Cela fait partie de son charme, non ?

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— Camille ?

— Oui ?

— Camille, c'est moi.

— Comment tu vas ?

— Ça va. Ça va. J'ai oublié mes lunettes de soleil dans l'avion. C'est tout.

— Ah.

— Ouais je sais, c'est con. Je ne sais pas pourquoi je me focalise là-dessus.

— Tu devrais peut-être dormir ?

— Mais qu'est-ce que tu veux que je dorme. Il est midi.

— Je suis désolée.

— Je te manque ?

— Quoi ?

— Rien. Rien. Je te rappellerai.

Silence puis :

— Camille ? Camille, s'il te plaît. Je voudrais que tu me rendes service. Tu sais, le billet d'avion de Noël ? Utilises le pour venir me rejoindre tout de suite. Ici, c'est impossible. S'il te plaît, viens. Pour l'argent, demande à Tom de t'en filer si tu en manques pour le taxi ou je ne sais quoi. Je le rembourserai. Mais viens s'il te plaît. Y'a rien au monde que je veuille autant que cela.

Que répondre. Accepter sans discourir. Sentir la faiblesse de sa voix, la force de son besoin d'elle. Le sauver. Le protéger. Le soutenir maintenant plus que jamais. Taxi avec Tom qui a décidé de l'accompagner pour attraper le premier avion possible pour New York.

— Tu crois que c'est un caprice, demande Tom.

Camille hausse les épaules.

— Je suis amoureuse de Ian. Et j'ai envie de faire ce qu'il me demande parce que j'ai aussi besoin de sentir qu'il a besoin de moi. Tu comprends ?

Tom ne rajoute rien. Les yeux fixés sur la route, il sent des larmes pointer. Derrière les lunettes noires pour le tout faible soleil.

— J'ai rencontré le père de Ian a deux reprises dans ma vie, dit-il. La première fois, c'était pour un repas de Thanksgiving, il y a 3 ans. Ian et moi avions pris l'avion pour Chicago et son père était venu nous chercher à l'aéroport dans son vieux

break. Je me souviens, il y avait des cannes à pêche dans le coffre et ça sentait le poisson.

— Il avait quel âge ? demande Camille tout doucement.

— Je ne sais pas... Soixante peut-être. On a passé tout le week-end entre hommes, tous les trois. C'était sympa. Il adorait le violon.

— Et la deuxième fois ?

— C'était pour le mariage de Ian. A New York. C'est moi qui suis allé le chercher à l'aéroport ce jour-là.

Silence. Puis Tom lui jette un coup d'œil.

— Tu vas rester longtemps là-bas ?

Camille hausse les épaules.

— Je n'en sais rien et cela me fait peur. Je sais que ce n'est pas le moment et que je suis égoïste et tout mais est-ce tu croies que cela veut dire qu'il m'aime ?

— Tu es sa météorite, Camille. Alors arrête d'en vouloir davantage !

7 heures d'un vol au-dessus de l'attente et de son impatience. Un vol dont elle avait toujours rêvé et qui était si peu adapté aujourd'hui aux circonstances de son voyage. Mais quoi ! Fallait— il être désespéré ? Oh dieu, comme elle avait envie de fumer Fouiller dans son sac à dos, chercher un qu'elle ne parviendrait pas à lire de tout manière. Evacuer l'agacement de son attente... Penser à Ian, toujours et encore. Finalement sortir stylo et carnet spirale de son fourre-tout... « Je me sens excitée et triste. Je me sais bête et amoureuse. De quoi dois-je avoir le plus honte ? De mon impatience à le retrouver (en de telles circonstances) ou de ma joie à débarquer dans cette ville dont j'ai toujours rêvé ? ».

Les contrôles de passeport terminés, la voilà évacuée. Petit sac de voyage et sac à dos. JFK. Elle y était !

Oui, elle y était mais personne ne l'attendait.

— Camille ? Camille Desarthes ?

Une belle jeune femme blonde venait de s'approcher. Elle avait des lunettes de soleil greffées sur la tête et une robe d'été à carreaux d'une simplicité ravageuse.

— Oui ?

— J'en étais presque sûre ! J'ai vu des photos de toi!

Camille la regarde interloquée...

— Oui, excuse-moi... Je me présente : Laurie. Laurie Wallace. Je suis une amie de Ian. En fait, non, je suis son ex-femme. II m'a demandé devenir te chercher.

Un coup de poing dans le ventre lui aurait fait le même effet. Mais Camille s'efforçe de sourire en lui tendant la main.

— Enchantée !

— Tu as fait un voyage terrible, bien sûr Mais bonne nouvelle pour toi : c'est déjà l'été à New York Super, non ?

Elles prirent une limousine que Ian avait affrété pour l'occasion. «Parce que c'est aussi peu cher qu'un taxi» avait expliqué Laurie qui décidément n'arrêtait jamais de vouloir parler. Camille jetait des coups d'œil fascinés sur les paysages qui défilaient et se concentrait sur son arrivée. Laurie finit pas s'en rendre compte et la laissa un peu

tranquille. Au bout d'un temps qui parut durer un siècle, la limousine finit par passer le pont de Brooklyn pour débarquer au cœur de Manhattan.

— Enfin murmura Camille les yeux scotchés à la fenêtre.

Laurie lui adressa un petit sourire amusé.

— C'est la première fois que tu viens, n'est-ce pas ?

Camille acquiesça sans rougir. Elle demanda :

— C'est encore loin ?

— Plus vraiment. Ian habite sur la 6ème avenue au niveau de Washington Square.

— Je sais, murmura Camille en se rappelant l'adresse magique qu'elle inscrivait sur les enveloppes.

Ian était absent mais Laurie avait les clés. Elle la fit rentrer dans cet appartement si new yorkais avec fire escape et parquet ciré.

— Je pense que tu peux déposer tes affaires, dit Laurie en essayant de la débarrasser

de ses sacs.

Camille eut un geste de recul incontrôlé.

— Tu n'as rien à craindre de moi, fit Laurie pour la rassurer. Lui et moi, c'est fini depuis des siècles.

Camille posa ses sacs et sans répondre se dirigea vers les fenêtres. Dehors, la nuit commençait tout juste à tomber. Mais la ville, loin de commencer à s'endormir, semblait au contraire se mettre en marche. Enfin, du moins la ville qu'elle percevait des fenêtres, les bruits qui remontaient jusqu'à elle. Comme une énergie souterraine qui faisait surface à la nuit tombée.

— Tu veux boire quelque chose ? Une thé, un coca, du vin ?, demanda une voix derrière elle.

Camille consentit à se retourner pour répondre non merci bien poliment. Laurie haussa les épaules.

— Bon. Je crois que j'ai fait ce que j'avais à faire, dit-elle. Je vais te laisser maintenant. Si tu as faim, j'ai rempli le frigo hier soir. Je te laisse les clés sur la table, ajoute-t-elle en s'éloignant vers la porte.

Camille fit mine de la raccompagner puis abandonna. Raccompagner qui et à quel titre ?

Elle ne savait plus. Elle parvint tout de même à demander :

— Il rentre quand ?

Laurie la regarda avec un drôle de petit sourire puis fit :

— Je ne sais pas mais cela fait partie de son charme, non ?

Camille détourna les yeux et attendit d'entendre la porte se refermer pour les lever à nouveau.

La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant