Page tournée

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Après ça, Noël, le nouvel an, les choses ont été très vite. A peine le temps de se dire que cela approchait et c'était déjà là. Demain, Ian prenait l'avion pour New York. C'était dit comme cela et il n'y avait aucune raison pour que cela change. Camille s'était dit que ce n'était pas plus mal, qu'elle allait en profiter pour se remettre à travailler son mémoire, pour assister à ce cours sur la chimie et les neurosciences dont elle avait raté les premiers cours, pour revoir tous les amis qu'elle avait un peu mis de côté ces derniers temps. C'était beau à imaginer toute cette bonne volonté pour construire, avancer, progresser. Elle se disait qu'elle allait pouvoir, à nouveau être l'étudiante la plus ambitieuse de sa fac. Bref, elle n'en faisait pas un drame, de ce départ. Elle ne voulait y voir que des choses positives. A tel point que Ian en resta scié.

— Dis, tu pourrais paraître un minimum triste, quand même, bougonna-t-il un jour où elle en avait trop fait dans l'énergie et la gaieté.

Camille haussa les épaules.

— Chacun sa méthode, répondit-elle.

La vieille de son départ, Ian l'invita au restaurant. Rien qu'eux deux et tout le monde autour. Un petit resto dans le Marais, tout à côté de la rue des rosiers. Après, ils iraient boire un coup chez Tom puis ils iraient dormir une dernière fois ensemble avant l'avion de 9h15 à Roissy.

Ce soir-là, au restaurant, Camille était toute perlée et tellement séduisante. Elle buvait du vin modérément, juste assez pour avoir le feu aux joues et sourire de toutes les bêtises qu'il disait. Elle voulait aussi qu'il lui parle de New York. Elle demanda :

— Il doit faire froid, là-bas, non?

— On m'a dit qu'il neigeait. Que c'était un hiver de fou.

— Tu adores cette ville, non?

— Ca dépend, fit-il. Mais globalement, j'en suis revenu. Quand j'ai débarqué là-bas, à 17 ans, j'étais comme fou. C'était LA ville. Le grand truc. Mais on se fait à tout.

— J'ai toujours eu envie d'y aller, fit-elle songeuse.

— Tu viendras bientôt. Ne t'inquiète pas.

— Je sais. Merci pour ça. Si je n'avais pas la fac et tout ça, je serais bien partie avec toi.

— Je comprends, dit-il conciliant. Je comprends très bien.

Il comprenais si bien que ça l'agaça soudain. Elle dit :

— Tu sais, je pourrais être trop être fragile et mourir de ton absence. Tu devrais pas me laisser comme ça.

— Camille, gronda-t-il. Tu vas pas mourir de mon absence !

— Peut-être que si !

— J'espère bien que non!

— Bon, d'accord, admit-elle. Peut-être pas mourir. C'était une métaphore.

Puis toute souriante, elle se baissa, fouilla dans son sac et ressortit un petit paquet emballé dans du papier journal.

— Tiens, dit-elle, en le posant devant lui.

Il regarda le paquet.

— C'est mon anniversaire ?

— Ouvre-le!

Il déchira la page « marre aux canards » du journal et découvrit une paire de gants en laine rouge.

— C'est pour que tu ais bien chaud là-bas, expliqua-t-elle. Je ne veux pas que tu sois malade.

Ian lui sourit, mit les gants, sourit à nouveau. Il était touché de cette attention toute enfantine.

La seule chose qui lui importe au mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant