Quelques idées au cœur de l'hiver

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Dormir pour la première fois. Dormir pour la première fois dans le creux de ses bras. Faire semblant de ne pas le regarder. Voler en permanence des bouts de son sommeil. Mais il ne dormait pas vraiment. Il fermait les yeux mais sa main revenait systématiquement caresser un bout de sa peau à proximité. Le jeu des doigts dans le creux de sa nuque, une main fermement posée sur son épaule, de la chaleur et de l'intimité. Elle n'aurait jamais plus la force de s'en passer. C'était une évidence ressentie dans l'instant T, une de ces certitudes qui vous réchauffent le corps et atomisent le cœur.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

— Toi. Tu ne dors pas ?

— Je te regarde. Quelle paire !

Dormir en cuillère, incrustés l'un à l'autre. Dans la froideur de cette nuit d'hiver, quand dehors tout est si glacé, quand dehors, tout pourrait les séparer. Au matin, pour la première fois de sa vie, Camille n'eut pas peur. Elle n'eut pas honte. Elle n'eut pas envie de fuir. Tous ces événements n'étaient pas le fruit d'un désir incontrôlé qu'elle aurait pu regretter. Tout était exactement ce qu'elle avait voulu qu'il arrive. En mieux. En beaucoup plus fort. Elle avait joui, non ? C'était une alchimie ou ses compétences. Peu importe. Il importait que cela soit lui et pas un autre. Et ils remirent cela en se réveillant. Pour vérifier. Pour s'assurer qu'en dehors de la magie, tout pouvait être reproduit.

— Il faut vraiment que tu y ailles ?

— C'est un cours important. Je ne peux pas tous les sécher.

— Qu'est — ce que je vais devenir ?

— Tu peux rester là à m'attendre... Garder le lit bien chaud.

— Oui ?

—Bien sûr. Petit déjeuner. Prendre un long bain et te recoucher... Je reviens dans trois heures.

— Je pourrais aussi t'accompagner jusqu'à la fac et t'attendre dans un café juste à côté. Je n'ai pas envie de te quitter.

— Ce serait bien aussi. Mais décide-toi. Je vais être en retard.

— Tu es toujours aussi dynamique le matin ?

— Hum, ça dépend de la veille. Mais certaines choses me donnent de l'énergie.

— Bon, c'est décidé. Je t'accompagne, fait-il en repoussant la couette.

— Vraiment ?

— Tu as peur que je te fasse honte ?

— Comment tu as deviné ?

— Allez, arrête de parler. Tu vas nous mettre en retard !

Il l'accompagne donc à la fac. Il la laisse s'envoler vers un amphi ou une salle de cours et lui va se réfugier dans la chaleur aléatoire d'un petit café  qu'elle lui a montré dans une rue à côté. Là, il boit des cafés, fume beaucoup trop et avance son scénario. Un cahier Clair Fontaine à gros carreaux, un stylo à plume qu'il lui a volé et quelques idées au cœur de l'hiver. Le serveur du café le reconnaît sans le reconnaître et le prend pour un écrivain américain. Ian parle peu le français mais parvient à dialoguer. Il aime la simplicité de l'atmosphère de ce pauvre petit café où les papy viennent boire dès 9 heures du matin un petit ballon de rouge en revenant du marché.

Et puis au bout d'un certain nombre d'heures qu'il voit à peine défiler, Camille vient le rejoindre. Les joues rougies par le froid dehors, les bras chargés de livres et de classeurs, elle se pose en face de lui, souriante, tellement heureuse de le retrouver. Et ils parlent devant un nouveau café. Un peu de chimie au programme ou de francs regards amoureux.

— Approche, je voudrais te dire quelque chose. A l'oreille.

— Oui ?

— Approche, répète-t-elle en tendant son visage vers lui.

Il lui obéit, elle approche sa bouche vers son oreille mais au dernier moment dévie vers ses lèvres et lui vole un baiser humide et affolant.

—Tu m'as eu, lance-t-il, heureuse victime. On s'en va ?


La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant