Chapitre 1

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La fille se jeta à genoux devant moi en hurlant et agrippa son cou orné d'un pendentif en argent. Elle l'arracha d'un geste précipité et le plaqua contre ma cuisse en même temps que la pochette pailletée qui devait contenir son portefeuille.

- Je vous en supplie, ne me tuez pas, gémit-elle. Prenez tout ! Tout ce que vous voudrez, mais ne me tuez pas...

Je baissai les yeux sur elle et constatai que – malheureusement pour elle – cette humaine n'était pas franchement jolie. Des yeux rapprochés, marrons et quelconques, un menton proéminant, et pour couronner le tout, des cheveux colorés en blond platine ne lui allaient pas du tout au teint, et laissaient voir de grosses racines brunes. Cela dit, je n'étais pas là en tant que juré d'un concours de beauté, et après m'être débarrassée de sa main sur ma jambe, je fis ce pour quoi j'étais là.

Je l'abattis d'une balle en plein front.

Le Gaumont Parnasse, un cinéma parisien, dont les séances du soir venaient à peine de se terminer avait résonné de peur, de coups de feu et d'ombres noirs se déplaçant si vite que les humains venus se détendre après une dure journée de travail ne les voyaient pas arriver. Le calme revenait tout juste, et je rangeai mon calibre 38 dans le holster situé sur mon flanc, puis tournai sur moi-même sans regarder le corps de la fille affalée au sol.

- Commandante, plusieurs humains ont fui par l'issue de secours, m'annonça d'un ton monocorde un Soldat Noir planté devant moi.

- Laissez-les et occupez-vous de ceux qui sont encore ici. Les survivants nous seront plus qu'utiles pour raconter à leurs semblables ce qu'ils ont vu.

- A vos ordres.

L'autre s'éloigna d'une démarche mécanique et je soupirai, persuadée de ne jamais m'habituer aux regards vides et aux réponses plates des GEN contrôlés par puce électronique. Le Soldat disparut hors de la pièce, et je fis un rapide inventaire de la situation.

La grande salle de cinéma était faiblement éclairée par les lumières rondes rallumées à la fin du film pour permettre aux spectateurs de sortir sans se casser la figure, et le générique de fin défilait toujours, en dépit de la panique qui avait régné. Cependant, l'ambiance n'était plus à l'amusement devant une piètre comédie, et même l'affrontement – si l'on pouvait appeler ça comme ça – touchait à sa fin. Il avait en vérité tourné assez court, car ces humains face à mon Armée n'avaient pas la moindre chance. Je tordis la bouche à la vue de tous ces morts, immobile au milieu de la pagaye laissée par mes hommes, en moins de dix minutes. Du sang, des vêtements abandonnés et des sièges rouges arrachés de leur socle, voilà tout ce qu'il restait autour de moi.

Alors que je m'apprêtais à me rendre dans le hall du Gaumont Parnasse pour y rejoindre le gros de mon équipe occupée à vérifier la présence de survivants, je perçus de l'agitation et des bruits à l'extérieur du bâtiment et sentis poindre l'agacement. Si c'était bien ce que je pensais, il allait y avoir du grabuge.

- Soldats, rassemblement, aboyai-je, la police humaine s'en mêle. Laissez les corps, ils n'iront pas plus loin. Verrouillez toutes les issues.

D'un pas rapide, je sortis de la salle de projection et gagnai le hall d'entrée du cinéma. L'une des guichetières avait fui, mais sa collègue avait eu moins de chance et reposait toujours sur sa chaise, la tête renversée en arrière vers un plafond qu'elle ne voyait plus. Je laissai de côté cette vision et m'approchai plus lentement des portes coulissantes, pour l'heure maintenues fermées sur mes ordres pour observer ce qui avait lieu dans la rue.

Dehors, juste devant le cinéma, se trouvait une entrée de métro matérialisée par un escalier aux rambardes sombres s'enfonçant dans le sol, mais ce qui retint surtout mon attention, ce fut le mur de voitures de police installé là. Les officiers, en gilets pare-balles et munis de boucliers, se préparaient visiblement à affronter du lourd, et nul passant n'était en vue, signe que la zone avait été soigneusement bouclée pendant que mon équipe terminait le boulot. Je ne craignais pas les humains, mais leur arrivée allait retarder la suite du plan.

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant