper qui compte désormais. Commencer par ranger son appartement à fond. Ne pas s'attarder sur les affaires que Ian a laissé. Ranger, nettoyer, se sentir propre à nouveau.

Ensuite s'attaquer fermement à ce foutu mémoire qu'elle entend terminer non pas dans l'heure mais dans le mois. Promis, juré. Et puis ne pas oublier l'essentiel : la suite de ses études. Thèse ? Anti thèse ? Essayer de toutes ses forces pour ne jamais regretter un jour.

— Allô Tom ?

— Oh, tu es revenue ?

— Hier soir.

— Et ça va ?

— Très bien ! On peut se voir ce soir ?

— Bien sûr ! J'ai un spectacle, je finis vers 11 heures.

— Je t'attends devant l'entrée des artistes ?

— Ok. A tout à l'heure !

— Joue bien !

— Promis.

Elle ne sait pas vraiment dire pourquoi mais elle est très impatiente de revoir Tom.

Un être humain. Un vrai. II a de l'humanité à revendre et il est bavard. Tout ce dont elle rêve en ce moment. 23 heures, entrée des artistes de l'Opéra Garnier. Le concert vient de s'achever selon toute probabilité et elle regarde sortir un à un ces drôles de petits bonhommes en smoking et queue de pie avant de l'apercevoir le violon sous le bras.

— Tom ! T'es canon comme ça !

Tom fait un petit tour sur lui-même, satisfait.

— N'est-ce pas ?

— Et c'était bien ? T'as bien joué ?

— Stravinski : La Carrière du Libertin. J'ai été impec.

— On va boire un coup ? Je t'invite !

Ils filent vers la rue des Mathurins pour retrouver l'ambiance d'un pub qu'ils aiment bien. The Cricketer. Un peu bruyant, décoration pas vraiment étudiée et ambiance assurée. Ils se trouvent une petite place dans l'arrière salle et commandent deux Guiness. Ici, c'est un peu leur fief depuis que Tom et Camille se fréquentent. A deux pas de l'opéra, ils sont heureux tous les deux de s'y retrouver.

— Alors, alors, qu'as-tu fait de beau à Bordeaux ? demande Tom.

Camille, amusée, lève les yeux au plafond.

— Pas grand chose à vrai dire. Mais j'ai pris de grandes résolutions.

— Oh, oh. Raconte-moi ça.

— Et bien d'abord, il faut que je me trouve un job. Je veux gagner de l'argent et je ferais n'importe quoi pour ça, des ménages, le mac do, n'importe quoi.

— Et pourquoi ce besoin d'argent si soudain ?

— Pour faire des économies. J'ai le projet d faire une thèse après cette année. Si je suis acceptée, si je trouve un labo pour m'accueillir, y'a peu de chance que ce soit rémunéré. Faut que j'anticipe.

— Sérieusement ?

— Oui... Oui, j'ai réfléchi. Je veux faire de la recherche, j'ai pas fait ces 4 années de fac pour devenir prof de chimie dans un lycée. Faut que je continue.

— Tu as raison. Je suis sûr que tu peux y arriver.

— Je ne sais pas si j'ai ce qu'il faut pour ça mais je veux travailler dur à partir de maintenant. Fini la dilettante de la fac et les bonnes excuses que me donnait la préparation de mon mémoire pour ne rien faire. J'ai 22 ans et je veux faire quelque chose de ma vie.

— Tu as l'air décidé, remarque Tom, presque galvanisée !

— N'est-ce pas ?

— Et ça se fête !

Tom lève son verre de Guiness, elle l'imite. Les deux verres se choquent tandis que leurs regards se croisent.

— A ton nouveau départ! lance Tom.

— Et que nos vies toujours se croisent ! ajoute Camille, les yeux pétillants de joie.

Tom acquiesce et souriant, boit une gorgée de Guiness puis repose son verre.

— J'ai peut-être un boulot pour toi à l'Opéra. Ils cherchent toujours des espèces d'ouvreuses ou d'ouvreurs. Bon, ce n'est certainement pas payer une fortune et mais tu vois des spectacles gratos et tu ne bosses que le soir. Ca te laisserait toute la

journée pour tes cours, tes recherches. Ca pourrait être pas mal, non ?

— Ce serait vraiment parfait, s'exclame-t-elle.

— Je vais voir ce que je peux faire demain. Je te tiens au courant.

— Tu sais quoi ? Je crois que j'ai vraiment de la chance de t'avoir rencontré.

— Et tu sais ce qui me fait plaisir à moi ? C'est qu'on discute depuis une heure déjà et on n'a pas parlé une seule fois de Ian !

Mais aussitôt, il devine qu'il n'aurait pas dû, qu'il est vraiment trop bête. II voit ses yeux papillonner dans la pièce et s'assombrir lentement.

—C'est vrai, admet-elle.

Camille sort un paquet de cigarette de son sac, allume une cigarette, regarde Tom, lui en propose une, inhale profondément la fumée. Il accepte, l'imite.

— Tu fumes ?

— Oui.

— Je ne savais pas.

— Ça faisait longtemps, explique-t-elle. Ca me calme. Tu as eu des nouvelles ?

Tom secoue la tête.

— Non. Pas récemment.

— Tu n'es pas plus chanceux que moi alors, dit-elle en essayant d'en rire.

Puis sérieusement, elle ajoute :

— Tu crois qu'il reviendra ?

— Je ne sais pas. Mon intuition me dit que oui mais...

— Tu as de l'intuition, toi ? demande-t-elle moqueuse.

— Tu ne savais pas ? J'ai un don de double vue. Je vois dans les choses bien plus que les choses. Comme tous les artistes !

— Ah ouais ?

— Ouais. En plus, il a laissé plein d'affaires chez moi.

— Chez moi aussi.

— Tu vois, il a plein de bonnes raisons de revenir.

— Ce n'est pas drôle, marmonne Camille.

— Mais si.

La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant