Chapitre 9

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C'est étrange mais, ces derniers temps je dors mieux, je suis toujours autant ligotée dans mon sommeil mais j'ai recommencé à faire des rêves. Je ne me réveille plus en sursaut au milieu de la nuit, mes cauchemars disparaissent doucement, comme si quelque chose commençait à s'éclaircir dans ma tête. C'est vraiment bizarre, c'est hors normes même. J'ai recommencé à penser à mes amis, qu'est-ce qu'ils deviennent depuis le temps ? Est-ce qu'ils vont bien ? Mieux que moi j'espère. J'aimerai tellement envie de les voir, même les appeler me ferait tant plaisir, mais je ne peux pas, je n'ai pas le droit au téléphone. Et puis si même j'avais le droit, que leur dirais-je ? Ils me croient sûrement morte ou disparue, ou je ne sais quoi d'autre, ils ne se doutent pas une seule seconde du lieu où je me trouve.

Ils ont toujours pensé que j'étais un peu folle, mais pour eux j'étais juste amusante et décalée, ils croyaient que mon esprit était totalement sain, que tout ceci n'était qu'un masque pour amuser les gens, qu'en réalité j'étais rationnelle. Comment pourrais-je espérer un jour leur dire que je suis une fêlée, une tueuse, un monstre ? Oui un monstre, c'est tout ce que j'étais, une horrible personne sans crainte de la mort, sans peur du gore, une horrible assassin sans pitié, pire qu'une bête sauvage, plus dangereuse que tout. J'étais dangereuse autant pour les autres que pour moi-même, j'étais folle, je ne mesurais rien de mes actes. J'ai démembré des être vivants juste parce qu'ils m'embêtaient, de quoi serais-je capable si l'on m'énerve réellement ? Je me fais peur moi-même, j'ai peur de ce que je suis, j'ai peur de recommencer.

Dans l'après-midi je suis à nouveau sortie avec le Docteur Harrins. Durant notre route je ne pipai pas un mot, j'étais totalement perdue dans mes pensées. J'étais juste terrifiée à l'idée de refaire du mal à qui que ce soit. Plus j'y réfléchissais plus je me rendais compte que la raison pour laquelle je ne dormais pas beaucoup était sous mon nez. Mon esprit me fatiguait inconsciemment pour préserver le peu de bon sens qui me restait, en étant fatiguée, je ne réfléchissais à rien, je ne m'interrogeais sur rien, je ne me posais aucune question importante sur moi. Mais à présent je me suis reposée et j'ai commencé à réfléchir comme une personne à peu près rationnelle, et c'est à présent que je suis entrain de mesurer les conséquences de mes actes, ces choses affreuses que j'ai faites. Ça me fait extrêmement mal, pour être franche je ne me souviens même pas de mon ressenti lorsque je tuais ces gens, je ne me souviens presque pas de ces moments, c'est comme si ma mémoire était brouillée. On m'avait expliqué en détails ce que j'avais fais, quand on m'avait amené au commissariat de police j'étais comme dans un état de choc extrême, je n'arrivais presque pas à parler et je chuchotais en boucle que je ne savais rien. C'est depuis ce moment-là qu'on avait décidé de m'amener dans cette institution, ils semblaient déceler des troubles mentaux chez moi. Bipolarité, trouble de la personnalité dépendante, insomnie, hystérie, tant de choses semblaient se combiner mais le plus inquiétant était que je ne semblais pas me rendre compte de ce que j'avais fais. Je ne mangeais pas, je ne dormais pas non plus, je semblais vide, comme morte à l'intérieur. Je racontais mes histoires au Docteur sans grand intérêt, j'étais désintéressée par absolument tout.

Soudain j'entendis Harrins m'interpeller :

- Mademoiselle ? Vous m'écoutez ?

- Excusez-moi Docteur, j'étais perdue dans mes pensées.

- À quoi pensez-vous ?

- Et bien je réalise que je suis un monstre peu à peu.

- Ne dites pas cela, vous n'êtes pas un monstre.

- Bien sûr que si Docteur, j'ai tué des gens.

- Vous n'étiez pas dans un état normal, même les familles des victimes ne vous en veulent pas.

- Une des deux familles ne m'en veut pas, l'autre pense simplement que leur fils est parti de la maison et ne cherchent pas à savoir où il est parti car ils s'en fichent tout simplement.

- Ce n'est pas très bien de fouiller mes dossiers quand je laisse traîner mon porte-documents.

- Excusez-moi, je voulais en apprendre davantage mais je savais que vous ne me diriez rien de peur de me troubler.

- C'est vrai vous avez raison, je m'excuse.

- Ça me fait plaisir d'avoir raison, vous ne savez pas à quel point.

- Parce que vous êtes capricorne comme signe astrologique ?

- Vous connaissez cette association " d'envie d'avoir raison" qu'on attribue aux gens de ce signe astrologique ?

- Oui, j'ai toujours adoré ces petites choses liées à l'astrologie, c'est sûrement le comble pour un psychologue je vous l'accorde, mais c'est ainsi.

- C'est amusant Docteur. Vous êtes de quel signe vous ?

- Je suis Gémeaux.

- Un tempérament très changeant non ? Encore un comble pour un psychologue.

- Sûrement oui, mais j'aimerai que la capricorne en face de moi réalise qu'elle n'est pas une mauvaise personne et que je veux l'aider à sortir de son impasse.

- Pourquoi tenez-vous tant à m'aider ? Enfin, il y a-t-il une autre raison que votre travail ?

- Il y en a une.

- Vous êtes vraiment assidu dans ce qui vous tient à cœur.

- La raison est que je tiens à vous plus que je tiendrai à une simple patiente. Vous êtes particulière et en même tant tellement fascinante, bien plus que les humains que vous avez pu observer le long de votre vie. J'aimerai vous aider à vous en sortir et peut-être un jour vous accepterez de collaborer avec moi, des gens comme vous ne courent pas les rues, vous avez un esprit incroyable et développé, vous réfléchissez tellement loin que j'ai l'impression des fois que vous pouvez comprendre toutes les peines du monde, que vous pouvez comprendre chaque humain sur cette terre. Vous ne croyez pas en Dieu, mais vous êtes plus douce et altruiste que le Christ en personne.

- Vous êtes rude Docteur.

- Je le sais, je suis désolé je ...

- Vous êtes rude parce que vous êtes la seule personne qu'il me reste en ce monde, et qu'à votre manière vous êtes entrain de me rendre vulnérable, tout ce qui me reste pour me "défendre" est la confiance que je vous accorde, mais de jour en jour je vous donne un fragment de plus de cette confiance, je n'ai presque plus rien à vous cacher, vous avez tout pris. Maintenant je suis là devant vous à me demander si vous finirez par me le dire en mots propres, mais je me demande aussi ce que l'on va faire après que vous l'ayez dit.

- Je vous aime.

- Et nous voilà perdus ensemble Devor.

Cher DocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant