Ismaël Sallah repoussa sa chaise qui roula en arrière et s'essuya le front de la main gauche, les doigts tremblants. Il avait fait de son mieux pour contenir ses émotions devant Luna, mais au fond de lui, la panique menaçait de le submerger. L'appel de Luna avait bien failli le faire craquer alors qu'il venait juste de...
« Reprends-toi, gronda-t-il intérieurement. Ce n'est pas comme ça que tu changeras la situation ».
Le GEN informaticien remua lentement son bras brisé sans regarder le sang qui le maculait avant de se décider à sortir de la chambre de Geb, aussi déterminé que possible. Si son intelligence dépassait celle de nombreux GEN de l'Institut, le contrôle de lui-même n'était pas son fort, et ne pas se laisser dépasser comme un faible humain était un combat de tous les instants.
Ismaël franchit donc la porte après avoir ordonné à N.I.A de supprimer toute trace de sa conversation avec Luna. Il se retrouva dans le couloir donnant aux quartiers de son ami, bordé de cellules où l'on enfermait parfois un prisonnier ne nécessitant pas de surveillance particulière. C'était là, bien souvent, que l'on pouvait croiser une recrue récalcitrante – du moins avant que Marx ne décide d'implanter les nouveaux GEN pour s'assurer de leur obéissance. Le GEN fit halte devant le premier cachot, tout près de l'ascenseur.
- Geb ? murmura-t-il. Geb, tu m'entends ?
Il n'obtint pas de réponse et se rapprocha de la grille. Au fond, sur le lit de fortune, était assis Geb, ses boucles sombres emmêlées autour de son visage. Il se balançait d'avant en arrière, le regard vide et fixé sur un point invisible sur le mur d'en face.
- Geb ? répéta Ismaël. S'il te plaît. Geb !
L'informaticien sentit sa voix dérailler sur le dernier mot et recula légèrement histoire de reprendre ses esprits. Il devait agir, et non rester planté là à bailler aux corneilles. Mais comment aurait-il pu imaginer que son ami perdrait ainsi les pédales ?
- Steve, Steve, Steve, bégaya soudain Geb qui se prit au même moment la tête entre les mains. Non ! Geb ! Geb ! Pas de mémoire, pas de prénom. Steve. Steve.
Ismaël inspira profondément. Il fallait se rendre à l'évidence, Geb ne revenait pas à lui. La crise avait frappé, violente, et si l'informaticien n'avait pas réussi à le coincer ici... Un frisson glacé coula le long de sa colonne. La haine et la rage dans les yeux du GEN amnésique l'avaient terrorisé, mais pas tant que la certitude que rien ne l'aurait arrêté, avant, peut-être, de se trouver devant son cadavre. Lorsqu'il lui avait brisé le bras, faisait ressortir l'os, Geb avait eu une telle expression de triomphe...
- N.I.A, dit-il lentement. J'ai besoin que tu administres des ondes sommeil à l'agent Geb. C'est un code rouge, N.I.A.
- Bien reçu, agent Sallah. Je vous précise qu'un code rouge implique le contact immédiat du docteur Malcolm, en l'absence du directeur Marx, grésilla l'intelligence artificielle.
- Je sais. Préviens-la et dis-lui de descendre immédiatement. Ne le dis à personne d'autre.
- Ce sera fait, agent Sallah.
Le silence revint, à peine entrecoupé des gémissements incohérents de Geb. Ce Steve, dont il parlait lors de ses absences... Qui était-il ? L'informaticien s'assit à même le sol, le dos contre la cellule de derrière et enroula ses genoux de ses mains, avec la conviction bien fragile d'avoir agi convenablement. Attendre davantage n'aurait de toute façon pas rendu service à son ami, car s'il venait à causer un incident sévère, la doctoresse l'enverrait directement au sous-sol des Déformés, et il n'en sortirait jamais.
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GENESIS (3)
FantasyExtrait du journal d'Allan Vallet, 2 Juin, 23h39, Hôtel des Batignolles Notes sur Ulrich Marx : Immédiatement après avoir été transformé, Ulrich Marx démontra des qualités intellectuelles exceptionnelles qui compensèrent largement sa faiblesse phys...