Chapitre 13

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Je ne dors plus. Je ne mange plus. Je me sens enfermée et détruire, comme si à chaque minute de ma vie je me vidais de mon sang. Je me sens horriblement mal et seule, je ne sais plus que croire et que penser, je ne sais plus où aller. J'ai l'impression qu'on m'a subitement enlevé toutes mes forces et mes espoirs. J'ai peur, j'ai peur d'avoir envie de mourir, je voulais tant vivre, je ne sais plus si je le veux finalement. J'ai réussi à aimer à nouveau, mais le monde autour de moi ne m'a pas laissé davantage. Harrins m'a reconstruite pour me détruire en mille particules plus violemment encore. Il a emporté avec lui, tous ces bons moments passés ensemble, tous ce bon ressenti, toute la chaleur que j'ai cru retrouver au fond de mon cœur.

Je n'arrivais juste pas à réaliser que tout est ainsi. Cela fait déjà trois semaines qu'Harrins ne vient plus. Suite à la soirée à la cathédrale, il m'avait ramenée inconsciente et avait expliqué que j'avais fais une crise et que j'ai failli attaquer un passant. Il a expliqué aux médecins que mon cas est incurable, que je faisais semblant d'aller mieux juste pour sortir et essayer d'assouvir mes activités. Les infirmières étaient venues m'expliquer tout ceci, elles pensaient que ça ne servait plus à rien de me cacher les faits, elles supposaient que mon état était critique de toute évidence, alors pourquoi tenter de m'éviter le stress, le stress n'est la cause de rien dans mon comportement.

La seule chose que je ressens actuellement c'est la douleur. J'ai tellement mal que je n'arrive pas à pleurer, comme si mon corps tout entier était en état de choc. Je me sens tellement mal, j'ai envie de disparaître ou de fondre, de me faire emporter par le vent, peu m'importe, j'étais vraiment au fond du gouffre et je savais pertinemment que personne ne viendrai m'aider dans mon malheur.

Je vais passer mon 25ème anniversaire dans ce vieil établissement que je hais, avec ces infirmières et médecins que je hais, et avec cet univers dans lequel je vis que je hais. Je hais, je hais tellement que je pourrai en mourrir si je laisse tout sortir. Je crois que c'était la dernière leçon que la vie allait me donner sur le fait que j'accorde ma confiance à n'importe qui. Pourtant c'est horrible car Harrins n'était pas n'importe pour moi, alors ce que la vie voulait me dire, c'est de ne faire confiance à personne.

C'est affreux , je me sens tellement seule. Je me le répète tellement que c'est encore plus douloureux mais je n'arrive pas à m'en empêcher. Je restais toutes mes journées allongée sur mon lit à fixer le plafond. On m'attache toujours dans mon sommeil mais ça m'est égal. De toute façon je ne compte pas bouger, pourquoi faire ?

Je ne peux quand même pas rester ainsi, je me suis promise de vivre, de m'en sortir. Je regardais mes bagues aux doigts et les touchais avec mes pouces. Il faut que je sorte d'ici, je ne peux juste pas mourir ici.

C'était le matin. On me détacha et on me laissa aller me doucher. Je me lavais comme à mon habitude et me mis face au miroir. J'étais pire qu'affreuse, plus monstrueuse que la mort. Mon visage était blanc, blanc comme si les nausées me hantaient depuis des décennies. Mes cheveux étaient dans un état pitoyable, détruits et plein d'épis. Les cernes qui entouraient mes yeux étaient comme dessinées au stylo noir, elles étaient énormes et entouraient bien mes yeux rouges et épuisés. Je faisais peur, j'avais l'air brisée et irrécupérable, je crois que personne de ceux que je connaissaient avant d'être internée n'aurais pu me reconnaître. De toute évidence, ils ne me verrons plus, je pense. J'attachais mes cheveux et m'habillais. Les infirmières me menèrent dans la salle commune. Je les suppliais de me laisser parler au Directeur de l'établissement. Elles me refusèrent tout et m'obligèrent à aller dans la salle. Je les regardais un instant puis en poussais une sur l'autre avant de m'enfuir en courant à travers le couloir. Au point où j'en suis, je n'avais plus rien à perdre, et je devais absolument parler avec le Directeur. Je courrai aussi vite que je pouvais et vie finalement la grande porte qui menait au bureau du Directeur. Je l'ouvrais en vitesse et entrais sans même vérifier si les infirmières m'avaient suivi.

Une fois dedans, j'observais la pièce. Elle était un peu sombre et portait des tons bordeaux. Les rideaux semblaient épais et un peu lourds, le lieu était bien rangé, tout était entouré de grandes bibliothèques et seul un bureau demeurait seul au milieu de la chambre. Je ne fis qu'un pas avant de constater qu'il y avait quelqu'un dans la grande chaise devant le bureau. La personne se retourna, c'était un homme assez jeune, sur sa table était posée une petite pancarte sur laquelle était indiqué en grandes lettres "Docteur Hermann". Il me regarda sans rien me dire puis inspira avant de me questionner :

- Bonjour, je peux vous aider ?

- Bonjour, vous êtes bien le directeur de l'institution ?

- Exact, et vous êtes ?

J'hésitai un instant à répondre, jetant un coup d'œil craintif derrière moi, puis soufflai un coup et dis de la manière la plus calme possible :

- Je suis l'une de vos patientes.

Le Docteur ne sembla pas spécialement indigné, il me regardait poliment sans trop de réaction et répondit :

- Comment puis-je vous aider ?

- Docteur, je sais que ce que je vais vous dire n'aura sûrement aucun sens pour vous, je suis ici depuis quatre ans déjà, mais je suis certaine d'être victime d'un coup monté par un criminel qui est encore en liberté actuellement.

- Poursuivez.

- Le Docteur Drevor Harrins était le médecin qui s'occupait de moi jusqu'à maintenant, il m'a dit même être celui qui a voulu s'occuper de moi, avec le temps j'ai fini par lui accorder ma confiance mais dernièrement il m'a révélé être le criminel des deux victimes que j'étais censée avoir tué.

- Excusez-moi, je vous interrompt un instant, je dois chercher votre dossier, pour être franc je ne travaille ici que depuis quelques mois, je ne connais pas encore tous les patients.

- Il y avait-il un autre dirigeant avant vous ?

Le regard du Docteur Hermann s'assombrit suite à ma question :

- Oui, il y avait mon père, mais il est décédé dans un affreux accident de voiture il y a de cela plusieurs mois.

- Je suis vraiment désolée Docteur...

- Ne vous en faite pas, je suis content d'avoir pu rendre telle sa dernière volonté.

- Laquelle ? Si je peux me permettre.

- Mon père adorait sa mère, mais comme elle s'était mariée il n'a pas pu conserver son nom de famille, et il a dû prendre celui de son père qu'il détestait plus que tout. J'ai donc changé mon nom de famille pour prendre celui que portait ma grand-mère.

Je sentis mon cœur descendre dans mes pieds lorsqu'un idée folle traversa mon esprit. Je déglutis et demandai d'une voix intelligible au Docteur Hermann :

- Docteur..?

- Oui ?

- Votre... le nom de votre grand-père n'était pas "Krumel" par hasard ?

- Eh bien dis donc, comment savez-vous cela ?

- Et votre père... ne s'appelait-il pas ... Dorian ..?

- C'est encore exact mademoiselle, Dorian Hermann Krumel. Comment savez-vous tous cela ?

- Je le sais car c'était mon meilleur ami avant que je ne sois internée...

Cher DocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant