Chapitre 18

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Geb. Non, pas Geb. Steven Marx. 27 ans. Né à Dijon. Fils d'Ulrich Marx et de Diane Blanchin.

Voilà qui était véritablement mon ami. Le fils de mon pire ennemi, de l'homme que je tuerai un jour.

Il avait reçu le sérum à l'âge de 23 ans, soit un peu plus de deux ans avant mon arrivée à l'Institut, et son corps l'avait rejeté, effaçant ses souvenirs, ses connaissances, ses capacités, le réduisant à l'état de nourrisson, incapable de faire quoi que ce fut sans assistance. Un échec, d'autant plus cuisant pour le directeur qu'il s'agissait de son fils, celui qu'il avait eu avant sa propre mutation. Une erreur, une bavure, qu'il avait fallu dissimuler le plus vite possible.

Alors Steven Marx était devenu Geb, en référence ironique au dieu égyptien de la mémoire, et tous ceux qui connaissaient sa véritable identité avaient été priés de l'oublier, et de tenir leur langue s'ils ne voulaient pas finir dans un trou, quelque part dans le parc du manoir.

Ulrich Marx prévoyait-il de dire la vérité à Steven, maintenant que ce dernier avait recouvré le développement normal d'une personne de son âge ? Quelles étaient ces crises qui avaient conduit mon ami à l'enfermement ?

C'était à cela que je pensais, figée devant le lavabo du vestiaire. Les yeux rivés sur mes doigts, je regardai le sang s'écouler de mes jointures déchiquetées et disparaître par la bouche d'évacuation. Ma main droite laissait voir les os découverts, entourés de lambeaux de chair, résultat de mon dernier affrontement dans l'Arène.

Car c'était terminé. J'étais Champion d'Arène. Fin de l'histoire. Il n'y avait rien à en dire, parce que je n'éprouvais aucune satisfaction, aucune gloire pour ce que j'avais fait. Cela avait été une nécessité, point final.

Quelques cris me parvinrent soudain de l'extérieur, probablement dehors à en juger par la faiblesse de ce son, et m'arrachèrent à mes mornes pensées. Je fronçais les sourcils et éteignais l'eau lorsque la porte s'ouvrit à la volée sur Nacera, l'ancienne petite amie de Samuel. Elle avait un œil méchamment poché, et d'énormes lacérations sur le cou et les épaules. Puisque les combats pour l'Arène du Champion se déroulaient en dernier, j'avais eu tout le loisir de regarder les autres se battre, et Nacera, après avoir été vaincue en tentant de gravir l'échelon supérieur, avait chèrement défendu sa Basse-Arène pour en rester le maître.

- Luna, c'est l'agent Simon, annonça-t-elle de but en blanc.

J'empoignai une serviette et épongeai l'eau sur mes avants bras.

- Qu'est-ce qu'il fait, encore ? marmonnai-je.

- On m'a demandé de venir te chercher. Il tape sur tout ce qui bouge dans la cour de l'Institut, impossible de le calmer.

- Celui-là, il ne peut pas s'empêcher de foutre le bordel, grondai-je. J'arrive.

Je balançai la serviette sur un banc et pliai à plusieurs reprises les doigts pour en chasser la raideur. A part mes mains abîmées, je n'avais subi aucune blessure grave, si ce n'était une poignée d'hématomes à l'abdomen. Je passai d'un pas vif devant Nacera qui m'emboîta le pas.

- Et pourquoi c'est moi qu'on vient chercher, d'ailleurs ? interrogeai-je sèchement. On n'est pas censés avoir une sécurité ?

- Quelle sécurité ? ricana la sublime GEN, sur mes talons. Tout va à volo depuis que l'agent Simon a perdu ses fonctions. D'abord Svenson, cet âne bâté qui a été rapidement foutu à la porte, puis cette femme dont j'ai oublié le nom et qui s'est fait tuer en protégeant le directeur. C'est toi qui a donné les derniers ordres pour organiser la sécurité, avant de partir à Paris, donc c'est à toi d'intervenir.

GENESIS (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant