Chapitre 10

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Je crois que je souris. Oui je souris, je crois que je suis bien, mieux encore il me semble que je suis heureuse. Je ne me suis plus sentie comme ça depuis des années, ça j'en suis certaine. J'étais tellement joyeuse, je dormais bien, tout me semblait beau, tout même cette institution me semblait avoir du bon au fond. Je me sentais tellement insouciante mais j'étais réellement pleine de gaieté. Je crois que quelque chose au fond de moi retrouvait peu à peu mon ancienne moi, celle que j'étais durant mon adolescence, une personne souriante et énergique, immature et drôle, une personne qui ne pensait qu'à être la plus heureuse possible pour les autres.

J'avais l'impression que j'étais devenue quelque chose, que j'étais humaine et vivante, j'avais l'impression pour la première fois depuis quatre ans que quelque chose en ce monde en valait la peine.

Je me préparais dans ma chambre, pas en vitesse et n'importe comment, je me coiffais et mis comme à mon habitude un de mes vêtements rétros, une vieille robe avec un veston, accompagnée de bottines marron. Je m'observais un instant dans le miroir. Je n'avais pas une seule cernes, mon visage était lisse et sans traces ou cicatrices. Ma peau paraissait plus jolie de jour en jour, je n'avais plus mon teint blafard. Je pense que je suis peut-être jolie, mais j'en suis pas sûre. C'est difficile à dire à soi-même.

Je sorti de ma chambre en vitesse, je courrai limite dans les couloirs, accélérant encore et encore. Une fois dehors, j'avançai un peu plus calmement regardant de droite à gauche puis de gauche à droite, cherchant du regard le Docteur. Je le vis soudain, assis sur le banc devant l'entrée entrain de lire un livre. Je m'approchai doucement de lui et le saluai. Il semblait très pris dans son livre, car quand il releva la tête et me remarqua, il sembla chamboulé et rangea son livre en vitesse. Recoiffant un peu ses cheveux vers l'arrière il me salua aussi et nous nous mîmes en route.

Sur le chemin on ne parla pas beaucoup, je ne savais pas vraiment quoi lui dire mais j'appréciais le moment qu'on passait en silence. Nos doigts se frôlèrent un instant ce qui me mis légèrement l'embarras au visage. Le Docteur me regarda et pris doucement mes deux mains avant de me demander :

- Vous portez une bague de chaque côté, à droite une sur l'annuaire et à gauche une sur le majeur, pourquoi ?

- Ça a une petite symbolique, une symbolique qui m'est précieuse.

- Pouvez-vous me l'expliquer ?

- Quand j'avais 17 ans, j'ai rencontré deux personnes incroyables, ils étaient vraiment gentils avec moi et avant même que j'aie eu le temps de réaliser, qu'ils avaient déjà pris une énorme place dans mon cœur. Il y avait une fille et un garçon. Sur la bague qui se trouve sur mon majeur, il est gravé "best" car pour moi rien n'était meilleur que de voir cette personne, cette bague était un peu grande et forte, son métal était un peu abîmé mais elle était jolie, car la personne était quelqu'un de très blessé mais restait une très belle personne. J'ai énormément de mal à l'enlever cette bague, elle est aussi compliquée à enlever que la personne à comprendre. Pour celle qui est sur mon annuaire, c'est une bague plus fine, elle est toute petite mais la minuscule pierre précieuse qui y est fixée brille de mille feux, c'est pour montrer que la personne bien que se croyant banale est magnifique et étincelante. C'est la première bague que j'ai porté, elle était facile à porter comme la personne à cerner, je pouvais reconnaître par ses moindres gestes ou réactions ce qu'elle ressentait. J'avais toujours peur de lui faire du mal car derrière ses apparences de personne désintéressée c'était quelqu'un de sensible.

- Vous semblez vraiment aimer ces gens.

- Si je les aime ? Bien sûr que je les aime , je les aime plus que tout au monde. À mes yeux ils sont plus brillants que le soleil qui me réchauffe, plus précieux que tout l'or du monde, plus doux que la soie et la laine, plus resplendissants que tous les joyaux de la terre. Ils sont magnifiques, merveilleux, magiques même, ils sont tout ce qui me fait sourire, tout ce qui égaie ma journée, tout ce qui fait chavirer mon cœur. Pour eux j'écrirai des poèmes, des textes ou des récits, pour décrire ce que je ressens tout au fond de moi à leurs égards. Pour eux je me blesserai, je me fatiguerai, je me tuerai même, je serai prête à leur donner mon cœur si cela peut leur permettre de vivre davantage. Pour eux, je soulèverai les cieux, je retournerai les lacs, je ferai lever le soleil à l'ouest, je changerai de direction le vent, je transformerai l'ombre en lumière. Je n'ai aucun doute là dessus, mais à présent je ne suis plus là pour les protéger, mais je crois et espère de tout mon cœur qu'ils vont bien.

Une fois mon récit fini nous restâmes en silence un moment. Je regardais le sol essayant de gérer la vive émotion qui m'a prise pendant que le Docteur me tapotait gentiment l'épaule. Il se pencha un peu et posa sa joue sur ma tête, je me rapprochai un peu de lui et me penchai contre son épaule. Je clignai des yeux et lui dit presque en chuchotant :

-Vous êtes tout ce qui me reste, Harrins.

- Et vous êtes tout ce que j'ai.

- Vraiment ? Pourtant vous vivez comme un citoyen normal, plein de monde voudrai de vous, vous êtes psychologue, vous avez une belle apparence, sûrement un bon salaire, que faites-vous avec votre patiente cinglée qui n'a rien à vous offrir ? Que diraient vos parents ?

- Je m'en fiche de tout ceci mademoiselle, rien de tout ceci n'est important. Pour la première fois dans ma vie j'ai l'impression qu'une personne que je trouve merveilleuse me trouve merveilleux en retour, et je ne veux pas perdre ceci, je ne veux pas vous perdre vous.

Je me serrais en silence contre le Docteur Harrins. Il avait le don de dire des choses qui m'atteignaient vraiment beaucoup, ou peut-être que ça n'atteignait car c'est lui qui me les disait. C'est fou mais j'ai comme l'impression que j'ai retrouvé mes émotions perdues depuis longtemps, j'avais l'impression de redevenir humaine, redevenir vivante, réactive. Je me sens réellement bien, je pense que je l'aime, j'en suis même sûre. Je ne veux pas qu'il parte, je veux vraiment aller mieux, guérir, sortir de cet hôpital, pour lui, pour moi, pour nous.

Cher DocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant